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Apprendre l'histoire avec un atlas : L'Atlas historique, généalogique, chronologique et...

Date post: 10-Nov-2023
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Apprend L’Atlas historiq et gé présenté par Jos Membres du jury : Gilles Palsk Jean-Marc dre l’histoire un atlas : que, généalogique, chron éographique de Lesage émoire de recherche de Master 1 sian Tulasne sous la direction de Gilles P ky, professeur de géographie à l'université Pa Besse, directeur de recherche au CNRS UFR DE GEOGRAPHIE MASTER 1 DE GEOGR ANNEE UNIVERSITAI avec nologique Palsky aris 1 E RAPHIE IRE 2014-2015
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Apprendre l’histoire avec

L’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de

Mémoire de recherche de Master 1

présenté par Josian Tulasne

Membres du jury : Gilles Palsky, professeur de géographie à l'université Paris 1

Jean-Marc Besse, directeur de recherche au CNRS

Apprendre l’histoire avec un atlas :

L’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de Lesage

Mémoire de recherche de Master 1

présenté par Josian Tulasne sous la direction de Gilles Palsky

Gilles Palsky, professeur de géographie à l'université Paris 1

Marc Besse, directeur de recherche au CNRS

UFR DE GEOGRAPHIE

MASTER 1 DE GEOGRAPH

ANNEE UNIVERSITAIRE

Apprendre l’histoire avec

L’Atlas historique, généalogique, chronologique

sous la direction de Gilles Palsky

Gilles Palsky, professeur de géographie à l'université Paris 1

UFR DE GEOGRAPHIE

MASTER 1 DE GEOGRAPHIE

ANNEE UNIVERSITAIRE 2014-2015

Illustration de couverture :

La muse de l'histoire dessinée par Deveria et gravée par Thompson.

Page de titre de l'édition 1833 de l'Atlas historique.

Cliché personnel.

1

Remerciements

Je tiens à adresser mes remerciements à mon directeur de mémoire, Monsieur Gilles

Palsky, qui m’a soufflé le nom de Lesage et m’a fait découvrir ce merveilleux Atlas. Il a

toujours su me guider dans mes recherches par son expertise en histoire de la cartographie et

s’est montré particulièrement disponible pour échanger de vive voix sur mon sujet ou

correspondre par mail.

Je remercie mes camarades de promotion Laïla et Alexandre et mon ami Léo-Paul pour

le débat fertile sur nos sujets respectifs qu’ils ont suscité. Une pensée va naturellement à mon

ami Geoffrey Phelippot, pour qui les jeux géographiques de Pierre Duval n’ont plus de

secrets, et qui a sans cesse poussé mes réflexions sur l’Atlas de Lesage afin de les faire aboutir

en un tout cohérent.

Merci à Monsieur Nicolas Verdier de m’avoir accordé de son temps pour me parler des

atlas avant Lesage, et pour m’avoir conforté dans l’idée de focaliser mon travail sur la source

elle-même.

Je remercie Monsieur Jean-Marc Besse qui me fait l’honneur d’être membre du jury de

soutenance de ce mémoire.

Merci à Madame Nancy François, cartographe retraitée qui a travaillé avec le professeur

Jacques Bertin, et m’a donné le goût de la géographie.

Enfin, je remercie le personnel des bibliothèques de la Sorbonne, de la bibliothèque

Sainte-Geneviève, et de la Bibliothèque nationale (Arsenal et Tolbiac) sans qui mon travail de

recherche aurait été impossible.

2

Nos belles curiosités

Eussent mangé tous les atlas

Verlaine, Parallèlement, 1889

3

Table des matières

Remerciements ........................................................................................................................... 1

Table des matières ...................................................................................................................... 3

Introduction ................................................................................................................................ 6

Partie 1 : La fabrique de l'Atlas Lesage

I. De Las Cases à Lesage : Esquisse biographique à l’aune de l’Atlas ............................... 12

A. Du voyage à l’exil ...................................................................................................... 12

B. Las Cases, un pédagogue improvisé .......................................................................... 13

C. La fabrique de l’Atlas historique de Lesage .............................................................. 14

D. Le retour en France et la première édition française ................................................. 16

E. Une réédition orientée par son rapprochement avec l’Empire .................................. 17

II. La « méthode Lesage » : une pédagogie de l’histoire ...................................................... 20

A. L’Atlas Lesage, un Geschichtsatlas ........................................................................... 21

1. La longue tradition de la géographie comme « œil de l’histoire » ........................ 22

2. Une pédagogie par la vue ....................................................................................... 24

3. Une vision relativement traditionnelle de l’histoire ............................................... 27

B. « Le vade mecum de l’étudiant » ............................................................................... 28

C. Tracer la ligne du temps ............................................................................................ 32

1. La carte synchronique ............................................................................................ 32

2. Les tables chronologiques et généalogiques .......................................................... 37

D. De l’usage de l’Atlas, les stigmates d’un atlas de travail : l’édition 1808 de la

Bibliothèque Sainte Geneviève ............................................................................................ 39

III. Dans la planche de Lesage ............................................................................................ 44

A. Cheminer dans la planche et dans l’Atlas : de l’usage du renvoi .............................. 45

B. Une légende hors la carte : La couleur comme appui pour l’œil ............................... 47

C. Vers une planche standardisée ................................................................................... 51

1. Les héritages .......................................................................................................... 51

2. Transtextualité ........................................................................................................ 53

3. Une planche qui se stabilise rapidement ................................................................ 54

4

Partie 2 : Le temps long de l'Atlas Lesage

IV. La carte au fil de l’Atlas et de ses éditions .................................................................... 56

A. Voir et montrer le monde ........................................................................................... 57

B. L’Afrique, un « blanc de la carte » ou le « continent sans histoire » ........................ 60

C. La Mappemonde ou le point de rencontre entre l’histoire et la géographie .............. 64

V. Du succès aux héritiers ..................................................................................................... 71

A. Un succès commercial et public précoce ................................................................... 72

B. Les critiques en France et à l’étranger ....................................................................... 73

C. Rééditions et déclinaisons de l’Atlas ......................................................................... 75

D. Vers une diffusion de la « méthode Lesage » ? ......................................................... 77

Conclusion ................................................................................................................................ 81

Bibliographie ............................................................................................................................ 82

Bibliographie thématique sélective autour de l'Atlas Lesage ................................................... 85

Annexes .................................................................................................................................... 91

Table des figures ...................................................................................................................... 95

5

6

Introduction

Une jeune femme habillée d’une robe blanche à la romaine est assise sur un grand

manteau, il s’agit de Clio, la muse de l’histoire, que l’on reconnait à ses attributs. Elle écrit

sur un parchemin, posé sur un grand livre qu’elle tient en main gauche. Adossée à un globe –

que l’on suppose terrestre – posé par terre et qui symbolise avec le compas la géographie,

elle se tourne vers le buste à deux têtes du dieu Janus que lui dévoile une seconde femme,

debout derrière elle. Dieu des commencements et des fins, Janus tourne une de ses faces vers

le passé, l’autre vers l’avenir. Autour d’elle un amoncellement d’attributs militaires (casque,

bouclier) poursuit ces variations autour du temps qui passe et rappelle l’intérêt pour les

batailles. Le décor qui entoure la scène est antique, il montre à l’arrière-plan l’Egypte

ancienne évoquée par l’obélisque, la pyramide et le sphinx ; et la Rome antique avec les

ruines du colisée et une colonne. L’histoire est ainsi renvoyée à ce qui est considéré comme

ses fondements.

Cette gravure illustrant la couverture de ce mémoire orne la page de titre des éditions

tardives de l’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de Lesage.

D’une utilité pratique elle permet à l’éditeur de déceler les contrefaçons, elle est aussi un bon

moyen d’introduire la matière historique dont l’ouvrage se veut aide à l’apprentissage.

Il y a aujourd’hui plus de vingt ans, l’historien médiéviste Armin Wolf écrivait dans un

article consacré à l’atlas historique scolaire Putzger : « We have a history of cartography, but

we lack an important chapter – the history of historical atlases »1. A la suite de ce constat, il

apportait une contribution à ce champ d’étude – qu’il considérait comme quasiment vierge –

en parcourant plus d’un siècle d’éditions de l’Historiker Schul-atlas, monument de la

littérature scolaire germanophone. L’histoire des atlas historiques reste encore aujourd’hui

largement à faire, notre étude de l’Atlas Lesage s’insère dans ce champ d’étude récemment

ouvert par l’histoire de la cartographie. Ce dernier n’est plus tout à fait vierge grâce aux

travaux précurseurs que des chercheurs ont effectué ces dernières années, et que nous

présenterons brièvement un peu plus tard.

1 A. WOLF, « What can the history of historical atlases teach? Some lessons from a century of putzger’s “historischer schul-atlas” », Cartographica: The International Journal for Geographic Information and Geovisualization, vol. 28, n° 2, octobre 1991, pp. 21 37.

7

L’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique

Réalisé au tournant du XIXe siècle, l’Atlas a connu un cycle de vie hors du commun, sa

publication d’échelonnant de 1801 à 1853. Edité de manière continue durant cette période, il a

été traduit dans les principales langues européennes et représente le premier succès

commercial pour un atlas historique. Communément admis par les chercheurs comme l’atlas

le plus important du début du siècle2, une étude détaillée de cette œuvre à la circulation

immense manquait encore.

Son auteur, Emmanuel Marie Joseph Auguste Dieudonné de Las Cases (1766-1842),

passé à la postérité pour son rôle de mémorialiste de Napoléon, n’était ni géographe, ni

historien. Marquis de l’Ancien régime à la formation militaire, cet amateur éclairé a voulu

réaliser un travail de synthèse des connaissances, servant une compréhension générale de

l’histoire et utile à l’éducation de la jeunesse. Le choix de la forme atlas pour porter ce projet

amène plusieurs questionnement préliminaires qui nous permettent de mieux définir notre

objet d’étude : Qu’est-ce qu’un atlas, quelle est la particularité d’un atlas historique, et

comment notre objet a-t-il déjà été abordé par la recherche ?

De l’atlas à l’atlas historique

Si mot atlas n’a pas d’acception clairement définie, il désigne dans le langage courant

un simple recueil de cartes. Cette définition a minima ne recouvre que partiellement l’ouvrage

qui nous intéresse. L’Atlas de Lesage comprend évidemment des cartes, mais celles-ci sont

entourées de texte. Il présente aussi et surtout de grands tableaux chronologiques et

généalogiques qui résument l’histoire. Le mot atlas, il faut bien l’admettre, désigne une réalité

plurielle, tentons donc d’en dresser une définition éclairant notre objet d’étude.

L’objet atlas est « à la fois livre et cartes »3, il est composé de planches réalisées par la

collaboration de cartographes, graveurs, éditeurs. Se différenciant du simple recueil de cartes

par le projet intellectuel qui le sous-tend ; il est un objet unifié, pensé comme un tout

cohérent. Cet atlas est aussi un outil qui organise la connaissance, de quelque sorte qu’elle

soit, et a pour vocation de la transmettre. Son montage sur onglets en fait un objet ouvert, à

2 J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 36.

3 M. PASTOUREAU et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles): répertoire bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque nationale, 1984, introduction.

8

logique cumulative4 ; il se prête ainsi aux rééditions, aux corrections ou compléments.

L’auteur compose son atlas, en imagine la progression, le découpage selon les attentes d’un

public. L’atlas est donc aussi projet commercial, réputé plus maniable et économique que les

cartes isolées, son coût de fabrication important représente un investissement au long terme.

Le groupe de recherche ACSAM a ainsi résumé l’atlas comme « une forme graphique

de visualisation, de conservation, de transport, d’organisation et de construction des

connaissances, des objets et des informations de toutes sortes »5.

L’atlas historique pose, quant à lui, moins de problèmes d’ordre sémantique. La

proposition à la fois la plus simple et la plus satisfaisante est peut-être celle de Walter Goffart

qui le définit comme « a collection of maps reconstructiong happenings or scenes of the

past »6.

L’état de la recherche sur l’Atlas historique de Lesage

Le champ d’études des atlas a été ouvert en France en 1984 par le travail de carto-

bibliographie du département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France7.

Réalisé sous l’impulsion de Mireille Pastoureau et s’inspirant du modèle des Atlantes

neerlandici du professeur Koeman8, cet inventaire d’atlas français des XVIe et XVIIe siècles

a posé le premier jalon rendant possible l’étude des atlas et, plus tard, celle des atlas

historiques.

Si la littérature de référence est maigre sur le sujet, quelques chercheurs qui ont proposé

ces quinze dernières années des études spécifiques sur les atlas historiques, abordant à

plusieurs reprises notre Atlas. La synthèse de ces différents travaux sur l’Atlas Lesage, a servi

de squelette à notre étude.

4 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., Paris, Albin Michel, 1992, p. 104.

5 J.-M. BESSE, « Atlas : pratiques éditoriales, production et circulation des connaissances à l’époque moderne et contemporaine », Cartes et figures du monde, 22 mai 2012, [En ligne]. <http://cartogallica.hypotheses.org/737>. (Consulté le 9 février 2015).

6 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne].

<http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15 avril 2015).

7 M. PASTOUREAU et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles), op. cit. 8 C. KOEMAN, Atlantes Neerlandici. Bibliography of terrestrial, maritime and celestial atlases and pilot

books, published in the Netherlands up to 1880., Amsterdam, Theatrum Orbis Terrarum, 1967.

9

C’est l’historien médiéviste Walter Goffart qui, dans un article de 1995 intitulé

Breaking the ortelian pattern9, suscite l’intérêt pour l’ouvrage de Las Cases. Il fait de cet atlas

un moment marquant de l’histoire des atlas historiques au tournant du XIXe siècle. Le

pédagogue Las Cases innove, selon l’auteur, en mettant au point un atlas au contenu

historique et au plan géographique qui se transforme en succès. Catherine Hofmann10 reprend

cette analyse à son compte et rapproche l’œuvre de Lesage de l’histoire longue des atlas

historiques, en en faisant un point d’entrée dans la modernité des atlas. Cette vision est

soutenue par l’analyse de Goffart, dans un article sur les origines des atlas historiques puis

dans une grande étude de leur histoire11. Il fait aboutir son panorama en 1830, moment où la

production d’atlas historiques devient intense et continue après le passage marquant de

Lesage. Si ces auteurs s’intéressent plutôt à la place de Lesage au sein d’une production

globale, Jeremy Black et Daniel Rosenberg entrent plus dans le détail des outils qu’il emploie.

L’analyse de Black, spécialiste de la cartographie historique, porte ainsi sur les tables, et

cartes synchroniques de Lesage. Il les caractérise par rapport à la production de l’époque et

propose de voir ces outils chez Lesage comme des « maps » au sens large, soient des

dispositifs visuels12. Daniel Rosenberg et Anthony Grafton se focalisent dans Cartographies

of Time sur la représentation du temps13. Parlant peu de Lesage, ils mettent cependant en

évidence des permanences dans sa manière de représenter les tables généalogiques et

diagrammes chronologiques si importants dans l’Atlas. Enfin, Manuel Schramm cherche à

montrer parallèlement à l’évolution des atlas historiques le développement d’une conscience

historique14. Il décrit ainsi la vision de l’histoire de l’Atlas qu’il qualifie d’eurocentrique.

Ces travaux forment une sorte de patchwork. Leurs analyses souvent assez ciblées

donnent difficilement une vue d’ensemble de cet ouvrage aux éditions multiples. De plus, la

majorité fait de l’Atlas – comme s’il s’agissait d’une évidence – un ouvrage majeur, parfois

même une révolution, du début XIXe ; mais peu d’entre eux interrogent réellement cette

9 Article malheureusement introuvable aujourd’hui. 10 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte

comme “oeil de l’histoire” », Bibliothèque de l’école des chartes, n° 158, 2000, pp. 97-128. 11 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group

Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne]. <http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15

avril 2015) ; W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of Chicago Press, 2003.

12 J. BLACK, Maps and history, op. cit. ; J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », Orbis, vol. 47, n° 2, 2003, pp. 277-293.

13 D. ROSENBERG, Cartographies of time, New York, Princeton Architectural Press, 2010. 14 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,

Center for European Studies, n° n°21, 2014, pp. p. 1 50.

10

proposition15. Enfin, cet ouvrage à la portée scolaire pourtant affirmée est à peine étudié par

ce prisme16.

Problèmes posés

Une première intuition nous invite donc à questionner cette conception d’atlas acteur

d'un renouveau du genre, il s'agit d'en évaluer les permanences qui le lient aux ouvrages qui

précèdent et d'en tracer la descendance directe.

L'ouvrage se définit comme utile à la jeunesse, cette forme particulière d'atlas historique

destiné à l'apprentissage en fait un objet nouveau, absent de la littérature francophone17.

Destiné à la compréhension et l’apprentissage de l’histoire, il paraît pertinent d’en étudier les

moyens de transmission des connaissances, et la vision du monde et de son histoire que

véhicule ce dispositif épistémique.

Un ouvrage au cycle de vie aussi long ne peut être un objet figé, il convient donc d’en

trouver les lignes directrices, et aussi d’en décrire les évolutions. Pour ce faire, il faut

nécessairement prendre le temps de comprendre l'Atlas, son unité et les intentions de son

auteur. Cela passe par une étude en profondeur du corpus qu'il représente, de longs voyages

dans ses colonnes remplies de texte, de renvoi en renvoi, d'une édition à l'autre.

Ainsi dans quelle mesure l'Atlas de Lesage procède-t-il d'un renouveau des atlas

historiques? A qui se destine-t-il et quelle vision du monde s'y trouve développée par l'auteur?

Quelle conception de l'histoire Lesage propose-t-il et quels moyens didactiques met-il en

œuvre pour en permettre l'apprentissage?

Méthodologie de recherche

De tels questionnements ont rapidement motivé un dénombrement des éditions, qui a

abouti en l’élaboration d’un catalogue des différentes éditions de l’Atlas. Cette démarche a

pour objectif d'interroger directement la source en mettant en place une étude comparative du

plus grand nombre d'éditions physiquement consultables afin de tenter de comprendre leur

15 Ils citent en général Walter Goffart. 16 Seul Walter Goffart s’en soucie. 17 Voir le chapitre 2 sur le Geschichtsatlas.

11

évolution sur le demi-siècle d’édition que parcourt l’Atlas Lesage. A l’intérieur de ces

éditions, un long travail de consultation a été nécessaire afin d’y noter des changements dans

le plan, des évolutions dans le dessin des cartes ou dans l’organisation de la planche. Ainsi les

fonds de la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne (BIS), de la Bibliothèque Nationale

(site Tolbiac), de la Bibliothèque de l’Arsenal et de la Bibliothèque Sainte-Geneviève ont été

mobilisés pour la consultation des éditions françaises de l’Atlas et de ses dérivés (le Manuel,

l’Atlas élémentaire, les atlas ou tableaux « à la Lesage »). Les ressources électroniques des

grandes bibliothèques européennes ont été utiles pour la consultation de quelques éditions

étrangères de l’Atlas. Enfin les sites de collectionneurs comme David Rumsey, le site Euratlas

et la plateforme institutionnelle Europeana m’ont aussi été d’une grande aide.

A l’aide des mêmes ressources, un corpus d’atlas et ouvrages influençant Lesage a du

être constitué. Il s’en est agi de même pour ceux qui représentent sa filiation que nous avons

classés en une typologie. La synthèse des travaux effectués sur l'Atlas Lesage, mais aussi une

grande partie de la bibliographie a été utile pour d'établir ces relations de filiation.

Les intentions de l'auteur, la manière dont il conçoit l'histoire et comment il souhaite

l'enseigner, sont majoritairement venues se nicher dans les préfaces des différentes éditions,

mais aussi dans les colonnes de texte, dans la mise en page, dans l'usage des couleurs et enfin

dans les traits de la carte.

Plan

Notre travail se décompose en deux grandes parties, c'est d'abord la fabrique de l'Atlas

qui débute naturellement par l'étude du personnage de Las Cases qui permet d'établir un

premier contexte de composition, à l'aide de à ses biographies et ses propres écrits. Ce

contexte permet de regarder l'envers du décor de cet atlas scolaire en étudiant la manière dont

il enseigne l'histoire, selon quelle conception et avec quels appuis dans la planche. Ensuite,

l'Atlas est envisagé dans la longue durée ; il nous donne par l'évolution des ses cartes les clés

de compréhension de sa vision du monde. Pour finir, l’évaluation de sa réception par les

contemporains nous donne une idée de l’influence qu’il a pu exercer en France comme à

l'étranger.

12

Partie 1 : La fabrique de l'Atlas Lesage

I. De Las Cases à Lesage : Esquisse biographique à l’aune de l’Atlas

« Marquis de l’Ancien régime, Las Cases finit ses jours en défenseur acharné de

l’Empire »18. Ayant connu au long de son existence sept régimes politiques successifs, il a fini

par se rallier à l’Empire pour en devenir un des plus fervents soutiens, jusqu’à faire partie des

quatre fidèles choisis par l’Empereur pour l’accompagner dans son exil. Entretemps il a connu

le succès avec un Atlas historique dont sa paternité a d’abord été ignorée, puis la consécration

par son œuvre de mémorialiste de Napoléon.

Le propos n’est pas ici de donner une biographie complète de Las Cases, il convient

pour un panorama plus général de se reporter aux ouvrages de Jean-Pierre Gaubert19 et du

descendant homonyme de Las Cases20, reprenant largement les mémoires du Comte de Las

Cases21 dans leur trame. Il s’agit plutôt dans cette partie de présenter des éléments

biographiques qui éclairent le contexte dans lequel l’Atlas a été conçu ainsi que ses évolutions

au cours du XIXe siècle. Les éléments biographiques nous donnent aussi des indices sur les

intentions initiales de l’auteur de l’ouvrage qui nous intéresse.

A. Du voyage à l’exil

Las Cases naît le 21 juin 1766 dans le Tarn. Adolescent il entre dans un collège dirigé

par les Oratoriens à Vendôme où « la formation intellectuelle sera assurée par des cours de

religion, d’histoire, [de] géographie, [de] mathématiques, [de] dessin, [d’] allemand et [de]

latin »22. Bon élève, il rentre en 1780 à l’Ecole Royale militaire de Paris qui forme la noblesse

aux plus hauts grades de la hiérarchie militaire où il reçoit les cours de M. de Leguille,

18 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., Paris, Arthème Fayard, 1959, p. 7 (Le temps et les destins).

19 J.-P. GAUBERT, Las Cases: l’abeille de Napoléon, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 2003. 20 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit. 21 E. LAS CASES, Mémoires d’Emmanuel-Auguste-Dieudonné, Comte de Las Cases, communiqués par

lui-même: Contenant l’Histoire de sa vie, une lettre écrite par lui, de S.te-Hélène, à Lucien Bonaparte, laquelle donne les détails circonstanciés du voyage de Napoléon à cette île, de sa manière d’y vivre et des traitemens qu’il y éprouve ; ainsi qu’une lettre adressée à Lord Bathurst, par le Cte de Las Casas, à son arrivée à Francfort., Paris, L’Huillier, 1819.

22 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 24.

13

professeur d’histoire et de géographie et futur souscripteur de la première édition française de

l’Atlas historique23.

Au sortir de l’école, il devient aspirant de marine en 1782, il voyage et prend part aux

combats dans tout l’Atlantique : Gibraltar, Terre-Neuve, Saint-Domingue, Sainte-Lucie, La

Martinique et Boston où il apprend des rudiments d’anglais. Appelé à prendre part à

l’expédition de La Pérouse24, il en manque le départ et rembarque pour les Antilles avant de

décider de rentrer en France. En 1789, comme beaucoup de membres de la noblesse restés

fidèles au roi, il émigre vers l’Allemagne où se trouvent les Condé. De là, il se rend à Aix-la-

Chapelle où toute la vieille Cour de Versailles s’est réfugiée. En 1791, Las Cases marche avec

l’armée des princes depuis Coblence pour être finalement mis en déroute. Il écrivit plus tard

dans le Mémorial à la date du 2 août 1816 : « Nous fuîmes au loin et allâmes traîner dans

toute l’Europe le spectacle de nos misères »25.

B. Las Cases, un pédagogue improvisé

Depuis l’Allemagne, il part pour la Hollande de laquelle il rallie Londres en décembre

179226. Il s’installe à Rose Street Soho sous le pseudonyme de Félix avec seulement sept louis

en poche. Face à de grands problèmes d’argent, il donne des leçons en même temps qu’il

apprend la langue. Enrôlé dans une armée de volontaires sur l’île de Wight en vue d’un

débarquement qui n’aura pas lieu, Las Cases passe le temps en étudiant, avec son compagnon

d’armes Volude27, l’histoire de l’Allemagne. Il prend des notes et dresse des tableaux

synoptiques, puis, lassé des événements, regagne Londres28.

De retour à Londres, Félix-Las Cases reprend ses activités de pédagogue :

« Désespérant des événements, abandonnant le monde et ma sphère naturelle, je me livrais à

l’étude et, sous un nom emprunté, je refis mon éducation en essayant de travailler à celle

23 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, A Paris, se trouve chez l’auteur, 1804 1802.

24 L’expédition quitte Brest en 1785 avec à son bord plusieurs scientifiques (géographe, astronome, physicien, naturaliste, etc.) dans le but d’explorer l’Océan Pacifique. Elle fait naufrage en Polynésie en 1788.

25 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, Paris, Gallimard, 1956, p. 954. 26 Il écrit dans son journal : « [mon bateau] m’a débarqué en cinq jours à la Tour de Londres, sur la fin de

décembre ». (cité dans E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit. p.64) 27 Jean-Henri de Lage de Volude, compatriote exilé à Londres, « doué en mathématiques, en histoire-

géographie et posséd[ant] le coup d’œil topographique » d’après la marquise de Lage de Volude, citée par Jean-Pierre Gaubert.

28 Las Cases écrira : « On n’y faisait rien pour préparer la guerre et il était difficile d’occuper intelligemment sa vie ».

14

d’autrui »29. Toujours à la recherche d’un moyen d’améliorer son existence tout en s’occupant

intellectuellement, Las Cases trouve un projet à la hauteur de ses ambitions : « Je me décidai

pour l’histoire qui, dans tous les cas, m’assurait un gain moral en me procurant des

connaissances positives : alors naquit l’idée-mère de l’Atlas historique »30.

Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Las Cases donne a posteriori le récit de ses jeunes

années, il réécrit son histoire de manière téléologique, usant parfois de raccourcis, invoquant

son aspiration à de grands projets – notamment littéraires. Si Las Cases ne manque pas

d’ambition, force est de constater la grande part d’improvisation qu’entraîne logiquement sa

situation précaire d’exilé français à Londres. Son « goût pour la recherche historique, son

esprit mathématique »31 et ses déboires financiers l’amènent à se plonger dans l’étude pour

donner naissance à ce qui, selon l’auteur « ne fut d’abord qu’une simple esquisse, bien

éloignée de l’ouvrage d’aujourd’hui [l’Atlas], une pure nomenclature »32. Permise par ses

recherches à la bibliothèque du British Museum près duquel il habite33, naît ainsi son

« esquisse » sous le titre de Géographie de l’Histoire, premier tableau synoptique – repris

plus tard dans son Atlas, et dans lequel il déroule l’histoire des Etats et des souverains de

l’Europe depuis la naissance du Christ jusqu’aux temps qui lui sont contemporains. Editée en

1797 sous le nom de Lesage34, elle connaît un rapide succès qui l’incite au réemploi de cette

méthode à une échelle plus vaste.

C. La fabrique de l’Atlas historique de Lesage

Afin de réaliser son projet d’édition, Las Cases a besoin de capitaux qu’il est loin de

posséder malgré ce premier succès. Il se met alors à la recherche d’élèves à qui donner des

leçons pour financer son entreprise. Il commence donc, comme il écrivit non sans une once de

fierté, à « enseigner le soir ce qu’il aurait appris le matin »35. Las Cases nous raconte

comment, parmi ses élèves fortunés, il trouva un premier souscripteur à son Atlas historique :

29 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, Paris, Gallimard, 1956, p. 6 (préambule).

30 Ibid., p. 610. 31 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit. 32 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, op. cit., p. 610. 33 A Londres, Las Cases réside Little Russel Street, Bloomsbury 17. La rue existe encore de nos jours, à

deux pas du British Museum. 34 Sur l’origine de son nom, voir E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène,

op. cit., p. 611. : « Ici commença mon nom de Lesage. […] Lesage fut écrit par hasard, comme j’aurais pu écrire Lenoir ou Leblanc » ; voir aussi l’anecdote qui suit l’extrait.

35 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 81 et 82.

15

En montrant l’histoire, j’étais dans l’habitude de dessiner la généalogie des princes dont je

parlais ; une miss Steers me demanda pourquoi je ne la ferais pas imprimer et souscrivit aussitôt

pour la moitié des frais36.

Cette aide financière lui permet de se mettre au travail pour les années qui suivent, en se

consacrant uniquement à l’Atlas à venir. Il réutilise les travaux qu’il a réalisés avec son

compatriote Volude pour les planches n°19, 20, 21 de l’Atlas qui traitent de l’histoire de

l’Allemagne37.

Afin de mener à bien son entreprise, Las Cases mobilise autour de lui le réseau

d’émigrés français domiciliés à Londres en employant les talents de chacun à la conception de

son ouvrage38. C’est ainsi qu’un atelier s’organise et se répartit les tâches :

Après avoir collectionné et classé ses documents [tâche de Las Cases], il fallait assurer la mise

en page, réaliser des dessins et des cartes, donner plus de clarté à l’ouvrage en teintant chaque

partie des différents tableaux d’un léger lavis multicolore39.

Sont mobilisés « quelques prêtres, la jolie Mme de Lepinay et, spécialiste de l’aquarelle,

M. de Nogent »40. L’Atlas parait ainsi progressivement, feuille après feuille, au rythme de cet

atelier d’exilés français à Londres. Et Las Cases peut ainsi entre 1799 et 1800 entreprendre un

voyage dans toute l’Angleterre pour vendre ses feuilles d’Atlas en chemin. Cet

embellissement de sa situation fait dire à l’auteur :

Ma situation est désormais heureuse et enviable. Mon Atlas était fini et à peu près distribué ; il

m’avait produit de grandes sommes et me laissait des espérances futures ; je trouvais mon

ouvrage partout […]. Je méditais déjà une refonte de l’ouvrage ; le premier avait été fait feuille

à feuille, je voulais introduire l’unité et l’ensemble dans le nouveau41.

Las Cases liquide ses affaires avec son éditeur londonien – probablement J. Barfield- et

rentre en France après le senatus-consulte du 26 avril 1802 qui amnistie les émigrés. Il

rapporte d’Angleterre dans ses bagages 500 louis, et en laisse 2000 à son frère42, preuve du

rapide et réel succès de son Atlas sous sa première mouture.

36 Ibid., p. 82. 37 Ibid., p. 83. 38 Sur les exilés français, se reporter à M. WEINER, The French exiles, 1789-1815, London, J. Murray,

1960. 39 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 83. 40 Ibid. 41 Ibid., p. 92. 42 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit., p. 74.

16

D. Le retour en France et la première édition française

Il arrive à Paris le 9 mai 180243 où il s’installe44, avec pour projet la réalisation d’une

édition française de l’Atlas historique paru un an plus tôt en langue anglaise. A la recherche

d’un imprimeur-libraire, il s’entend avec les Didot, grande famille parisienne d’imprimeurs,

éditeurs et typographes45, qui acceptent sur le principe d’éditer son Atlas. Durant trois mois, il

part à la recherche d’anciennes connaissances, contacte les organes officiels pour obtenir leur

approbation, recherche les clients potentiels, afin de donner l’impulsion nécessaire à la

réalisation de son projet. C’est ainsi que naît une grande campagne de publicité qui prend la

forme d’un énorme tract in-folio, « prospectus » de quatre pages contenant un extrait du

Moniteur46 ; une lettre de Fourcroy47 ; et une liste de plus de neuf cent souscripteurs pour un

prix de lancement de 120 fr48.

Ce tract marque le lancement d’une nouvelle phase de conception-fabrication, il

annonçait un total de trente-deux planches à livrer en vingt-quatre mois, comprenant texte et

cartes. Le même type d’atelier que celui de Londres se met donc en place, de nouveau chez

Las Cases qui, comme à son habitude, travaille seul à la conception :

J’y travaillais sans relâche et, seul, recherchais, composais, retranscrivais, surveillais

journellement l’exécution, portais moi-même, expédiais, entretenais les curieux, correspondais

avec ma foule de souscripteurs. Le coloriage formait chez moi tout un atelier49.

Notons une nouvelle fois l’importance accordée à la couleur dans l’ouvrage, qui

nécessite l’emploi d’un grand nombre de personnes pour réaliser les lavis –technique picturale

employant un pigment délayé à l’eau et appliquée au pinceau, essentiels à la clarté de

l’ouvrage.

43 Ibid., p. 74. 44 Il loue un petit appartement au 6 rue Saint Florentin 45 Pierre Didot (1761-1853) : Imprimeur-libraire, imprimeur du Sénat (1800), de la Cour impériale

(1812) ; du Roi. Reçu libraire en 1785 ; s’établit imprimeur en 1789. En 1797, il s’installe au Louvre dans l’ex-imprimerie royale où sera imprimée l’édition française de l’Atlas. Son frère Firmin (1764-1836) est libraire, graveur et fondeur de caractères.

Sur la dynastie des Didot, consulter A. JAMMES et F. COURBAGE, Les Didot: trois siècles de typographie et de bibliophilie 1698-1998 [exposition, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 15 mai-30 août 1998, Musée de l’imprimerie, Lyon, 2 octobre-5 décembre 1998], Paris, Agence culturelle de Paris, 1998.

46 Créé en 1789, le Moniteur universel, appelé aussi Gazette nationale était le quotidien officiel du gouvernement.

47 Antoine-François Fourcroy (1755-1809), alors directeur général de l’Instruction Publique. 48 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 100. Cette liste des souscripteurs est consultable dans l’édition 1802-1804, disponible à la Bibliothèque

interuniversitaire de la Sorbonne. 49 Ibid., p. 104.

17

A ce rythme soutenu, l’Atlas est entièrement livré deux mois avant la date initialement

prévue. Le succès est au rendez-vous – la longue liste de souscripteurs en était déjà un, la

presse élogieuse. Très rapidement, Las Cases envisage la modification de certaines parties de

son ouvrage et cherche des compléments en vue d’une future édition. Il cherche aussi le

moyen d’éditer des éditions populaires, perçues comme la vocation de l’Atlas50. Dans ce but,

il envisage un temps de racheter à son éditeur les caractères et les plaques qui composent son

œuvre afin de réaliser des économies sur l’impression.

E. Une réédition orientée par son rapprochement avec l’Empire

En 1806 a lieu une seconde impression de l’Atlas historique qui, contrairement à ce

qu’avance Jean-Pierre Gaubert ne gagne pas la couleur51 – déjà présente dans les éditions

antérieures, mais gagne en clarté et surtout en ambition. En témoigne la page des « Fastes

napoléens » – l’expression ne fera pas florès, sorte de frontispice de l’ouvrage à

l’iconographie impériale et qui retrace les grandes dates de l’Empereur, donne la généalogie

de la famille impériale et montre une petite carte de l’Europe napoléonienne. Se rapprochant

de l’Empire après la bataille d’Austerlitz (voir la figure 1)52, Las Cases a probablement

imaginé cette page pour rendre hommage à l’Empereur en lui dédiant, en quelque sorte et

comme cela se pratiquait auparavant avec les monarques, son Atlas. Dans une lettre datée de

1806 et adressée à Napoléon, il lui offre d’ailleurs son ouvrage, après avoir été la même année

admis à la Cour de l’Empereur. Dès l’édition de 1802-04 de son Atlas, Las Cases –ou son

imprimeur- a mobilisé l’iconographie impériale, la reliure à décor doré montre un aigle

occupant la place centrale de la couverture. Un geste peut-être d’autant plus apprécié que

plusieurs membres de la famille Bonaparte comptent au nombre des souscripteurs53.

L’appui du gouvernement est un argument de vente pour ses ouvrages, et Las Cases

utilise dans sa préface des lettres émanant du pouvoir (Conseiller d’Etat, ministre des

Relations extérieures), comme des gages de qualité de sa production, et qui soutiennent son

ouvrage par leurs acquisitions54. C’est d’ailleurs sa paternité de l’Atlas historique qu’il met en

avant lorsqu’il sollicite dans une missive datée du 15 mars 1808 le titre de baron de

50 Ibid., p. 105. 51 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit., p. 83. 52 En décembre 1805 53 Las Cases avait lui-même rencontré Joséphine de Beauharnais plusieurs années auparavant en

Martinique. 54 Notamment pour l’usage des lycées napoléoniens.

18

l’Empire55. L’opération est habile : Las Cases vient donc chercher l’appui du gouvernement,

appui qui lui permet par la suite de servir ses ambitions personnelles comme commerciales.

Dans les années qui suivent, il se met ainsi au service de l’Empereur, d’abord en tant que

militaire, puis comme maître des requêtes, et enfin chambellan56.

Figure 1 : Le feuillet des fastes napoléens. Source : Euratlas

En 1813, il profite de ses loisirs

pour préparer une nouvelle édition de

l’Atlas qui doit contenir d’importantes

additions. Celle-ci a vu ses plaques de

cuivre – qui contiennent le dessin des

planches, entièrement regravées à neuf.

Une astuce a été trouvée pour contenter

les anciens souscripteurs de l’Atlas et

consiste en l’envoi de « grandes feuilles à

découper et coller au bas des anciens

tableaux leur permettant de bénéficier des

mêmes renseignements que les acheteurs

de la nouvelle édition »57. C’est un

principe assez similaire qui est mis en place dans les années qui suivent pour mettre à jour

l’Atlas, les acquéreurs de l’ouvrage pourront acheter des planches additionnelles – une par an

– à coller sur les onglets de réserve présents dans l’atlas.

Peu à peu, l’intérêt de Las Cases pour l’Atlas semble décroître, proportionnellement à

son engagement envers l’Empire. Il embauche pour l’année 1814-15 un secrétaire58 –

dénommé Robillard, chargé de collecter avec lui les informations nécessaires pour mettre à

jour les éditions à venir. L’exil avec l’Empereur – que nous ne détaillerons pas ici – marque

comme une rupture vis-à-vis de l’Atlas. Elle est d’abord temporelle puisque, après les Cent-

55 Citée dans E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 113. 56 Maître des requêtes en 1810, chambellan en 1811. 57 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 173. 58 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit., p. 97.

19

Jours où Las Cases revient d’un bref exil londonien pour servir Napoléon, il quitte la France

pour ne plus y revenir avant 1823. Elle est ensuite spatiale puisque à Sainte-Hélène, Lesage-

Las Cases perd contact avec l’actualité politique : loin de toute source documentaire, il est

bien incapable de continuer son Atlas59. De retour en Europe, il n’a plus qu’un projet : la

rédaction de ses conversations avec l’Empereur captif qui donnent naissance au Mémorial de

Sainte-Hélène, livre au succès immédiat et qui l’enrichit, dans les années qui suivent, bien

plus que l’Atlas a pu le faire par le passé. Dorénavant, c’est cette œuvre qui polarise la quasi-

totalité de ses écrits, même autobiographiques. Ainsi l’Atlas ne semble refaire surface dans

ses préoccupations que lorsque, menacé d’être ruiné en 1832 par une opération douteuse60, il

réédite ses œuvres – Atlas compris – avec augmentations pour faire face à ses échéances.

Cet Atlas, souvent occulté par l’œuvre de mémorialiste, parfois malmené par les

biographes de Las Cases, n’est pas passé à la postérité contrairement à la seconde œuvre de

l’auteur61. Il a cependant été le premier succès de grande ampleur pour un atlas historique.

Adopté par les lycées, prescrit pour l’usage de l’enseignement primaire, il a marqué son

époque en devenant le fer de lance d’une méthode pédagogique – basée sur la perception

visuelle des élèves et son rapport avec la mémoire – qui ne tarde pas à essaimer.

59 Assigné à résidence comme Bonaparte, il est aussi privé de correspondance avec l’extérieur. 60 Enrichi par son Mémorial, Las Cases lance la construction de quatre immeubles dont les frais se voient

augmentés, et qui trouvent difficilement preneur. 61 André Maurois dans son avant-propos à l’édition de 1956 du Mémorial qualifie Las Cases d’ « obsédé

de son pauvre atlas » p. vii ; dans le même ouvrage Jean Prévost parle d’un « ouvrage bien impersonnel, espèce de vaste abrégé scolaire » p. xxvi

20

II. La « méthode Lesage » : une pédagogie de l’histoire

« Dans sa manière de classer ou de diviser les problèmes, on retrouve l’influence de

Montesquieu : un certain esprit positif, modéré, systématique »62. C’est en ces mots que

l’écrivain Jean Prévost résume la méthode adoptée par Las Cases-Lesage pour son Atlas dans

l’édition de la Pléiade du Mémorial ; faisant référence à une influence classificatrice issue de

la philosophie de Descartes, Montesquieu et d’Alembert et relayée plus tard par Auguste

Comte. De cet ouvrage pluriel, ce que le lecteur qui en parcourt pour la première fois les

pages colorées retient, ce sont en effet d’abord ses grands tableaux. Possédant de multiples

entrées, remplis de caractères minuscules, ils présentent et classent les informations les plus

variées, déroulent la course du temps le long de leurs lignes et colonnes bien tracées. C’est en

sélectionnant les informations recueillies sur un lieu ou une époque soigneusement choisis, en

les faisant entrer dans un cadre qui est adapté à leur compréhension que Las Cases exerce son

art de la pédagogie ; c’est par cette manière de classer les objets qu’il s’est rendu célèbre et a

donné naissance à ce que nous pouvons nommer la « méthode Lesage »63.

Devenu professeur pour assurer son existence lors de son exil à Londres, il met au point

une méthode d’enseignement largement basée sur la perception visuelle en s’appuyant sur des

tables chronologiques et généalogiques. Composées d’une somme d’informations triées et

ordonnées, ce sont ces outils qui ont d’abord fait leurs preuves lors de ses leçons particulières

qu’il choisit de mettre sous presse à la toute fin du XVIIIe siècle sous le nom de Géographie

de l’Histoire64. Ce premier succès, repris plus tard dans son Atlas historique, donne le ton

pour le reste de l’ouvrage à venir. Ce dernier regroupe en 1801 non seulement des tables

(généalogiques, chronologiques) mais aussi des cartes géographiques, soigneusement insérées

dans les planches au contenu aussi divers que conséquent.

Par cette utilisation conjointe de tables et de cartes, l’Atlas se distingue d’une grande

partie de la production d’atlas de l’époque et des siècles précédents. Mettant ces différents

outils au service d’un projet plus global – la connaissance, la compréhension et la

mémorisation de l’histoire, Las Cases trace dans son Atlas les grandes lignes de sa pédagogie.

Il s’agit ici d’en étudier les fondements, en replaçant sa pensée de l’éducation dans une plus

62 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, Paris, Gallimard, 1956. p. XXVI 63 Grafton et Rosenberg parlent d’un « système de Las Cases » dans l’ouvrage : D. ROSENBERG,

Cartographies of time, New York, Princeton Architectural Press, 2010, p.127 64 E. LAS CASES, The Geography of History... from the Christian Era to the 11th Century, Londres, 1797.

21

longue durée, avec les influences auxquelles on peut la rattacher afin d’en déterminer la part

d’innovation. Sa vision de l’histoire et des matières auxquelles il la lie est elle aussi héritée

des pédagogues qui l’ont précédé, elle nous sera éclairée par le travail de Daniel Nordman sur

la géographie – mais aussi la chronologie – comme « œil de l’histoire »65. Une étude plus

approfondie des outils et de leur mécanisme nous entrainera au cœur de la planche de Lesage

afin de mieux cerner les deux niveaux de perception auxquels elle prétend : son caractère

panoptique (ou synoptique, comme le nomme Lesage) – c’est-à-dire qui s’offre d’un seul

ensemble à la vue, et sa dimension analytique (perçue dans le cœur du texte ou de la carte).

Seront ainsi passés en revue le rôle de la couleur, du renvoi, et de la mise en page au regard de

la doctrine pédagogique de Lesage. Enfin, c’est l’usage de l’Atlas en tant que dispositif

épistémique qui sera interrogé en tentant – via un précieux exemplaire annoté par celui qui l’a

possédé – de comprendre ce qu’est un atlas de travail et de préciser sa nature de

Geschichtsatlas.

A. L’Atlas Lesage, un Geschichtsatlas

L’Atlas historique de Lesage est conçu par son auteur comme un ouvrage à but

pédagogique. Dans les préfaces de ses différentes éditions, il fait constamment référence à

l’apprentissage, à l’éducation de la jeunesse. La première édition française commence ainsi

par ces lignes : « Cet Ouvrage présentant l’ensemble de l’histoire ancienne et moderne, a été

constamment calculé pour servir tout à la fois de ressouvenir à ceux qui savent, et de guide à

ceux qui veulent apprendre ». Se revendiquant d’une utilité scolaire, Lesage qualifie son

ouvrage d’ « essentiel pour les bibliotheques, et indispensable pour les écoles : il est très

avantageux pour les maîtres, dont il seconde toutes les méthodes sans en gêner aucune ». En

faisant ainsi le compagnon idéal des écoliers, Las Cases ne limite cependant pas la portée de

son Atlas au seul public scolaire ; il clame dans le Mémorial tel un slogan : « il forme une

bibliothèque à lui seul ; c’est le vademecum du marchand, du maître d’école, de l’érudit, et de

l’homme du monde ». Un tel ouvrage se doit donc de rendre l’histoire accessible à tous ceux

qui désirent l’apprendre, mais comment choisit-il de l’enseigner ? Pourquoi articuler histoire,

généalogie, chronologie et géographie dans un même plan ? Par quels moyens l’auteur

choisit-il de représenter le temps ?

65 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », Espaces Temps, vol. 66, n° 1, 1998, pp. 44-54.

22

1. La longue tradition de la géographie comme « œil de l’histoire »

La simple consultation du titre de l’Atlas nous apprend qu’il regroupe en son sein quatre

sciences que sont l’histoire, la chronologie, la généalogie et la géographie. L’usage des trois

dernières pour la compréhension de l’histoire, peut être éclairé par un retour sur une longue

tradition française de l’étude de l’histoire.

En 1998 paraissait dans la revue Espaces Temps un article de Daniel Nordman –

aujourd’hui incontournable – sur les relations anciennes qui lient en France histoire et

géographie. La géographie s’y trouvait étudiée – d’après la tradition antique reprise par

Ortelius – comme complément de l’histoire, « l’œil de l’histoire » selon la formule consacrée.

Cette métaphore organique, plus tard devenue topos de la littérature historico-géographique,

affirmait un lien privilégié entre deux matières jugées complémentaires. Abraham Ortelius,

Johannes Blaeu et de nombreux géographes ont ainsi fait figurer cette formule au début de

leurs ouvrages pour faire valoir leur production de cartes. Malgré trois siècles qui séparent ces

pionniers de Lesage, l’auteur de l’Atlas historique ne déroge pas à la tradition mais envisage

un rapport intime liant les quatre sciences de son ouvrage :

L'atlas historique présente la réunion complète et l’amalgame heureux de l’histoire, de la

géographie, de la chronologie et de la généalogie ; ces quatre sciences, dont les rapports sont si

intimes, s’y trouvent constamment fondues ensemble de manière à ne plus présenter qu’un

nouveau tout dégagé des parties arides et rebutantes de chacune d’elles.

Si le discours de complémentarité entre géographie et histoire se retrouve dans la

plupart des ouvrages à visée pédagogique des XVIIe et XVIIIe siècles, Las Cases montre dans

le sien des ambitions pluridisciplinaires. La géographie n’est pour lui pas l’unique appui à la

compréhension de l’histoire, à l’instar de la formule issue de l’Antiquité qui bien souvent la

voyait plus volontiers comme « l’un des deux yeux de l’histoire »66 avec la chronologie.

Le discours préliminaire de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1751) définit le

rôle respectif de ces deux matières et introduit une seconde nuance dans leur rapport à

l’histoire :

66 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », Bibliothèque de l’école des chartes, n° 158, 2000, pp. 97-128.

23

La Chronologie et la Géographie sont les deux rejettons & les deux soûtiens de la science dont

nous parlons [l'Histoire] : l'une, pour ainsi dire, place les hommes dans le temps, l'autre les

distribue sur notre globe.

Cette chronologie – science des temps qui vise à calculer les années qui séparent la

Création de la naissance du Christ en dressant des calendriers – possède donc, au même titre

que la géographie, un rôle dans la compréhension de l’histoire. Les deux matières se

complètent donc puisque leurs objets respectifs permettent de situer les hommes à la fois dans

le temps et dans l’espace. Toutes deux forment un maillon de la chaîne historique. En outre,

cette définition de l’Encyclopédie établit aussi une hiérarchie dans les sciences par l’idée de

filiation : elles sont faites « instruments de l’Histoire », lui sont en quelques sortes

subordonnées. Comme le dit si justement Nordman : « complémentarité donc, mais inégalité »

entre ces sciences. Cette nuance doit être prise en compte pour comprendre la vision que

possède Lesage de l’histoire et de ce que doit être son enseignement.

L’idée de Las Cases de cette décomposition nécessaire de l’enseignement de l’histoire

en plusieurs composantes n’est donc pas nouvelle. L’association particulière de l’histoire et de

la géographie représente un enseignement combiné ancien, qui a longtemps formé les futurs

militaires et administrateurs grâce à des manuels associant les deux sciences. Ces ouvrages

pédagogiques prônaient souvent un enseignement visuel fondé sur des cartes et des atlas

géographiques et historiques67. Comme évoqué dans la partie biographique de notre étude,

Las Cases a été élève à l’Ecole militaire de Paris et a lui-même bénéficié d’un tel type

d’enseignement durant ses jeunes années. Les sources biographiques nous donnent des

éléments pour comprendre comment cet homme – qui n’est pas un savant – a pu développer

une forme de pédagogie originale. L’Ecole militaire a, en ce sens, probablement joué un rôle

décisif. Las Cases y a suivi les cours d’histoire et de géographie de monsieur de Lesguille,

qu’il évoque dans ses carnets, et dont la pédagogie a pu lui servir de référence lorsqu’il a jeté

les bases de son atlas. Si nous n’avons pas gardé trace des leçons de son professeur, nous

connaissons en revanche l’œuvre d’un de ses prédécesseurs qu’a peut-être croisé Las Cases

dans ses jeunes années : Edme Mentelle (1730-1815). Mentelle a été professeur d’histoire et

de géographie à l’Ecole militaire de 1760 à 1792 (où Las Cases s’est formé de 1780 à 1782) et

a publié de 1782 à 1804 plusieurs ouvrages pédagogiques, dont des atlas qui possèdent une

67 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit.

24

physionomie étonnamment ressemblante à l’Atlas de Lesage68. La vision des deux disciplines

que sont l’histoire et la géographie se recoupe aussi chez les deux auteurs, Mentelle insistant

sur le lien fort qui lie les deux matières scolaires, une relation néanmoins asymétrique. Il

écrit : « […] il est donc important que les élèves se préparent au cours d’histoire par l’étude

de quelques bons ouvrages de géographie, ou par des cours particuliers »69.

Bien que n’ayant reçu qu’une brève éducation scolaire, Las Cases a donc été formé dans

un milieu d’érudits, par des spécialistes de l’histoire et de la géographie qui prônaient

l’articulation entre les deux matières. Les cours d’histoire mélangeaient donc très

probablement chronologie et généalogie dans leur contenu, mais se servaient surtout de l’œil

de la géographie pour situer les lieux, et événements du passé.

2. Une pédagogie par la vue

Lorsque Las Cases devient Lesage, le jeune pédagogue s’inspire des leçons de ses

maîtres pour mettre au point un projet pédagogique ambitieux. Fort de l’utilisation combinée

de trois matières en soutien à l’histoire, il choisit de les inculquer aux élèves de sorte que « les

histoires ne [soient] plus dès-lors des études pénibles, mais seulement des lectures

agréables »70. Cette pédagogie du moindre effort passe nécessairement, selon un discours

courant à l’époque, par l’organe de la vue.

Ainsi dans son Essai d’éducation nationale publié en 1763, le magistrat breton La

Chalotais écrit : « La géographie ne doit jamais être séparée de l’histoire : c’est l’affaire des

yeux et de la mémoire et par conséquent une étude faite pour les enfants ». Dans ce

programme pédagogique, auteur affirme donc la place de la vision dans le processus

d’apprentissage de l’histoire. C’est la géographie qui se trouve ici une nouvelle fois

directement assimilée à l’œil, organe qui réfléchit la réalité : « voir de ses propres yeux

comme en un mirouër », écrivait Ortelius, ce qui a été préalablement lu et saisi par l’esprit71.

68 A son sujet, consulter la notice BNF « Edme Mentelle (1730-1815) », data.bnf.fr, s.d., [En ligne]. <http://data.bnf.fr/12001105/edme_mentelle/>. (Consulté le 13 mai 2015).

69 Cité par Nordman D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit. 70 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, A Paris, se trouve chez

l’auteur, 1802-1804, Exposé préliminaire 71 Cité par C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de

la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.

25

Dans l’histoire de l’enseignement, cette caractéristique est développée et exploitée par

les jésuites, précurseurs en matière de pédagogie particulièrement dans l’association de

l’histoire et de la géographie72. Ces derniers ont bien compris l’intérêt de la géographie pour

la compréhension de l’histoire – en ce qu’elle permet de situer objets, hommes et activités – et

l’introduisent donc dans leurs cours de manière « clandestine » comme l’écrit Dainville, dans

le but de commenter des passages de textes anciens, elle permet ainsi une meilleure lisibilité

du récit historique73.

C’est donc par un processus visuel inhérent à la géographie que l’apprentissage de

l’histoire est facilité. Les cartes et les autres formes de représentation visuelle deviennent ainsi

support au regard. Ce regard permet une compréhension jugée plus naturelle des choses, plus

directe. La vue comme un des cinq sens d’Aristote, est un instrument de la perception parmi

d’autres. Elle est à l’époque – c’est ce qu’on retrouve dans le discours de Lesage – envisagée

comme un lien direct avec l’esprit. La carte ou la table, consultée comme une image et non

parcourue comme un texte, permettrait donc une moindre débauche d’efforts lors de

l’apprentissage. Notre auteur écrit en exposé préliminaire :

En un mot [l]es révolutions et [l]a destinée [d'un peuple], viennent frapper le jugement sans

fatiguer la mémoire, parcequ’elles arrivent à l’esprit sans effort physique, sans opérations

abstraites, mais seulement par l’effet simple (sic) de la vue74

.

En somme, la perception visuelle permettrait de court-circuiter l’effort que représente la

mémorisation de faits en agissant directement sur l’esprit (voir le schéma page suivante).

72 F. de DAINVILLE et M.-M. COMPERE, L’éducation des jésuites, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, Éd. de Minuit, 1978 (Le sens commun 55).

73 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit. 74 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, op. cit, Exposé

préliminaire.

Ce pouvoir de l’œil reprend des conceptions qui imprègnent la pensée cartographique

et donc géographique puisque l’auteur de cartes n’est nommé cartographe que depuis le XIXe

siècle75 – de longue date ; on retrouve ainsi aisément les inspirations théoriques de Lesage au

XVIIe siècle chez l’historien et homme d’Eglise Thomas Fuller qui dan

descriptive de la Terre Sainte écrit

the eare can learn in a day of discourse

Manuel Schramm a ainsi résumé la visée de l’Atlas de Lesage : «

to facilitate the private study of history by applying the methods of geography, especially in

the form of visualization »77. Cette pédagogie par la vue pour laquelle a opté Las Cases ne se

restreint cependant pas seulement à la géographie. nous l’avons esquissé, l’auteur

s’intéresse pas uniquement à l’impact que vont avoir ses cartes sur les lecteurs, il travaille

aussi à celui de ses grands tableaux qui représentent pour lui la «

bien l’ensemble de son travail graphique, mais en premier lieu

démêler la science complexe qu’est l’histoire et ainsi de «

labyrinthe de peuples et de révolutions

75 C. HOFMANN, Artistes de la carte: de la géographe, Paris, Autrement, 2012,

76 T. FULLER, A Psigah-Sight of Palestine77 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness.

Center for European Studies, n° n°21, 2014, pp. 1

Figure 2 : Le processus de perception des images d'après LesageSource : réalisé par l'auteur sous Inkscape

Ce pouvoir de l’œil reprend des conceptions qui imprègnent la pensée cartographique

et donc géographique puisque l’auteur de cartes n’est nommé cartographe que depuis le XIXe

; on retrouve ainsi aisément les inspirations théoriques de Lesage au

XVIIe siècle chez l’historien et homme d’Eglise Thomas Fuller qui dan

descriptive de la Terre Sainte écrit : « The eye will learn more in an hour from a Mappe than

the eare can learn in a day of discourse »76.

Manuel Schramm a ainsi résumé la visée de l’Atlas de Lesage : « The general idea was

e private study of history by applying the methods of geography, especially in

. Cette pédagogie par la vue pour laquelle a opté Las Cases ne se

restreint cependant pas seulement à la géographie. nous l’avons esquissé, l’auteur

s’intéresse pas uniquement à l’impact que vont avoir ses cartes sur les lecteurs, il travaille

aussi à celui de ses grands tableaux qui représentent pour lui la « clef de l’histoire

bien l’ensemble de son travail graphique, mais en premier lieu ses tableaux qui permettent de

démêler la science complexe qu’est l’histoire et ainsi de « parcourir sans embarras le

labyrinthe de peuples et de révolutions ». La géographie et, par conséquent, la carte ne

Artistes de la carte: de la Renaissance au XXIe siècle : l’explorateur, le strat introduction.

ght of Palestine, 1650. The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century

, n° n°21, 2014, pp. 1-50.

: Le processus de perception des images d'après Lesage Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape

26

Ce pouvoir de l’œil reprend des conceptions qui imprègnent la pensée cartographique –

et donc géographique puisque l’auteur de cartes n’est nommé cartographe que depuis le XIXe

; on retrouve ainsi aisément les inspirations théoriques de Lesage au

XVIIe siècle chez l’historien et homme d’Eglise Thomas Fuller qui dans sa géographie

The eye will learn more in an hour from a Mappe than

The general idea was

e private study of history by applying the methods of geography, especially in

. Cette pédagogie par la vue pour laquelle a opté Las Cases ne se

restreint cependant pas seulement à la géographie. nous l’avons esquissé, l’auteur ne

s’intéresse pas uniquement à l’impact que vont avoir ses cartes sur les lecteurs, il travaille

clef de l’histoire ». C’est

ses tableaux qui permettent de

parcourir sans embarras le

». La géographie et, par conséquent, la carte ne

 : l’explorateur, le stratège, le

Historical Atlases in the 18th century »,

27

peuvent tout expliquer, l’importance que Lesage lui accorde est donc relative parmi les autres

soutiens à l’histoire que sont la généalogie et la chronologie. L’auteur concède d’ailleurs

volontiers dans le Mémorial que la géographie est la partie faible de son Atlas et qu’elle lui a

demandé moins de travail et de recherches que le contenu historique et les tables

généalogiques.

3. Une vision relativement traditionnelle de l’histoire

Las Cases, homme du XVIIIe siècle a sans aucun doute été influencé par la pensée des

Lumières comme le suggérait Jean Prévost en 1956, il faut cependant noter que la vision de

l’histoire qu’il propose au sein de son Atlas reste assez traditionnelle. Largement porté sur les

généalogies, les guerres, les batailles, Las Cases-Lesage fait montre d’une vue que Manuel

Schramm qualifie de « aristocratic view of history that emphasized the achievements of great

men like generals and princes »78 dans un article sur la vision de l’histoire dans les atlas

historiques. Las Cases, né dans une vieille famille de la noblesse provinciale79, monarchiste

convaincu jusqu’au tournant du XIXe siècle, souscrit logiquement à une vision de l’histoire

que l’on qualifierait de dynastique : l’histoire faite par les chefs ou souverains et leurs

familles. En ce sens, l’Atlas apparaît comme très conventionnel et se range parmi les atlas du

siècle précédent80 ; sa vision de l’histoire se rapprochant, par exemple, de celle trouvée dans

le Châtelain au début XVIIIe.

La chronologie qu’il utilise ne déroge pas non plus à la tradition de l’époque. Prenant

dans sa planche d’Histoire universelle antique la date de 4004 av. J.-C. comme date de la

Création, il ne place pas la science moderne en contradiction avec la parole de la Bible. Selon

Schramm, il est un des derniers auteurs d’atlas historiques à utiliser cette date comme

convention à la naissance de l’humanité sans la critiquer ou en interroger la valeur. Chez Las

Cases, ce point de vue chrétien de l’histoire persiste donc, et se retrouve dans les différentes

planches. Ainsi l’Atlas Lesage, nous le verrons au chapitre II, n’accorde pas vraiment

d’histoire aux peuples non-européens. Il est ici clairement en retard sur la science de l’époque

qui par la découverte de l’histoire de la Chine, ou encore de l’Egypte on permis de réévaluer

78 Ibid. 79 Sur l’extraction noble de Las Cases et le contexte familial, voir E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases,

le mémorialiste de Napoléon., Paris, Arthème Fayard, 1959 (Le temps et les destins), chapitre 1. 80 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,

art. cit.

28

la vision européenne traditionnelle de l’histoire. Ce retard se pondère néanmoins par deux

points : d’une part, les atlas sont systématiquement en retard sur les connaissances de leur

temps en ce que leur réalisation procède de la compilation d’informations ; l’actualité de leur

contenu est donc tributaire des sources qu’ils utilisent. Ensuite, il faut signaler qu’à l’époque,

aucun atlas historique ne met civilisation européenne et non-européenne sur un pied d’égalité

dans son contenu.

Lesage inculque donc aux enfants une histoire faite par les grandes dynasties

européennes et principalement centrée sur ce même espace. Cette histoire dynastique fait la

part belle aux tables généalogiques, considérées comme propédeutique à l’étude de l’histoire

puisque placées en tête de l’étude de chaque pays d’Europe qui l’intéresse. Dès le XVIe

siècle, Reiner Reineck, professeur d’histoire à Helmstedt, voyait la généalogie comme une

forme d’étude « précise et intensive » et avançait qu’elle « illumine toutes les autres parties de

l’histoire, qui sans elles ne porteraient pas de fruits ». La base de l’histoire telle qu’il

l’envisageait était donc formée de dizaines de squelettes généalogiques. Lesage, qui souscrit à

cette vision, n’est pas encore entré dans l’histoire telle qu’elle est pratiquée au XIXe siècle, et

qui se centre sur l’Etat-nation et ses frontières.

B. « Le vade mecum de l’étudiant »

La seconde moitié du XVIIIe siècle est marquée par un développement des

préoccupations pédagogiques81 dans lequel s’insère parfaitement l’Atlas Lesage. Avec l’Atlas,

Las Cases réalise un abrégé de connaissances historiques – sorte de manuel – nécessaires à

l’étudiant de l’époque pour la bonne poursuite de ses études dans la discipline, ce que les

Allemands nomment Geschichtsatlas. Le précis historique est une forme qui a gagné en

popularité durant les décennies qui précèdent Lesage, et leur production a été conséquente82.

Parmi les pédagogues revendiqués qui précèdent Lesage, Claude Buy de Mornas est de ceux

qui mettent la carte au service d’un enseignement méthodique de l’histoire. Professeur

d’histoire et géographie à l’Ecole militaire – tout comme le sont après lui Lesguille et

Mentelle – il publie des manuels de géographie, un traité pédagogique ainsi qu’un Atlas

méthodique et élémentaire. Au même titre que ses deux successeurs, il influence très

81 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.

82 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », Orbis, vol. 47, n° 2, 2003, pp. 277-293.

29

probablement par son travail la pensée pédagogique de Lesage. Ce dernier se positionne selon

Manuel Schramm qui cite le guide à la première édition anglaise : « at an intermediate level

between that of school textbooks and scholarly literature »83, soit entre le manuel scolaire et

la littérature savante. Ce positionnement intermédiaire permet d’expliquer la nécessité qu’a eu

Las Cases, une fois son Atlas bien implanté, de le décliner en des éditions plus précisément

destinées à l’usage scolaire, publiant un Atlas élémentaire en 1829, puis son Manuel en

183084. Ces éditions viennent confirmer la visée populaire de l’Atlas, un ouvrage qui s’adresse

sous ses déclinaisons aux scolaires dans un sens très large. A titre d’exemple, l’édition de

1829 abrégée pour la jeunesse se positionne ainsi :

La méthode de Lesage, adoptée par le conseil royal et recommandé par le ministre de

l’instruction publique, exclut toute théorie, toute abstraction, et se réduit en quelque sorte à une

simple pratique : aussi est-ce ce qui la met à la portée de tous les âges, de toutes les

intelligences, et l’approprie spécialement à l’instruction primaire85.

Comme le résume Walter Goffart : « Content to divert and please, the Atlas Lesage

remained, most of all, unpretentiously pedagogic »86. Malgré les qualités pédagogiques de

son Atlas, Las Cases reste un amateur : bien que bon étudiant et insatiable lecteur, son

approche n’est pas académique87, au contraire de beaucoup de professeurs qui lui sont

contemporains ou encore de ses maîtres de l’Ecole militaire88. Sa méthode d’apprentissage

n’en est pour autant pas moins aboutie et suit une même logique tout au long de l’ouvrage. La

manière dont l’auteur souhaite faire comprendre l’histoire au jeune public qui la découvre est

d’ailleurs bien formatée. L’étude des différentes puissances européennes qui forme la majeure

partie de l’Atlas suit toujours un même schéma qui fait montre d’une progression logique dans

l’apprentissage. Las Cases fait le choix d’aborder chaque pays en deux temps, qui sont autant

83 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.

84 Qui sont tous deux composés de planches tirées de l’Atlas : trois planches plus la Charte de 1830 – qui fonde la monarchie de Juillet – pour le Manuel, 10 cartes et tableaux pour l’Atlas élémentaire.

85 E. LAS CASES, Atlas élémentaire, géographique, historique, chronologique, et généalogique, ou choix des dix cartes les plus classiques du grand atlas, de A. Lesage (Comte de Las Cases), a l’usage des collèges et maisons d’éducation pour l’instruction de la jeunesse., Paris, Leclère, 1829. Exposé préliminaire.

86 W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of Chicago Press, 2003, p. 313.

87 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit. ; W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », Nottingham Medieval Studies, n° 32, 1988, pp. 49-64.

88 Parmi ses contemporains bien insérés dans les réseaux académiques, on pense notamment au professeur allemand Christian Kruse et son Atlas und Tabellen zur übersicht der Geschichte aller europäischen Länder und Staaten de 1802.

de planches qui se succèdent. La vision dynastique de l’histoire dont nous venons de parler

dans la partie précédente l’amène à placer en tête de partie un tableau généalogique des

souverains régnant sur le pays, mélangé

une seconde étape, matérialisée par une deuxième planche que la chronologie se mêle et vient

répondre à la géographie par l’utilisation d’une carte du pays. L’étudiant, au fil de sa

progression dans les pages progresse ainsi dans l’apprentissage, acquérant d’abord la

connaissance des personnages, puis celle de leurs actions et enfin les matérialisant sur une

carte pour aider à la mémorisation de ces connaissances. Le schéma suivant peut ainsi être

dressé :

Figure 3 : Modèle d'apprentissage selon la méthode de Lesage.Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape

Las Cases a donc constitué, sur quelques pages consacrées à un même espace

géographique, un répertoire de faits, dates e

mémoires historiques. Malgré la structure géographique de son atlas (dont nous reparlerons

dans le chapitre II), la géographie est ici surtout un outil facilitant l’intégration de

de planches qui se succèdent. La vision dynastique de l’histoire dont nous venons de parler

dans la partie précédente l’amène à placer en tête de partie un tableau généalogique des

souverains régnant sur le pays, mélangée à des éléments de chronologie. C’est seulement dans

une seconde étape, matérialisée par une deuxième planche que la chronologie se mêle et vient

répondre à la géographie par l’utilisation d’une carte du pays. L’étudiant, au fil de sa

pages progresse ainsi dans l’apprentissage, acquérant d’abord la

connaissance des personnages, puis celle de leurs actions et enfin les matérialisant sur une

carte pour aider à la mémorisation de ces connaissances. Le schéma suivant peut ainsi être

: Modèle d'apprentissage selon la méthode de Lesage. Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape

Las Cases a donc constitué, sur quelques pages consacrées à un même espace

géographique, un répertoire de faits, dates et personnages, comme une anthologie d’aide

mémoires historiques. Malgré la structure géographique de son atlas (dont nous reparlerons

dans le chapitre II), la géographie est ici surtout un outil facilitant l’intégration de

30

de planches qui se succèdent. La vision dynastique de l’histoire dont nous venons de parler

dans la partie précédente l’amène à placer en tête de partie un tableau généalogique des

e à des éléments de chronologie. C’est seulement dans

une seconde étape, matérialisée par une deuxième planche que la chronologie se mêle et vient

répondre à la géographie par l’utilisation d’une carte du pays. L’étudiant, au fil de sa

pages progresse ainsi dans l’apprentissage, acquérant d’abord la

connaissance des personnages, puis celle de leurs actions et enfin les matérialisant sur une

carte pour aider à la mémorisation de ces connaissances. Le schéma suivant peut ainsi être

Las Cases a donc constitué, sur quelques pages consacrées à un même espace

t personnages, comme une anthologie d’aide-

mémoires historiques. Malgré la structure géographique de son atlas (dont nous reparlerons

dans le chapitre II), la géographie est ici surtout un outil facilitant l’intégration de

31

connaissances. Daniel Nordman, paraphrasant une circulaire ministérielle de l’an VII, rappelle

ainsi que les notions de géographie sont du ressort de la mémoire et conviennent aux écoles

primaires89. Dans ce même sens, assez peu flatteur pour la géographie, Numa Broc rappelle le

manque de considération qu’inspirait la matière au début du XIXe siècle, les spécialistes

comme le public cultivé la regardant comme un « répertoire de faits, un catalogue de lieux,

une nomenclature tout juste bonne à exercer la mémoire des écoliers et à faciliter la lecture

des gazettes »90. Lesage, à l’écart des controverses d’érudits, n’adhère pas à ce discours de

dévaluation de la géographie. Il trouve plus simplement dans la matière un bon levier de

mémorisation et donc un apport substantiel à l’étude de l’histoire.

La carte est un schéma, rudimentaire dans le tracé de sa géographie, qui accompagne

visuellement l’apprentissage. Cette remarque, surtout valable pour les cartes livrées avec les

premières éditions de l’Atlas qui évoluent peu dans le temps (cartes des pays d’Europe),

montre bien le but de l’Atlas de fournir des cartes utiles à une compréhension globale de

l’histoire. Ainsi les sources utilisées ne sont plus antiques – comme utilisaient les

prédécesseurs de Lesage, mais des histoires universelles ou particulières écrites par ses

contemporains. Pour forcer un peu le trait l’on peut dire que compte moins l’exactitude des

propos – Lesage ne manipule pas les sources primaires il est tributaire de ses contemporains,

que la manière avec laquelle l’information est présentée91. Son Tableau de la transmigration

des Barbares suit cette logique de compréhension globale de l’histoire et regroupe pour la

première fois les invasions barbares en une seule et même carte. Adoptant une vision globale

– mais pas simpliste – de l’histoire, il y télescope cinq siècles, parvient à y faire figurer toute

la diversité des peuples « barbares », leurs lieux d’origine, leurs trajets et leurs points

d’arrivée dans une « comprehensive image [image globale, exhaustive] »92.

L’Atlas a revendiqué contenir tout ce dont avaient besoin étudiants et novices pour

apprendre et comprendre l’histoire, du moins à un niveau élémentaire et squelettique. N’étant

pas un ouvrage destiné aux érudits, ceux qui le consultent ne se destinent pas à de grandes

réflexions sur des sujets historiques. L’atlas n’est pas un livre qui se lit de la première à la

89 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit. 90 N. BROC, J. SAGNES et P. PINCHEMEL, Regards sur la géographie française de la Renaissance à nos

jours, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1994 (Etudes), p.180. 91 Ainsi lorsqu’il dit étudier l’histoire d’Allemagne avec son compagnon d’armes Volude, il s’attache

principalement à organiser les informations dont il dispose – probablement limitées puisque emportées avec lui à Wight en campagne militaire – dans ses tableaux synoptiques, qu’à croiser ces mêmes informations avec d’autres sources.

92 W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », art. cit.

32

dernière planche. Ainsi, l’homme du monde le parcourt en se remémorant les dates et

événements appris dans sa jeunesse. Mais c’est surtout l’écolier qui vient y piocher des

morceaux choisis, accompagnant ainsi le cours de son professeur au long de l’année au gré

des époques abordées. Walter Goffart voit donc cet atlas comme un outil au « bachotage » :

« The Atlas Lesage is a tool for cramming [bachotage], useful for those, young and old, who

desired to equip themselves hastily with useful particles of knowledge »93. Cette dénomination

peut-être un peu provocatrice qu’a choisie Goffart rend bien compte de l’usage de vademecum

qui peut être fait de l’Atlas. Il occulte cependant la dimension d’apprentissage qui sous-tend

l’ouvrage : il n’est pas un simple répertoire mais suit une progression bien définie – partant de

la généalogie pour comprendre la chronologie et les fixer simplement et durablement par la

géographie –qui accompagne l’élève dans les étapes de son apprentissage de l’histoire. Sont

mis au service de cette compréhension des temps passés la carte et la table : deux outils qui

portent son projet pédagogique et donnent sa spécificité à l’Atlas Lesage.

C. Tracer la ligne du temps

« De tous les atlas, ceux qui se proposent de suivre les circonvolutions de l’histoire sont

sans doute les plus complexes »94. Encore aujourd’hui, malgré toutes les avancées techniques

dont nous disposons, la représentation des changements temporels représente un défi. C’est ce

que rappelle Catherine Hofmann dans un article sur les origines de l’atlas historique. Las

Cases, pour tenter de rendre compte au mieux de la complexité des faits historiques, a choisi

de multiplier les moyens de communication. Il a préféré à une histoire racontée par écrit une

communication visuelle, qu’il juge plus efficace pour transmettre le savoir à la jeunesse.

Détaillons donc ici les choix méthodologiques – qu’ils soient ou non conscients – qui ont

précédé la conception de ces médias.

1. La carte synchronique

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, apprendre la géographie c’est avant tout « savoir la

carte »95, l’enseignement de l’histoire, quant à lui, se lie de plus en plus étroitement – nous

l’avons vu – avec celui de la géographie. Au XIXe siècle avec Lesage ce sont les grands

93 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 313. 94 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte

comme “oeil de l’histoire” », art. cit. 95 C. HOFMANN, Artistes de la carte, op. cit. Introduction.

33

événements de l’histoire longue d’un espace qui se trouvent résumés sur la carte, en perpétuel

dialogue avec le texte qui l’entoure. L’époque de Lesage correspond à un moment

d’innovation dans le domaine de la carte historique, plusieurs techniques ont coexisté dans ce

qui a pu s’apparenter à différentes écoles cherchant le meilleur moyen de représenter la course

du temps. Catherine Hofmann classe ces approches méthodologiques en trois grands courants

qui représentent autant de moyens mis en place pour pallier les insuffisances de la carte à

exprimer les changements temporels96. Ces approches coexistent, se développent, trouvent

leurs défenseurs, sans qu’aucune ne devienne réellement paradigmatique.

La première méthode est celle des géographies comparées qui consiste soit à

accompagner la carte d’un ensemble d’éléments textuels (exposés ou notices historico-

géographiques), soit à mettre en parallèle cartes historiques et cartes modernes pour figurer le

changement. Mentelle réalise par exemple un mélange de ces deux techniques en proposant

par pays à la fois de longues descriptions, des tableaux et des cartes.

Figure 4 : La carte d'Afrique par Mentelle. Souce : Gallica

96 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.

34

Une autre approche, qui connaît un large succès à la fin du XVIIIe siècle consiste à

multiplier les cartes à intervalle de temps régulier pour rendre compte des « révolutions de

l’histoire ». Jeremy Black décrit cette technique et en critique le résultat :

The[se] atlases depict the passage of time and mark in it the location of events through a series

of chronologically different maps that the reader is supposed to differentiate by a process of

scrutiny [examen attentif]. […] This scrutiny can be aided by the cartographic devices, most

obviously arrows, and by text, but neverthless, a significant problem for all static graphic

depictions of historical change is that they lack a dynamic dimension and so depict change as a

series of stages or « stills » [instantanés], rather than a continuum97.

En somme, il s’agit de multiplier les images arrêtées à différents instants t ; l’œil est

ensuite chargé de les lier, en observant une carte puis la suivante, pour redonner vie aux

évolutions temporelles. Ce procédé, assimilable aux images successives du cinématographe,

est inventé par Philippe de la Rüe dans son atlas La Terre sainte en six cartes géographiques

dès 165198. Il y réalise une succession chronologique de cartes de la Terre saintes qui lui

permet de figurer son organisation depuis les origines (Canaan), jusqu’à la Syrie moderne

sous domination ottomane99. Cette méthode est reprise et connaît un large succès dans la

seconde moitié du XVIIIe siècle, Goffart écrit : « Soon after Hase’s death [in 1742], began the

era of the universal sequential atlases, that lasted until the 1830s »100. Emerge une sorte

d’école, reposant sur ce choix conventionnel et très largement germanique, dont Christian

Kruse sera l’un des promoteurs. Il réalise des atlas d’histoire universelle – souvent jugés plus

impressionnants que celui de Lesage – illustrés d’une succession de cartes strictement

chronologique. Une critique allemande de l’Atlas de Lesage parue dans l’Allgemeine

Literatur-Zeitung et datée de 1804 s’attaque violemment à Lesage, et lui reproche de ne pas

utiliser cette méthode. Pour l’auteur, l’atlas séquentiel universel doit être la forme des atlas

historiques, à l’image d’une grande partie de la production allemande d’atlas de son temps101.

Faire le récit des événements par images successives n’est pas l’idée qu’adopte Lesage,

celui-ci n’a peut-être d’ailleurs jamais croisé d’atlas d’histoire universelle sous la forme

97 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit. 98 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group

Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne]. <http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15

avril 2015). 99 P. DE LA RUË, La Terre Sainte en six cartes géographiques, Paris, Mariette, 1651. 100 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit. 101 Allgemeine Literatur-Zeitung, vol. 4, n° 346, décembre 1804, p. 522. Cité par Goffart.

35

séquentielle102, résolument allemande. Notre auteur s’inspire plutôt de ce qu’il a eu sous les

yeux dans ses années d’étude. Il adhère ainsi à la démarche de Claude Buy de Mornas

(pédagogue, professeur à l’Ecole Militaire où a étudié Las Cases) qui proposait, dans un atlas

en trois parties resté inachevé, de « faire marcher d’un pas égal la géographie, la chronologie

et l’histoire »103. Toujours selon Mornas, l’intérêt était de donner une « triple image des lieux,

des époques, des événements ». L’idée-mère de l’atlas est donc de lier ces disciplines, et c’est

ce que réalise Las Cases dans un plan géographique plutôt que chronologique – comme le

pratiquaient ses confrères outre-Rhin. L’Atlas Lesage n’expose donc pas une série

chronologique de cartes par pays d’Europe, il choisit de se limiter à une ou deux cartes pour

chaque pays (parfois plus comme pour l’Allemagne) ou par région du monde. Ces cartes sont

synchroniques, c’est-à-dire qu’elles regroupent sur un même fond différent moments de

l’histoire. On constate par conséquent un très grand éclectisme dans les cartes de l’Atlas : la

carte d’Angleterre compile sur un même plan les campagnes de Guillaume le Conquérant

1027-1087), de l’Armada espagnole (vaincue à Gravelines en 1587), de Charles Ier

d’Angleterre (1600-1649), et de Charles II (1630-1685). Cette surabondance de batailles, de

toponymes, de trajets de troupes introduit une certaine confusion dans la carte qui paraît

désordonnée104. L’invasion de l’Italie par Hannibal au IIIe siècle avant J.-C. est quant à elle

plaquée sur un fond de carte montrant l’Empire romain au IVe siècle après J.-C.. Selon

l’historien Watler Goffart, une des spécificités de Lesage est cette carte au long cours :

« [Lesage] is envisaging a map as a long stretch of the past – the whole antiquity or the

whole of modern times. ». Ces cartes témoignent de la perception de l’histoire qu’avaient

Lesage et ses contemporains : faire figurer une si longue distance temporelle sur une même

carte témoigne d’une conception du temps plus « étirée », qui s’inscrit dans la perception d’un

« temps vide et homogène » formulée par Walter Benjamin105.

102 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit. 103 C. BUY DE MORNAS, Atlas méthodique et élémentaire de géographie et d’histoire. Seconde partie.,

Paris, Valleyre, 1761. Introduction. Cité par Hofmann. 104 « especially messy » selon J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven,

Yale University Press, 1997, p. 38. 105 Sur la perception de l’histoire, voir W. BENJAMIN, Sur le concept d’histoire, Paris, Payot et Rivages,

2013.

36

C’est sur la longue durée que Lesage innove donc, il fait le choix dans de multiples

cartes de représenter des processus longs, auxquels il redonne une cohérence dans la

progression, une unité dans les fins. Ainsi c’est la formation progressive du territoire français

qui occupe une des deux cartes consacrées à la France, découpant le territoire en autant de

provinces progressivement agglomérées au domaine d’Hugues Capet (pl. XII)106. Il y fait

figurer, par un

choix de

couleur, l’ordre

et la nature des

réunions

successives au

royaume : le

rouge est un

gain par la

violence, le vert

représente un

héritage ; un

mariage, un

traité ou un

achat donne une

province jaune.

Il fait de même

lorsqu’il

représente

l’évolution du territoire de la monarchie espagnole, dans laquelle il distingue les héritages

respectifs d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon qui permirent l’union des deux

royaumes (pl. XVIII). Encore dans la carte des Etats allemands (pl. XIX), plus anecdotique,

mais qui répertorie à l’aide de texte dans la carte l’origine et la formation des Etats qui

composaient l’Empire germanique.

106 Pierre Duval au XVIIe siècle propose déjà une ébauche de cette idée avec les Acquisition de la France par la paix (1660) montrant les agrandissements territoriaux résultant des traités de Westphalie et des Pyrénées. Mais les changements territoriaux ne reprennent que ceux des quinze années qui précèdent la parution de la carte.

Figure 5 : Le territoire de la monarchie espagnole Source : cliché personnel

37

Goffart nous permet de conclure sur ce point, lorsqu’il affirme « Las Cases seems

justified in claiming to innovate when he mapped these processes »107. Cette remarque

contredit aussi l’affirmation de Jeremy Black qui, se focalisant probablement sur les cartes les

plus rudimentaires, et déçu par leur pauvre rendu esthétique108, ne voit les cartes

géographiques de Las Cases que comme « clearly secondary »109. Novateur donc, en matière

de cartes, mais pas seulement.

Dans tout l’ouvrage, la carte est en effet vantée pour son pouvoir synoptique, mais « elle

s’avère impuissante à exprimer à elle seule le temps et l’histoire dans toute sa complexité »110

rappelle Catherine Hofmann. C’est ici que Las Cases montre la cohérence de son projet,

puisqu’il tente à la fois d’utiliser le pouvoir synoptique de la carte géographique, et d’élargir

cette caractéristique visuelle à toutes les disciplines regroupées dans son atlas. Las Cases

élargit la définition classique du terme « carte »111 en regroupant dans sa préface tous ces

éléments sous l’appellation de « tableau » (géographique, généalogique…). Ne les concevant

pas différemment des cartes géographiques, il les envisage comme dispositif pour diffuser le

savoir par le positionnement rationnel d’informations dans l’espace de la planche.

2. Les tables chronologiques et généalogiques

Le tableau ou la table est un moyen de mettre en ordre la connaissance, il « nécessite un

recours à l’abstraction, à la généralisation, à la formalisation »112 qui peut donner naissance à

diverses formes de présentation. Il permet, sous une forme claire et ramassée de présenter un

ensemble quelconque de faits ou de relations par sa disposition en colonnes et en lignes sur

une seule page ou feuille113. Le tableau, comme le rappelle Jack Goody est essentiellement un

procédé graphique, son caractère bidimensionnel et figé permet une représentation simplifiée

de la réalité. Il est ainsi tout à fait à sa place dans un ouvrage comme l’Atlas historique,

chronologique, généalogique et géographique, à des fins de compréhension globale, voire de

« bachotage » historique.

107 W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », art. cit. 108 Il écrit : « The overall effect, however, was very crude » dans J. BLACK, Maps and history, op. cit., p.

37. 109 Ibid., p. 36. 110 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte

comme “oeil de l’histoire” », art. cit. 111 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit. 112 J. GOODY, La raison graphique, Paris, Les éditions de minuit, 1979, p. 109. 113 Goody cite ici le Shorter Oxford Dictionnary Ibid., p. 111.

38

Dans l’ouvrage de Lesage, ces tableaux correspondent à ce que nous nommons

aujourd’hui diagramme chronologique ou arbre généalogique. Leur impact visuel inspire une

grande homogénéité au sein de l’Atlas, d’abord provoquée par leur unité graphique mais aussi

par leur poids égal dans le plan. Cette répartition permet à Goffart de déduire : « Time charts,

genealogical tables, « geographies » of history were, as he saw them, on an equal footing

with topography. »114.

Au XIXe siècle, l’utilisation de diagrammes chronologiques pour organiser les

informations est encore une pratique relativement récente. Cette forme de table, capable

d’intégrer presque tous les types de données, de résoudre les difficultés inhérentes à la fusion

des histoires de plusieurs civilisations (comme dans les tableaux du début de l’Atlas : Histoire

universelle ancienne, Histoire universelle moderne, et les deux tableaux de la Géographie de

l’Histoire), permettent un accès rapide au données et une production et correction aisée115. La

volonté d’une représentation synoptique se traduit en une planche qui se consulte selon

différents niveaux de lecture : depuis les grands mouvements de l’histoire aux plus petits

événements qui s’y insèrent.

Une nouvelle fois, il paraît pertinent de confronter le contenu de l’Atlas aux productions

qui le précèdent. Pour ce qui est des tables chronologiques, Lenglet du Fresnoy, érudit du

XVIIIe siècle, semble avoir été fondateur. Il publie en 1729 ses Tablettes chronologiques de

l’histoire universelle qui visent à inculquer aux étudiants – qui ne peuvent lire la totalité de la

production historiographique – les bases de la chronologie. Cet ouvrage dont les tables

ressemblent beaucoup à celles de Lesage, la couleur en moins, défend l’importance de la

chronologie vis-à-vis de l’histoire. Précurseur dans la traduction graphique d’informations, il

pointe la nécessité d’un bousculer les frontières de la représentation synoptique116.

Trente ans plus tard, l’Anglais Joseph Priestley, dans A Chart of Biography invente le

dialogue et l’enrichissement mutuel entre la pensée historique et de nouvelles formes

d’expression graphique. Considérant la ligne du temps non pas comme une image de

l’Histoire, mais de manière plus pragmatique comme « un excellent moyen mécanique d’aide

à la connaissance de l’Histoire ». Il met ainsi au point une représentation novatrice

privilégiant une vue d’ensemble – le caractère synoptique donc, couplée à une vision

114 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit., p. 308. 115 D. ROSENBERG, Cartographies of time, op. cit. 116 Ibid., p. 103.

39

synchronique des événements qui sert d’aide à la mémoire117. Sa démarche est en ce sens

finalement très proche de celle de Las Cases moins d’un demi siècle plus tard.

Ainsi, Las Cases bénéficie de l’œuvre de ces précurseurs dans la traduction visuelle

d’une information chronologique et généalogique. Au XIXe siècle, « la convention de la ligne

du temps [commence à] devenir naturelle »118, elle rentre dans les pratiques – notamment

scolaires – de l’époque. Las Cases adopte cette formalisation qu’il considère pertinente à des

fins de compréhension générale de l’histoire, pour le loisir de l’homme du monde comme

pour la formation de l’étudiant. Comprenant cartes, textes, tables généalogiques et

chronologiques, l’Atlas innove par la multiplicité de ses moyens de communication : « the

atlas is not a simple collection of maps, but rather embodies an approach to history that

today would be labeled as multi-media learning »119. Ces outils sont complémentaires,

répondent les uns aux autres et sont utilisés dans des proportions équivalentes à la

compréhension de l’histoire. En ce sens, Las Cases anticipe – ou plutôt influence directement

– les atlas modernes120. Il participe de l’émergence de l’atlas historique sous sa forme telle

que nous la connaissons aujourd’hui.

D. De l’usage de l’Atlas, les stigmates d’un atlas de travail : l’édition 1808 de

la Bibliothèque Sainte Geneviève

Après avoir rendu compte des outils qui permettent à ce Geschichtsatlas de remplir son

rôle, il semble intéressant de se tourner vers les modalités d’appropriation de ce dispositif

épistémique. Partant d’une interrogation simple, mais qui parait au premier abord difficile à

résoudre : quel usage pouvait être fait de l’Atlas Lesage par ses lecteurs ?

Un des problèmes majeurs auquel le chercheur qui s’intéresse à l’Atlas de Lesage est

confronté repose dans la provenance des sources. Premier constat, les éditions de l’Atlas que

détiennent les bibliothèques – tout du moins parisiennes – n’ont généralement jamais servi

aux contemporains en dehors de ces mêmes bibliothèques. Une édition comme celle de 1802-

1804 de la Bibliothèque de la Sorbonne, qui est pourtant un ouvrage de prix décerné à un

élève, ne ressemble en rien à un atlas d’étude. Sa reliure dorée à la feuille d’or aux armes de

117 Ibid., p. 20. 118 Ibid., p. 21. 119 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,

art. cit. 120 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit.

40

l’Empereur en fait clairement une édition de prestige ; qui plus est, cette dernière est entrée de

très bonne heure dans les collections des bibliothèques par don ou legs. De même, la diffusion

de l’Atlas a été très large. Il a rapidement été adopté par l’instruction publique pour en fournir

les bibliothèques ; ceci explique la présence actuelle d’éditions de l’ouvrage jusque dans de

petites bibliothèques municipales. Ces ouvrages, sortes de « livres en sommeil», ont été

protégés pour nous parvenir en excellent état de conservation, à tel point qu’ils semblent

parfois n’avoir jamais réellement servi. Ils ne nous apprennent rien sur l’usage qui pouvait en

être fait, si ce n’est leur présence si longue (intérêt constant) et si nombreuse (diffusion large)

dans les réserves.

Une deuxième remarque est qu’il est difficile de déceler dans une édition de l’Atlas qui

a servi à un particulier les traces de son usage. Interpréter les remarques griffonnées dans une

marge, le degré d’usure d’un atlas, nécessite d’extrapoler à partir des quelques éléments qui

s’offrent encore à la vue après plus de deux siècles d’existence. La part laissée aux

suppositions reste ainsi inévitablement conséquente. Cependant, la découverte d’un

exemplaire original : l’édition de 1808 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève121, nous a

autorisé à alimenter ces questionnements. Elle nous a permis d’apporter quelques bribes de

réponses sur l’usage qui pouvait être fait d’un tel atlas en allant chercher dans les stigmates

qu’y ont laissé ses propriétaires par leur utilisation, avant d’entrer dans les collections de la

bibliothèque122.

Cet exemplaire, paru chez Leclère n’est pas daté sur sa page de titre, mais la présence

du feuillet-frontispice des « Fastes napoléens » (abordé dans l’esquisse biographique) laisse

peu de doute quant à sa datation. Composé de 33 cartes et tableaux, il est –comme tous les

éditions de l’Atlas (hors Manuel et Atlas élémentaire) – d’un format grand in-folio (51,5cm).

Un premier regard sur son aspect général en fait un ouvrage à la reliure fatiguée, aux pages

sales et tâchées qui tranchent nettement avec les exemplaires à l’état de conservation

remarquable et aux pages immaculées habituellement trouvés dans les bibliothèques. Ce

premier détail permet une remarque d’importance : il s’agit d’un atlas qui a été utilisé, et à de

multiples reprises. Les marques d’usure sont nombreuses : des pages sont déchirées, d’autres

cornées, la reliure est quasiment décollée. Le papier est noirci par le temps et l’usage, les

121 Répertoriée à la cote RESERVE : FOL G 1 INV 6 (BIS) EXC. 122 Malheureusement, la bibliothèque Sainte-Geneviève n’est pas en mesure, comme pour beaucoup

d’ouvrages qui composent ses collections, de déterminer par quelle voie il y a été intégré. Nous ne connaissons donc rien du propriétaire initial ni de la date d’entrée à la bibliothèque.

41

pages parsemées de tâches d’encre qui nous font supposer un usage sur une table de travail,

peut-être la copie de certaines de ses informations. Autant de détails qui viennent confirmer

l’utilisation de cet objet comme atlas de travail.

Malgré le fait qu’il soit impossible de connaître la manière avec laquelle l’ouvrage a pu

entrer dans les collections et qui a pu en être le propriétaire passé, l’analyse formulée pour les

atlas géographiques par Christian Jacob peut ici s’appliquer : on suppose un « public cultivé,

intéressé par ce genre de volume non utilitaire, mais nécessaire pour compléter une éducation

géographique [ici historico-géographique] »123. La possession d’un tel ouvrage peut donc être

signe de culture et permettre une « distinction » sociale. Ceci d’autant plus que l’édition de

1808 n’est pas encore une édition bon marché comme apparaissent à la fin du cycle de vie de

l’Atlas124, elle coûte environ 120 fr. ce qui représente à l’époque le tiers du salaire annuel pour

un manœuvre125. « Non utilitaire » selon Jacob, l’atlas et sa possession permettent dans notre

cas de satisfaire une curiosité pour l’histoire et la géographie.

Une observation plus attentive de chacune des planches permet d’y déceler ce qui restait

caché au simple coup d’œil et qui confère son intérêt à cette édition bien spécifique. De

multiples annotations, ont été ajoutées à l’encre ou au crayon de papier sur ses planches par

celui ou ceux qui l’ont utilisé – expliquant les tâches d’encre qui parsèment les pages. Ces

annotations servent plusieurs objectifs.

123 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., Paris, Albin Michel, 1992.

124 Dans l’édition populaire et d’étude de 1842, le prix de vente de l’atlas complet est abaissé à 70 fr. contre 127 fr. pour la première édition (les éditions qui suivirent restèrent dans le même ordre de prix).

125 W. SYNDER et C. MORRISSON, « Les inégalités de revenu en France du début du XVIIIe siècle à 1985 », Revue économique, vol. 51, n° 1, 2000, pp. 119-154.

42

D’abord, elles peuvent servir à corriger une erreur repérée dans l’ouvrage. On trouve

ainsi des informations barrées à l’encre dans le corps du texte. Elles peuvent aussi permettre

de compléter une explication

jugée trop parcellaire ou erronée.

Dans le Tableau de la généalogie

des branches capétiennes, le

Régent Philippe II se trouve ainsi

précisé d’un « duc de Chartres »,

et le texte qui l’accompagne est

barré de noir. Sur le tableau de la

Géographie de l’Histoire, on

trouve des notes en bas de page

qui renvoient vers le texte du

tableau avec un astérisque (*) ou

un croisillon (#), n’ayant pas eu la

place d’écrire directement dans les cases. Dans la même idée, celui qui devient lecteur-acteur

en enrichissant l’ouvrage n’hésite pas à ajouter à même les cartes géographiques des

toponymes manquants (mer Baltique, Ceylan) sur la carte de l’Empire romain ; ou des

informations plus ciblées sur l’hydrographie (il note et nomme la confluence du Tigre et de

l’Euphrate). Des notes au contenu plus historique s’ajoutent aussi : les dates de soumission

aux Romains des villes italiennes ; ou encore la mort d’un personnage illustre sur l’île de

Bretagne « Sept. Sèvère y mourut »126. Notre usager de l’Atlas va jusqu’à dessiner sur la carte

un tracé dont la signification n’est pas indiquée ; reliant ainsi par une ligne Le Havre à

Marseille et longeant ensuite la côte d’Espagne sur la carte de l’Europe en 1808.

Ce catalogue des annotations nous renseigne sur différents points. D’abord, le

propriétaire de l’Atlas porte un intérêt particulier pour les cartes qui le composent. Ce sont

elles qui portent le plus de remarques ou d’ajouts dans leurs espaces blancs. Cette grande

propension de l’Atlas à être annoté le transforme en un objet participatif. Le lecteur-acteur

s’approprie l’œuvre de Lesage, il la fait évoluer. Il corrige son Atlas, l’enrichit de ses

recherches personnelles en fonction de ses centres d’intérêt (une nette préférence pour la carte

de l’Empire romain), et prend ainsi part à sa construction. Une utilisation qui semble moins

126 Empereur romain de 193 à 211 ap. J.-C.

Figure 6 : Un ajout manuscrit sur la carte de l'Empire romain Source : cliché personnel

43

celle d’un écolier que celle d’un homme plus simplement curieux de s’instruire sur l’histoire

et la géographie. Loin d’être un objet sacralisé, le livre continue de vivre dans les mains de

celui qui l’a acquis.

L’examen de la succession des planches de l’Atlas et sa comparaison avec le plan des

éditions complètes permet de mettre en évidence d’usage de l’objet sur une longue période.

L’impression est de 1808, mais des planches supplémentaires ont été ajoutées. D’abord, la

première planche de l’ouvrage le Tableau de l’Histoire universelle sacrée et profane est

absente. Probablement abîmée ou

arrachée, elle a fini par être rachetée

et recollée en fin de l’atlas sur un

onglet de réserve, passant ainsi de la

première à la dernière position dans

l’ordre des planches. De même, la

carte – en partie découpée – de

l’Amérique actuelle a été ajoutée

sur l’onglet précédent. Cette mise à

jour permet de déduire qu’en 1827

(date de parution de la carte

d’Amérique), l’atlas était toujours

utilisé et tenu à jour.

Las Cases, en réalisant son Atlas historique, généalogique, chronologique et

géographique ne fait pas œuvre d’érudition. Il le destine au grand public et aux scolaires

auxquels il inculque l’histoire par une méthode qu’il juge instinctive et peu coûteuse en

travail, développant cartes et tableaux propices à une communication avant tout visuelle. Dans

cette approche multipliant les médias, il représente un jalon important dans l’histoire des atlas

historiques qui gagnent leur forme actuelle aux environs de 1800127. C’est dans la planche de

Lesage qu’il nous faut plonger pour en faire émerger la personnalité et les innovations, les

petits détails qui font le « style Lesage ».

127 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.

Figure 7 : Un onglet de réserve. Sources : cliché personnel.

44

III. Dans la planche de Lesage

Reprenant à son compte les prescriptions d’Horace dans l’Art poétique, c’est l’idée de

simplicité dans le discours, la volonté de clarté qui imprègne la planche de Lesage. C’est elle

qui va permettre la bonne transmission de la pensée :

Quelque précepte que tu donnes, sois bref, afin que les esprits dociles entendent promptement

tes paroles et les retiennent fidèlement. Tout ce qui est superflu est rejeté de l’esprit trop plein.

[…] Il enlève tous les suffrages celui qui mêle l’utile à l’agréable, qui charme et qui instruit le

lecteur.

On retrouve ici un topos omniprésent dans les exposés préliminaires de l’ouvrage qui

prétend allier l’utile à l’agréable, enlever de l’étude de l’histoire les parties les plus arides.

Pour accompagner la pédagogie de l’ouvrage, la planche est travaillée, ordonnée de manière à

permettre à l’œil d’y voyager et d’y trouver les connaissances désirées. Ce voyage est rendu

possible par toute une série de procédés visuels qui accompagnent la consultation. Ainsi dans

une planche :

[…] tout arrive à l’esprit et se loge dans la mémoire par les yeux à l’aide de linéamens, de

contours et de couleurs qui introduisent la clarté, éclairent la confusion et assurent

d’ineffaçables souvenirs128

.

La planche subit une tension permanente entre le caractère panoptique que Lesage veut

lui donner – à l’aide de ses constructions graphiques (diagrammes chronologiques, arbres

généalogiques, cartes géographiques), et la dimension « microscopique » – qui procède par

zooms – du texte qui l’accompagne sans discontinuer. La carte des invasions barbares occupe

ainsi le tiers du grand in-folio, elle prétend « jeter sans peine la carté sur une époque bien

confuse dans l’histoire » ; tandis que l’enserrent par trois côtés des colonnes d’informations

qui emplissent les marges de la page, détaillant l’histoire de chaque peuple.

Analysons donc ces éléments techniques dont use Las Cases pour rendre son ouvrage

vivant et sa planche si particulière. C’est d’abord le renvoi qu’il utilise sous sa forme textuelle

pour circuler dans l’Atlas ; c’est ensuite la couleur qui complète les manques du renvoi textuel

et esthétise la planche ; c’est enfin l’économie de la planche elle-même, présentant de manière

ordonnée et réfléchie les informations pour permettre leur bonne transmission.

128 E. LAS CASES, Atlas élémentaire, géographique, historique, chronologique, et généalogique, ou choix des dix cartes les plus classiques du grand atlas, de A. Lesage (Comte de Las Cases), a l’usage des collèges et maisons d’éducation pour l’instruction de la jeunesse., op. cit., exposé préliminaire.

45

A. Cheminer dans la planche et dans l’Atlas : de l’usage du renvoi

L’atlas n’est pas une simple succession de planches sans rapport les unes avec les

autres. Il est construit comme un tout, à la fois dans la planche qui doit se suffire à elle-même,

mais aussi dans leur succession, qui est une disposition raisonnée. Afin d’assurer cette

cohérence aux deux échelles que sont la planche et l’atlas, le renvoi est un outil indispensable.

Sorte de fil rouge que les lecteurs ont la possibilité de suivre, il permet la navigation de trois

manières différentes chez Lesage : du texte à la carte, de la carte au texte, et de carte à carte.

Mettant en relation des éléments dispersés, il donne la possibilité d’une circulation dans la

planche qui alimente les « itinéraires libres de l’imagination, de la rêverie »129.

Pour pallier les faiblesses du pouvoir synoptique de la carte, l’Atlas Lesage a recours –

en plus de ses tables et cartes – à des textes qui lui permettent de mieux rendre compte de la

complexité de l’histoire. Lesage se sert ainsi de renvois pour entretenir un dialogue entre ces

parties géographiquement distinctes dans la planche et les intégrer dans un même système.

Las Cases utilise donc le renvoi pour imbriquer plus étroitement carte et texte et répond par là

même à ce qu’il déplorait dans sa préface : « On lit presque toujours un livre historique ou

géographique sans regarder la carte, ou [on] considère la carte sans aller chercher le livre »130.

Ces renvois se matérialisent différemment dans la planche, et même si c’est parfois

l’improvisation qui semble être de mise pour renvoyer d’un élément à l’autre – leur figuration

n’étant pas unifiée, il est possible de séparer d’abord le renvoi textuel du renvoi par la couleur

– qui nous intéresse dans la partie suivante. Dressons une rapide typologie de ces renvois

textuels appuyée par des exemples.

Le renvoi textuel est un procédé classique, utilisé à de multiples reprises dans l’ouvrage

il propose au lecteur le plus souvent de circuler d’une planche à l’autre de l’Atlas. Son usage

d’une carte a à une carte b peut déconcerter en ce qu’il implique un renvoi directement dans le

dessin de la carte a. On le trouve par exemple sur la carte d’Asie de la planche 31 qui propose

au lecteur désireux d’aller compléter les informations sur la Cinquième partie du monde

(l’Océanie) à l’aide de la Mappemonde : « Cinquième partie du monde. Voyez la

Mappemonde n°29 de l’Atlas » (voir la figure ci-dessous). On remarque ici que le renvoi peut

tout autant proposer une progression dans la suite de l’Atlas qu’un retour en arrière, l’ouvrage

129 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit, chapitre 4.

130 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, op. cit, exposé préliminaire.

46

n’étant pas destiné à une lecture d’une traite. Il évite ainsi les redites d’une carte à l’autre et

permet à ceux qui les ont dessiné (ce sont ici les mêmes graveurs) de proposer des cartes

variées, construites autour de différentes thématiques. C’est le cas pour l’Allemagne, qui voit

quatre planches dédiées à sa géographie dans l’édition complète de 1842 et qui propose en

planche 26 bis : « Pour beaucoup de détails géographiques, statistiques, etc. inutiles à

répéter ici (voyez l’Allemagne de la carte précédente n°26) ». D’idée d’un découpage

thématique des

cartes est ici

clairement

affirmée.

Alors qu’il était partie du dessin, mais positionné en marge de la carte, le renvoi textuel

peut aussi – plus rarement – être utilisé au cœur de la carte, collé à un figuré. Pour figurer le

mouvement de la campagne de Russie dans la planche 28, un long ruban jaune est tracé ; pour

éviter la redite de ce qui a longuement été traité plus tôt, Lesage renvoie : « voyez le récit au

tableau 30 bis ». Notons que le renvoi est ici de type carte vers texte, et plus précisément il

renvoie au texte que contient un tableau. La carte de l’Allemagne et ses duchés en planche 19

est particulièrement confuse dans sa surabondance textuelle. Elle abuse de ce procédé de

renvoie et redirige ses lecteurs vers six tableaux généalogiques différents : pour chaque duché,

une ligne de texte indique « voyez le tableau x ». La carte renvoie ainsi à la fois vers les

tableaux 15, 20, 23, 24, 25 et 27. Invitant au voyage, à la poursuite de la lecture dans l’Atlas,

le renvoi attise la curiosité : en planche 33 d’Amérique politique actuelle, est noté le titre

suivant : « Des voyageurs modernes qui ont exploré les Amériques (la trace de plusieurs se

trouve marquée sur la carte) », une telle remarque pousse le regard à s’aventurer sur la carte

pour y emprunter ces trajets.

Des nota bene (notés N.B.) sont aussi souvent l’occasion de renvoyer vers une autre

planche. Ils peuvent être situés dans la carte comme dans la carte d’Allemagne depuis le traité

de Westphalie n°21 où l’on trouve « qu’on peut voir n°XXVI ». Ils le sont aussi en marge de la

planche : en bas de la même planche 21, on trouve « pour son organisation actuelle [de

l’empire d’Allemagne], voyez le n°XXVI »). Ou encore dans les cartons-titres des tables

Figure 8 : Un renvoi à même la carte d'Asie Source : cliché personnel

47

généalogiques comme la planche 24, dont le carton indiquant maison royale de Saxe renvoie

vers les n°26 et 26 bis.

La présence d’un double renvoi invite à s’interroger sur l’intérêt d’un tel dispositif. En

planche 33 un sous-titre indique d’abord « Conquête du Pérou par François Pizarre, tracée sur

la carte » puis un trait de couleur rouge vient en plus souligner cet élément, renvoyant vers un

ruban rouge tracé sur la carte. Quelle différence d’usage distingue le renvoi textuel du renvoi

par la couleur ? Cette curiosité qu’est le double renvoi ne relève pas complètement de

l’anomalie. L’usage d’un texte pour renvoyer vers la carte – nous venons de le voir – est

courant ; en revanche, la couleur est ici utilisée en miroir à son utilisation dans la carte sous la

forme d’un ruban. Le texte vient ainsi former une sorte d’extension de la légende, perceptible

à l’œil grâce à son soulignage de couleur.

B. Une légende hors la carte : La couleur comme appui pour l’œil

L’utilisation de la couleur est d’importance dans l’Atlas. Loin d’être seulement une

amélioration esthétique, l’ouvrage a été pensé avec elle dans un but d’efficacité visuelle ; sans

elle il devient totalement incompréhensible et aride. La couleur, omniprésente, accompagne

l’œil en une sorte de renvoi. Nous l’avons vu, Las Cases a dès ses débuts londoniens tout un

atelier alloué à l’application des couleurs131. Opération entièrement manuelle et fastidieuse132,

elle entraîne un surcoût de 50 à 100% pour l’atlas. Les planches sont « lavées » une à une

selon les instructions de l’auteur, la qualité finale du travail résultant des capacités de

l’enlumineur ou de l’aquarelliste – elle est donc forcément inégale133.

La couleur est sur toutes les planches, mais ses usages ne se recoupent pas tous. Le

premier de ces usages est très proche du renvoi textuel. La circulation de la carte au texte et

du texte à la carte est le plus souvent rendue possible par une petite ligne de couleur qui vient

souligner le texte. Un peu à la manière d’un lien hypertexte de nos jours, il permet grâce à une

couleur commune aux deux éléments un appel immédiat d’un simple coup d’œil. Ce

dispositif, très simple à mettre en place est en fait au cœur de l’Atlas. Peu de cartes disposent

d’une légende à proprement parler, ou si elle existe, elle n’est que parcellaire. Plutôt que

d’étoffer cette légende allégée, Lesage propose une autre démarche en faisant directement

131 Voir l’esquisse biographique. 132 L’impression couleur et la chromolithographie ne se développent en France et en Allemagne que dans

les années 1820, à ce sujet, voir R.E. EHRENBERG et NATIONAL GEOGRAPHIC SOCIETY (U.S.), Mapping the world: an illustrated history of cartography, Washington, D.C., National Geographic, 2006, p. 140.

133 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.

48

appel au texte qu’il place en marge de ses cartes et en lui faisant jouer ce rôle de légende. La

couleur est donc tantôt un prolongement de la légende (une ligne de texte soulignée rappelle

un tracé sur la carte), tantôt son unique figuration. La lecture de la carte, parfois mal aisée

quand elle est étudiée seule, prend tout son sens dans le dialogue qu’elle entretient avec le

texte qui l’entoure, et que les couleurs permettent d’organiser. Manuel Schramm décrivait

sobrement son usage :

Colors were used to mark separate political or geographical entities, sometimes continents,

sometimes empires, countries or provinces. Colored lines were used to mark either boundaries

or movements, such as Hannibal’s campaign on the map of ancient Rome134.

Il est possible de prolonger les réflexions générales qu’ont formulé les différents travaux

sur l’Atlas Lesage en inventoriant et classant les usages de la couleur.

Qu’elle se trouve dans la planche (texte ou tableaux) ou sur la carte, la couleur est

appliquée de quatre façons différentes. Dans la carte en elle-même, elle peut : 1-souligner un

élément (ex : un toponyme), 2-tracer le contour d’une entité (ex : une région, un pays), 3-

emplir une entité de couleur par un aplat (ex : entité politique) ou encore 4-figurer le

mouvement par un ruban (ex : une campagne militaire). En dehors de la carte, elle n’est

utilisée que pour souligner – voire surligner – des mots, ou emplir des cases d’un tableau.

Ainsi la carte de l’Origine et formation des principaux Etats de l’Empire Germanique

(voir la figure page suiante) complète sa brève légende avec des observations, ces dernières

étant rappelées par un trait de la couleur adéquate. Cela permet par exemple de déduire

rapidement que le duché de Bavière fait partie des « Etats primitifs ».

La carte d’Asie fait ressortir des subdivisions géographiques par le tracé de leur contour,

subdivisions absentes d’une quelconque légende mais reportées dans des colonnes en bas à

gauche de la planche, et repérées à l’aide de soulignages aux couleurs correspondantes.

134 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.

49

Quatre couleurs distinctes

utilisées en aplat permettent de

diviser le continent africain en six

gigantesques régions distinctes (en

utilisant le blanc) reportées en un

tableau. Cinq rubans de couleur

s’aventurent depuis les côtes

jusqu’à l’intérieur des terres pour y

figurer les expéditions des

explorateurs qui sont, elles,

nommées en légende. Le tracé de

lignes – que Lesage appelle

« linéamens » – pour figurer des

campagnes ou expéditions est

présent sur beaucoup des cartes de

l’Atlas, il en résulte parfois des

cartes très brouillonnes

lorsqu’elles mélangent une trop

grande quantité de mobiles135.

Selon Goffart, Las Cases utilise ce

figuré plus librement et de manière

plus récurrente que ses prédécesseurs, les mettant particulièrement en avant136. Cette

remarque est confirmée par Black qui en fait le dispositif de prédilection de l’auteur : « his

favourite device was the gaudily coloured line, used to show campaigns »137.

Utilisée en aplat dans les cases d’un tableau, la couleur permet la réunion d’entités à

l’origine fragmentées. Ces dernières fusionnent par là même pour l’œil en un seul et même

espace. Cette action de réunion, en introduisant une continuité pour l’œil, formule

implicitement l’idée de filiation – ou de continuité ; particulièrement perceptible quand la

couleur est appliquée sur un diagramme chronologique. Ainsi dans le premier tableau de la

Géographie de l’histoire, seule la France conserve la couleur jaune de l’ancien Empire de

135 Voir comme exemple le plus éloquent la carte d’Angleterre en planche 14 de l’Atlas. 136 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 312. 137 J. BLACK, Maps and history, op. cit., p. 37.

Figure 9 : La carte d'Allemagne et ses renvois de couleur Source : cliché personnel

50

Charlemagne après son démembrement. La fragmentation de l’empire donne pourtant aussi

naissance au Royaume des deux Bourgognes, à l’Empire d’Allemagne et au royaume d’Italie,

mais la filiation logique que véhicule la couleur semble lier le vieil empire au royaume de

France.

Systématiquement utilisée dans les généalogies, la couleur est à même de mettre de

l’ordre dans des dispositions parfois complexes. Ce sont ainsi de grandes aires colorées qui

permettent de distinguer les différentes branches d’une même famille comme dans la Carte

généalogique générale de France (planche IX) qui sépare Capétiens, Valois, Bourbons et

Orléans. Lesage explique lui-même le procédé et la manière de le lire :

Ce tableau, sous quatre masses de couleurs, donne l’ensemble de la dynastie capétienne. La

diversité des couleurs présente les quatre branches royales successives des Capétiens directs,

Valois, Bourbons, et Orléans138.

La couleur, permet donc une meilleure transmission des informations par leur

organisation et ainsi une bonne mémorisation. C’est bien ce que recherche Lesage, dont

l’utilisation de la couleur parachève la pédagogie par la vue. Goffart commente :

« [Tables and maps] are color-coded by washes [lavis] and set out in such a way that location

on the page might facilitate memorization »139.

Enfin, selon les objectifs de l’auteur et surtout de l’éditeur, la couleur sert aussi à

obtenir un bel objet. Même s’il n’est pas aussi travaillé que certains atlas de l’époque, il est

certain que l’Atlas a aussi été conçu pour être esthétique. La couleur, tout en permettant de

faire ressortir un élément jugé important par l’auteur, ajoute ainsi de l’attrait à la planche.

Black, utilisant le terme de « map » au sens large – comprenant donc aussi les tables, écrit :

« The use of colour enhanced the appeal of maps »140. C’est par exemple le cas pour les

« observations sur le tableau » en marge de la Géographie de l’histoire, où les explications sur

la manière de lire le tableau général sont bordées d’un liseré rose.

138 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, Paris, Garnier Frères, 1842, Manière de se servir des tableaux.

139 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 308. 140 J. BLACK, Visions of the world: a history of maps, London, Mitchell Beazley, 2003.

51

Pour conclure, rappelons que l’usage de la couleur, en plus de rendre la planche plus

attractive, permet d’accroitre la densité d’informations qui peuvent y figurer. Elle permet de

démêler les fils d’un tableau complexe et transforme les « maps » en véritable système

explicatif [traduit de Black : « explanatory device »]141.

C. Vers une planche standardisée

Après avoir identifié ce qui permet de circuler dans la planche, puis ce qui en renforce

l’impact visuel, il est temps de reprendre de la hauteur en abordant l’économie de cette

planche. Par ce terme, nous désignerons la distribution des éléments qui la composent, les lois

qui la régissent, et l’harmonie générale qui peut être perçue de ce corps organisé. Il s’agit ici

d’essayer de tracer une généalogie de cette planche en en recherchant les héritages, puis d’en

dépasser la simple filiation en rendant compte de la tension qui enserre la planche à ses

différents niveaux par l’étude de sa transtextualité142. Enfin, nous mettrons en exergue la

formation rapide d’une planche standardisée qui confère son unité et sa physionomie si

reconnaissable à l’Atlas Lesage.

1. Les héritages

Nicolas Verdier rappelle en introduction à La carte avant les cartographes les

difficultés techniques à lier texte et image : « Le texte et l’image sont deux modes

d’expression qui, s’ils sont complémentaires, sont également concurrents dans le livre. »143.

Ils le sont d’abord par leurs procédés d’impression distincts. L’image est dans un premier

temps gravée en taille douce sur une plaque de cuivre, la matrice reçoit ensuite l’encre dans

ses creux pour subir horizontalement une impression, la feuille passant entre deux rouleaux.

Le texte est quant à lui imprimé à partir de lettres de plomb disposées dans un cadre en bois,

c’est leur relief qui – une fois la feuille pressée verticalement contre le plomb encré – marque

l’impression144. Ce sont d’ailleurs deux corps de métier distincts qui pratiquent ces

impressions. Dès lors, les concepteurs d’atlas sont peu nombreux à assembler carte et texte

sur une même planche et doivent bien souvent déconnecter l’un de l’autre. Lesage décide de

141 Ibid. 142 Analyse basée sur la poétique de Genette, théoricien de la littérature, voir à ce sujet : G. GENETTE,

Seuils, Paris, Editions du Seuil, 1987 (Poétique). 143 N. VERDIER, La carte avant les cartographes: l’avènement du régime cartographique en France au

XVIIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, introduction. 144 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit. ; N.

VERDIER, La carte avant les cartographes, op. cit.

52

passer outre cette difficulté au service d’une planche multi-médias et va notamment mêler

étroitement texte et cartes. A l’instar d’un Nicolas de Fer dans son Introduction à la

géographie145, ou d’un Henri Abraham Châtelain dans son Atlas historique éponyme146,

l’usage de l’espace de la planche est intensif (voir la planche ci-dessous). C’est avec Châtelain

que Lesage partage très largement l’économie de la planche, mais aussi la composition

générale de l’atlas. L’Atlas Châtelain

juxtapose ainsi cartes et textes

d’histoire, listes de dates et arbres

généalogiques ; logique que Las Cases reprend à son compte dans l’Atlas qui nous

intéresse147. Ainsi, « [The Atlas Châtelain] wanted to give an easily accessible synoptic view

of history. The originality of the atlas lays in the order and arrangement of material. »148.

145 N. DE FER, Introduction à la géographie, s.l., Danet, 1722. 146 H.A. CHATELAIN, Atlas historique, ou nouvelle introduction à l’histoire, à la chronologie & à la

géographie ancienne & moderne représentée dans de nouvelles cartes..., A Amsterdam, chez L’Honoré & Chatelain, 1714.

147 D. ROSENBERG, Cartographies of time, op. cit., p. 128. 148 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,

art. cit.

Figure 10 : Une planche de Châtelain, la ressemblance avec Lesage est troublante Source : Europeana

53

A la différence de Châtelain, qui ressent le besoin d’intercaler entre ses cartes de

longues « dissertations » sur les lieux qu’il évoque, la planche de Lesage se suffit à elle-

même. Moins fourni en lieux et en informations – l’Atlas Châtelain est autrement plus long,

l’Atlas de Lesage concentre le tout sur un même espace. Chez Châtelain, la mise en page

varie aussi en fonction des gravures que l’auteur y insère, la carte peut ainsi y être pleine

page, on peut aussi trouver plusieurs cartes et du texte, ou encore une carte, une gravure, et du

texte. Là où Lesage imite le plus son prédécesseur, c’est dans la mise en colonnes permanente

des informations. Se multiplient les encarts qui traitent chacun une information différente. La

planche ci-dessus qui montre la géographie des empires assyrien, perse, égyptien et chinois

expose par exemple pour chaque empire un abrégé chronologique des souverains et des

remarques historiques. Pour servir à l’intelligence de l’histoire, Las Cases sélectionne les

informations, il simplifie et rationnalise la planche, le tracé des cartes. Les arbres

généalogiques de Châtelain, véritables feuillus dont les branches sont dessinées et parcourent

toute la page ne sont plus que schématiques chez Lesage qui discipline au maximum le

parcours des branches – devenus de simples traits épais – à des fins de clarté.

N’arborant pas de couleur et effectuant moins de renvois textuels, la planche de

Châtelain est ainsi plus abrupte que celle de Lesage, peut-être moins féconde aussi dans les

itinéraires qu’elle propose. Elle introduit ou parachève les dissertations sur chaque pays que le

lecteur est invité à consulter. Les similitudes avec l’Atlas de Las Cases sont cependant trop

prononcées pour que ce dernier en ait ignoré l’existence, Châtelain représentait probablement

encore dans la jeunesse de Las Cases – malgré le demi-siècle que les séparaient – un ouvrage

de référence.

2. Transtextualité

L’étude des différents types de renvois nous a permis de montrer une articulation très

fine entre le texte, les cartes, et les tableaux dans la planche de Lesage. Dans sa juxtaposition

de moyens de communications, et leur mise en relation, l’étude de la transtextualité telle que

définie par Gérard Genette comme « tout ce qui met un texte en relation, manifeste ou secrète

[implicite] avec un autre texte »149 nous donne les bases des connexions réalisées dans la

planche de Lesage. Cet outil théorique semble particulièrement adapté à notre atlas en ce

qu’au sein d’une même planche chaque élément qui la compose peut potentiellement être lu

séparément du reste, composant en quelques sortes comme un texte à part entière. C’est le

149 G. GENETTE, Palimpsestes, Paris, Editions du Seuil, 1982 (Poétique).

54

renvoi, par le texte ou la couleur qui donne naissance à une transcendance textuelle, invite à

dépasser cette partie du tout composite et le mettre en relation avec d’autres fragments. Selon

la théorie genettienne, la carte ou les tableaux présents dans la planche peuvent être assimilés

à un paratexte, message scripto-visuel qui accompagne l’œuvre, entoure et prolonge le texte.

Cependant, l’atlas invite à dépasser cette notion en ce sens que chaque élément de la planche

peut être considéré comme paratexte de l’autre. De même, la couleur donne naissance à une

hypertextualité150, relation qui unit un texte b (hypertexte) à un texte a (hypotexte) –

l’hypertexte étant un texte dérivé de l’hypotexte après avoir subi une transformation, le tracé

d’une campagne sur la carte va par exemple être l’hypertexte de son récit relaté en marge.

3. Une planche qui se stabilise rapidement

De la réflexion générale que Lesage effectue sur la planche et ce que doit être son

organisation finit par émerger une page-type, sorte de format-standard que Lesage met au

point et qui lui sert de modèle pour la plupart des planches de son Atlas. Entre l’édition

anglaise de 1801 et son homologue français de 1802-1804, cette page se dessine. En simple

amateur éclairé, Lesage trouve rapidement une organisation cohérente, et surtout visuellement

acceptable. Il évite par exemple, de mettre le texte des colonnes dans un sens différent de

celui de la lecture de la carte et qui obligeait à tourner l’Atlas pour être lu. Les cartes, à

l’origine majoritairement placées en haut à gauche de la planche glissent vers le centre pour

former une péninsule entourée de texte151.

La carte, souvent maladroitement insérée dans la planche, obtient de facto une place de

choix, et c’est autour d’elle que vont être disposées les colonnes d’informations

supplémentaires. Celles-ci bénéficient dès lors d’une meilleure organisation152 qui ne bouge

ensuite que très peu dans les éditions. Chaque page se fige : « text hardly changes at all even

in the late printings »153, les rares évolutions ne consistent qu’en le déplacement de cadres

dans la page ou l’insertion d’un encart supplémentaire qui tasse encore un peu plus la

composition générale. Car une telle planche, qui parvient tantôt à présenter carte, informations

historiques, arbres généalogiques, tableaux chronologiques, en multipliant les colonnes,

cartons et notices est rapidement confrontée à la surcharge. Malgré quelques efforts de

150 Nous évoquions le lien hypertexte en II- B- pour tenter d’expliquer un sous-titre souligné de couleur et qui renvoyait à un tracé sur la carte.

151 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit, chapitre 5. 152 Pour citer Goffart « The page design of the Paris version is better ordered than the London one » dans

W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », art. cit. 153 Ibid.

55

hiérarchisation dans le texte et l’apport de la couleur, les colonnes sont surtout d’immenses

blocs dont les caractères rivalisent de petitesse.

Ceci permet de dire que si le projet multi-médias de l’Atlas en fait un objet novateur,

c’est cette caractéristique en fait aussi une de ses faiblesses. L’Atlas compile une somme

conséquente d’informations très diverses qui donne lieu au morcellement de la planche.

L’empilement de ces fragments déconnectés fait dire à Goffart que « ses colonnes de

caractères typographiques ressemblent au bric-à-brac qui remplit les colonnes de journaux »

154. Malgré l’usage de renvois et de la couleur, l’Atlas donne l’impression d’être un « agrégat

de particules manquant de cohérence »155. Néanmoins, sa nature de Geschichtsatlas fait de ce

morcellement une forme assumée, propre à transmettre par la profusion d’informations les

éléments importants d’une culture historique.

154 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 312. 155 Ibid.

56

Partie 2 : Le temps long de l'Atlas

IV. La carte au fil de l’Atlas et de ses éditions

Si l’existence du texte en parallèle de la carte montre bien que Las Cases ne veut pas

substituer l’image au texte ; celle-ci fournit une aide à ceux qui désirent apprendre et

enseigner avec l’Atlas. Au fil des éditions, les cartes sont les objets les plus mis à jour de

l’ouvrage156. Bien que plusieurs d’entre elles soient regravées sans connaitre de modification

importante durant le demi-siècle de vie de l’Atlas, certaines changent de trait, adoptent une

meilleure projection ou sont complétées par de nouvelles informations. D’autres encore font

leur apparition en cours de publication,. En analysant les cartes – individuellement et dans

leur succession, l’idée est d’en faire ressortir une vision du monde qui sous-tendrait l’Atlas,

d’y chercher une portée politique au travers des choix qui les précèdent. Pour traiter des cartes

de l’ouvrage et de leur évolution, l’importance du corpus qui s’offrait à nous a nécessité la

sélection de quelques unes d’entre elles qui répondaient à différents critères.

D’abord, le plus évident, celui d’avoir subi des changements. Mais aussi celui d’avoir

eu une durée de vie suffisamment longue pour pouvoir bénéficier de deux ou trois images

arrêtées aux différents stades de leur évolution – ceci écartant de fait les dernières cartes

parues (notamment celles des Etats-Unis). Notre choix s’est ainsi porté sur deux cartes, l’une

présente dès le début dans l’Atlas : la carte d’Afrique (pl. 32) ; et l’autre annoncée dans la

première édition française, mais vraisemblablement publiée en 1808 : la Mappemonde (pl.

29). De la première à la dernière édition de l’Atlas, ces cartes ont subi de très importantes

transformations.

Au-delà de la qualité d’impression qui varie d’un ouvrage à l’autre et selon le degré

d’usure des plaques de cuivre, les techniques ont évolué. De cartes réputées grossières –

Goffart parle de « roughness of the map outline, common to the entire Atlas », l’ouvrage est

passé à un dessin détaillé et une gravure fine, régulière, permise par le développement de la

technique de l’eau forte. Le graveur incise avec sa pointe non plus une plaque de cuivre mais

d’acier, recouverte d’un vernis à l’eau forte. Là où la pointe est passée, le métal mis à nu est

156 En prétendant le contraire, Goffart n’offre qu’une vision parcellaire de la production liée à l’Atlas et écrit « the quality of the map […] hardly changes at all even in the late printings » dans W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », Nottingham Medieval Studies, n° 32, 1988, pp. 49-64.

57

plongé dans une solution mordante comme un acide, pour en creuser le trait. Les tracés

obtenus sont plus fins et diversifiés, et permettent d’augmenter le nombre d’informations sur

la carte et la lisibilité de la nomenclature157. Ce sont plusieurs spécialistes qui se partagent la

tâche, d’abord la gravure des traits (le fond géographique), réalisée pour les premières

éditions par Kardt et pour les suivantes par Moisy ; puis celle de la lettre (l’écriture) dont

Hacq fait sa spécialité et auquel succède tardivement Bénard.

Afin de traiter au mieux chacune de ces deux cartes et dans un souci de lisibilité, nous

les détaillerons d’abord séparément. Puis en fin de partie nous rapprocherons les thématiques

qui leur sont communes et en élargirons l’analyse à d’autres cartes du corpus. Mais avant

toute chose, prenons d’abord une vue d’ensemble sur la succession des cartes dans l’Atlas158

et comment elles peuvent nous éclairer sur la vision du monde qu’il propose.

A. Voir et montrer le monde

Si « les cartes, mieux que les longs traités, nous disent comment les hommes voient le

monde et quelle place ils considèrent y occuper »159, étudier leur succession dans un atlas

permet d’évaluer le point de vue de son concepteur sur le monde qui l’entoure. A ce titre,

l’enchaînement des espaces traités dans l’Atlas situe le reste du monde par rapport à une

Europe aux racines anciennes et qui y occupe une place prépondérante ; selon une vision

résolument ethnocentriste.

L’atlas s’inscrit dans un premier temps dans la longue tradition datant des premiers atlas

historiques, en mêlant dans un premier temps geographia sacra (l’histoire sainte et

ecclésiastique) et geographia vetus (l’histoire des anciens empires). Leur position en début

d’atlas en fait un indispensable préliminaire à l’étude de l’histoire moderne, mais le fait que

seules quelques pages y soient consacrées montre bien qu’elles ne sont pas le cœur du

propos : « la place de l’Antiquité est réduite à la portion congrue »160. L’étude des atlas

historiques montre en effet à quel point l’Antiquité classique était centrale pour

157 Sur les techniques d’impression cartographique, voir C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., Paris, Albin Michel, 1992, chapitre 1.

158 Sera utilisé le plan de l’Atlas figé dans sa version définitive et telle que constaté dans l’édition complète de 1842.

159 C. HOFMANN, Artistes de la carte: de la Renaissance au XXIe siècle : l’explorateur, le stratège, le géographe, Paris, Autrement, 2012, préface de Sylvain Tesson.

160 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », Bibliothèque de l’école des chartes, n° 158, 2000, pp. 97 128.

l’enseignement européen, et comment elle a du progressivement se partager les planches avec

un contenu plus récent161. L’Atlas

perception de l’histoire, et la manifestation d’un intérêt croissant pour l’époque moderne.

L’évolution de son plan entre la première édition anglaise en 1801 et celle française de 1802

1804 transforme le motif original qui présentait d’abord une succession de pays européens,

puis les cartes de l’Antiquité classique jusqu’aux invasions barbares, et enfin les quatre parties

du monde. Après 1808, la publication devenant systématique, la disposition dé

l’Atlas est arrêtée : la partie antique se place

les pays européens occupent une position centrale, puis le reste du monde clôt ce plan

géographique à l’usage de l’histoire

Ce changement, plus adapté à la chronologie montre l’histoire depuis ses fondements

(l’Antiquité), jusqu’à ses nouvea

strictement chronologique, comme l’on pourrait s’y attendre de la part d’un atlas historique, il

découle plus de la situation géopolitique de l’Europe du début XIXe, articulant le cœur de

l’ouvrage autour des grandes puissances de l’époque (France, Angleterre, Italie, Espagne

Portugal, Allemagne, Russie et, plus tard, Etats

161 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate?Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne].

<http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15 avril 2015).

Figure 11 : La succession des espaces dans l'Atlas Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape

l’enseignement européen, et comment elle a du progressivement se partager les planches avec

Atlas s’insère dans ce processus qui montre une évolution de la

perception de l’histoire, et la manifestation d’un intérêt croissant pour l’époque moderne.

L’évolution de son plan entre la première édition anglaise en 1801 et celle française de 1802

orme le motif original qui présentait d’abord une succession de pays européens,

puis les cartes de l’Antiquité classique jusqu’aux invasions barbares, et enfin les quatre parties

du monde. Après 1808, la publication devenant systématique, la disposition dé

: la partie antique se place – cela nous paraît logique – en début d’ouvrage,

les pays européens occupent une position centrale, puis le reste du monde clôt ce plan

géographique à l’usage de l’histoire (voir en annexe le plan de l'Atlas).

Ce changement, plus adapté à la chronologie montre l’histoire depuis ses fondements

(l’Antiquité), jusqu’à ses nouveaux horizons (le monde). Mais l’ordre des cartes n’est pas

strictement chronologique, comme l’on pourrait s’y attendre de la part d’un atlas historique, il

découle plus de la situation géopolitique de l’Europe du début XIXe, articulant le cœur de

autour des grandes puissances de l’époque (France, Angleterre, Italie, Espagne

Portugal, Allemagne, Russie et, plus tard, Etats-Unis). Ainsi, la succession des planches dans

When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group vol. 9, 2007, [En ligne].

http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15

ession des espaces

Source : réalisé par l'auteur sous

58

l’enseignement européen, et comment elle a du progressivement se partager les planches avec

s’insère dans ce processus qui montre une évolution de la

perception de l’histoire, et la manifestation d’un intérêt croissant pour l’époque moderne.

L’évolution de son plan entre la première édition anglaise en 1801 et celle française de 1802-

orme le motif original qui présentait d’abord une succession de pays européens,

puis les cartes de l’Antiquité classique jusqu’aux invasions barbares, et enfin les quatre parties

du monde. Après 1808, la publication devenant systématique, la disposition définitive de

en début d’ouvrage,

les pays européens occupent une position centrale, puis le reste du monde clôt ce plan

Ce changement, plus adapté à la chronologie montre l’histoire depuis ses fondements

ux horizons (le monde). Mais l’ordre des cartes n’est pas

strictement chronologique, comme l’on pourrait s’y attendre de la part d’un atlas historique, il

découle plus de la situation géopolitique de l’Europe du début XIXe, articulant le cœur de

autour des grandes puissances de l’époque (France, Angleterre, Italie, Espagne-

Unis). Ainsi, la succession des planches dans

Humanities Research Group

http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15

59

l’Atlas épouse le schéma ci-dessus :

Même si, en découpant de cette manière le monde et en suivant l’évolution de ses

peuples et Etats, l’ouvrage de Lesage peut prétendre « servir à l’intelligence de l’histoire

universelle »162 ; celui-ci ne propose qu’un cadre géographique très classique comme trame de

fond à l’histoire du monde. La première table de l’Histoire universelle ancienne, se limite à

un espace très restreint allant de l’Europe, à l’Asie orientale en passant par le nord de

l’Afrique. Manuel Schramm écrit :

The geographical scope [cadre] of his table on ancient history was in fact limited to the

classical space of Europe, West Asia, North Africa (Egypt). Apart from a short discussion about

the beginnings of history, he did not mention ancient Chinese, Indian or American history163

.

De manière plus frappante encore, sa table d’histoire moderne se concentre

exclusivement sur le continent européen. La Géographie de l’histoire montre cette même

vision eurocentrique en présentant l’histoire de chaque pays européen depuis le Xe siècle,

occultant totalement les autres parties du monde. Pour Las Cases, un panorama général de

l’histoire européenne était suffisant pour un ouvrage a vocation d’enseignement général de

l’histoire. L’Europe est le seul continent qui lui semble nécessaire de traiter, n’accordant pas

ou très peu d’histoire aux autres parties du monde. Détail de poids, les tables généalogiques –

base de l’étude de l’histoire d’un pays selon la méthode de Lesage, n’existent pour aucune

dynastie non-européenne.

A contrario, la tendance à se focaliser sur l’histoire de l’occident s’accroît avec les

mises à jour de l’atlas et l’ajout de cartes. L’histoire, même très récente, vient y occuper de

plus en plus de place et détaille ainsi encore plus quelques pays qui polarisent l’attention.

C’est bien sûr l’Allemagne qui à partir de l’édition de 1829 inclut plus de cartes que tout autre

pays, notamment des cartes servant l’actualité au moment de leur conception et conservées

car jugées d’intérêt historique quelques années après. On trouve ainsi dans l’ordre :

162 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.

163 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », Center for European Studies, n° n°21, 2014, pp. p. 1 50.

60

-Une carte après le démembrement de l’Empire de Charlemagne jusqu’à Rodolphe de

Habsbourg et une carte sur l’origine et la formation des principaux Etats qui composaient

l’Empire germanique en planche 19.

-Une carte montrant l’état de l’Allemagne avant le traité de Westphalie, et une après en

planche 21.

-Une carte politique de l’Allemagne en 1803, et une en 1812 en planche 26.

-Une grande carte politique de la Confédération germanique après le Congrès de Vienne

en planche 26 bis.

La progression est la même – dans une moindre mesure – pour les cartes des Etats-Unis.

Absentes des premières éditions, elles sont au nombre de deux dans l’édition de 1842,

symbole d’un espace qui commence à compter aux yeux de l’Europe.

Suivant un plan largement géographique, l’Atlas historique de Lesage est basé sur une

division continent par continent (pour le monde) et pays par pays (dans l’Europe).

Résolument historique dans son contenu, que peut-il dire d’un continent comme l’Afrique

auquel il n’accorde pas d’histoire ?

B. L’Afrique, un « blanc de la carte » ou le « continent sans histoire »

La carte d’Afrique est une carte à l’échelle approximative 1:28 000 000e et aux

dimensions 32x30 cm (4 cm séparent chaque parallèle) dans sa version définitive164. D’un

tracé plutôt rapide et mal assuré pour la première édition anglaise, la carte s’est

progressivement faite plus précise. Déplacée au centre de la planche selon la disposition type

de Lesage, est s’est étoffée d’informations en tous genres et a gagné en scientificité. Elle reste

cependant une Afrique vue d’Europe, qui découvre et explore ce continent africain, puis se

l’approprie par sa mise en cartes.

[voir les deux cartes d'Afrique en annexe]

En ce qui concerne la partie topographique, la comparaison du tracé des côtes témoigne

d’une précision accrue, à la fois technique (gravure sur acier) et du fait du progrès des

164 Des mesures précises n’ayant pu être prises que sur l’édition de 1833, c’est systématiquement celle-ci qui servira à calculer les échelles. La distance du Caire au Cap est prise comme référence.

connaissances. Les atlas sont les moyens de diffuser ces connaissances en acquisition et d’en

fournir les images au plus grand nombre

d’un demi-siècle à un tracé de côtes conforme à ce que l’on connaît aujourd’hui.

Figure 12 : Le tracé de Madagascar en 1801 et en 1842Sources : Europeana et cliché personnel

De même, le tracé des montagnes évolue énormément. Dans les premières cartes, elles

barrent l’Afrique du nord au sud et d’est en ouest, ce qui n’est pas sans rappeler la théorie des

165 M. PASTOUREAU et F. bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque nationale, 1984

connaissances. Les atlas sont les moyens de diffuser ces connaissances en acquisition et d’en

fournir les images au plus grand nombre165. L’île de Madagascar passe par exemple en moins

siècle à un tracé de côtes conforme à ce que l’on connaît aujourd’hui.

Madagascar en 1801 et en 1842 Sources : Europeana et cliché personnel

De même, le tracé des montagnes évolue énormément. Dans les premières cartes, elles

barrent l’Afrique du nord au sud et d’est en ouest, ce qui n’est pas sans rappeler la théorie des

et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles): répertoire Bibliothèque nationale, 1984, préface de Monique Pelletier.

61

connaissances. Les atlas sont les moyens de diffuser ces connaissances en acquisition et d’en

par exemple en moins

siècle à un tracé de côtes conforme à ce que l’on connaît aujourd’hui.

De même, le tracé des montagnes évolue énormément. Dans les premières cartes, elles

barrent l’Afrique du nord au sud et d’est en ouest, ce qui n’est pas sans rappeler la théorie des

xviie siècles): répertoire , préface de Monique Pelletier.

62

montagnes de Philippe Buache au XVIIIe siècle qui les voit comme « charpente du Globe

terrestre »166. Ainsi, sur la carte de 1801, ces montagnes forment une ossature quasi continue

sur tout le continent. Cette théorie à la démarche naturaliste connait un immense succès à son

époque et reste longtemps présente dans l’imaginaire collectif167. Elle ne s’estompe que très

légèrement dans la dernière édition de la carte qui fait apparaître des trajets plus en adéquation

avec la réalité. Persistance de leur vision buachienne, ces chaînes de montagne, d’abord

représentées par alignement de taupinières, deviennent finalement très proches d’une colonne

vertébrale dans leur figuré. Celles-ci déterminent assez largement le partage du continent en

différentes aires, matérialisées par la couleur et décrites dans un tableau de la planche.

Dans toutes ses moutures, la carte laisse une place très importante au « blanc », espace

mal maîtrisé, qui laisse place à beaucoup de spéculations. Comblé par une chaîne

montagneuse dans un premier temps, cet espace est petit à petit assumé par l’auteur qui en fait

la part la plus importante du continent. Pour paraphraser Isabelle Laboulais-Lesage168, nous

pourrions dire que Lesage ne cherche plus réellement à « combler les blancs de la carte » :

l’auteur ne cherche pas à signifier une terra incognita par le recours aux représentations

allégoriques ou iconographiques – comme cela se pratiquait les siècles précédents, mais

utilise le blanchissement. Ce blanc invite à la connaissance, à l’exploration d’un monde qui

reste à découvrir. Il « donne une image concrète et spatialement délimitée d’un inconnu

géographique défini selon de nouvelles règles qui interdisent au cartographe de représenter ce

dont il connaît l’existence mais non la localisation »169. Ce que Las Cases ajoute dans ce

« blanc de la carte » et dans le texte de sa planche, c’est ainsi d’abord des remarques sur la

faiblesse des sources disponibles qui en rendent la cartographie difficile. A l’image d’un

Guillaume le Testu qui dès 1566 écrit « j’aime mieux la laisser imparfaite que d’ajouter à

cette carte un mensonge »170, Las Cases écrit : « Ici, dans l’intérieur, tout est ignorance ; les

géographes ne s’accordent ni sur les noms, ni sur les formes, ni sur les choses. » ou encore

dans un nota bene :

166 A ce sujet, voir L. LAGARDE, « Philippe Buache, ou le premier géographe français, 1700-1773 », Mappemonde, vol. 2, n° 87, s.d., pp. 26-30.

167 B. DEBARBIEUX, « La montagne: un objet géographique? », dans Les montagnes : discours et enjeux géographiques, Paris, SEDES, 2001.

168 I. LABOULAIS-LESAGE et UNIVERSITE MARC BLOCH (éds.), Combler les blancs de la carte: modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (XVIe-XXe siècle) ; [trois journées d’études ; elles ont été organisées en 2001 et 2002 par ... l’Equipe d’Accueil 3400 de l’Université de Marc Bloch (Strasbourg 2)], Strasbourg, Presses Univ. de Strasbourg, 2004 (Sciences de l’histoire).

169 Ibid. 170 Cité par C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op.

cit, chapitre 3.

63

Nous avons préféré y laisser beaucoup de place vide à la couvrir de traits fantastiques et de

noms hasardés. Reconnaitre ne pas savoir c’est être plus près de la vérité que de se nourrir

d’erreurs évidentes.

Ce qui fait dire à Jeremy Black : « Las Cases’s references to problems he faced with his

sources indicate his limitations and prejudices. »171. Dès lors, l’entreprise de comblement de

ces blancs passe alors par la réalisation d’expéditions, de voyages d’exploration172, et leur

représentation.

Plutôt que d’y situer des éléments incertains, Las Cases propose dans sa carte d’Afrique

tout une série de remarques tantôt d’ordre géographique, ethnographique ou historique et qui

viennent ponctuer les espaces vides. Espace perçu comme isolé et uniforme, l’Afrique serait

dépourvue des conditions de développement des autres peuples de la terre ; les populations

sont progressivement représentées comme archaïques tant sur le plan physique que moral. Les

courts textes gravés à même la carte parlent donc des « hordes de féroces Jagas », ou des

« hordes sauvages et féroces de l’intérieur ». En parallèle de ces remarques ethnographiques,

l’auteur utilise la géographie pour étoffer la description de certains espaces comme le Sahara,

grand désert poétiquement comparé à une mer qui sépare la « race maure de la race nègre ».

Décrivant lacs et fleuves, la climatologie est aussi un important centre d’intérêt, proposant par

exemple une météorologie d’Egypte au cours de l’année. Vue par le prisme européen n’a pas

d’histoire : « Africa was the most regrettable continent, the text explained ; not one of the

present peoples deserved attention. As for African history, he claimed that there was no

knowledge of either great events of great men. »173. Contrairement à l’Atlas Châtelain qui

proposait une histoire de l’Afrique – traitant des pharaons notamment, Lesage ne trace pour le

continent qu’une histoire de son exploration par les Européens.

Cette vision qui s’inscrit dans un processus de conquête et d’expansion coloniale a

complètement transformé la carte d’Afrique sur sa durée de vie. Cette dernière est passée du

statut de carte géographique « Africa with its geographical divisions » en 1801 ; à une feuille

171 J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 38.

172 J.-L. CHAPPEY, « Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), “Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (XVIIe - XXe siècle)” », Annales historiques de la Révolution française, vol. 340, n° 1, 2005, pp. 213-215.

173 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.

64

de route de son exploration par les Européens depuis le XVe siècle « L’Afrique actuelle, avec

les renseignements et découvertes obtenus par les derniers voyageurs » en 1842 ; un

glissement thématique on ne peut plus explicite. Elle a d’abord affiché les points de contacts

qu’ont eu les navigateurs avec ses côtes, pour finalement en matérialiser les trajets à l’aide

d’une « Ligne chronologique des progrès et découvertes des Européens autour de l’Afrique »,

bâtie comme une frise chronologique à même la carte (de 1420 à 1498). De même, le tracé

des explorations européennes s’est matérialisé par des rubans colorés qui pénètrent depuis la

côte jusque dans les terres. Pour Lesage, l’histoire de l’Afrique n’existe pas, l’Afrique est une

terre à découvrir et son histoire est celle de son exploration par les Européens. Leurs

possessions sur le continent sont d’ailleurs bien mises en valeur (comme celles d’Angleterre,

soulignées d’un trait jaune) et coïncident avec des remarques sur le commerce qui justifient

leur présence physique sur le continent ; ainsi que la nécessité d’en explorer encore les

richesses.

C. La Mappemonde ou le point de rencontre entre l’histoire et la géographie

La Mappemonde est une carte de 53,5x28cm au 1:67 500 000e dans sa version

définitive. Le globe terrestre y est représenté par une projection stéréographique, qui est une

projection cartographique azimutale. Son plan de projection est équatorial, l’équateur y forme

ainsi une ligne droite. La projection stéréographique est la plus ancienne connue, elle est

conforme – ne fausse donc pas les formes. Comme ici en vue équatoriale, les parallèles

forment des arcs de cercle incurvés en sens opposé de part et d’autre de l’équateur. La

déformation augmente à mesure qu’on s’éloigne du centre. Les méridiens et les latitudes sont

représentés par des arcs de cercles ou des droites.

(voir la Mappemonde en annexe)

Nommée Mappemonde historique, elle représente le globe terrestre divisé en deux

hémisphères. Originalement l’Amérique est sur l’hémisphère de gauche, l’Europe, l’Asie,

l’Afrique sont à droite ; séparant ainsi « ancien » et « nouveau » monde174 ; cette disposition

est inversée quelques années plus tard. Cette construction en deux hémisphères, utilisée pour

174 D. COSGROVE, « Mapping the world », dans Maps: finding our place in the world, Chicago London, the University of Chicago Press, 2007, pp. 65-117.

65

la première fois par le cartographe français Jean Rotz en 1542175, a été largement utilisée et

développée par les cartographes européens. Permettant de réduire les distorsions causées par

un planisphère, elle donne l’impression visuelle de saisir la Terre dans sa globalité. La

présence d’une Mappemonde dans un atlas permet ainsi de satisfaire le « désir de maîtrise

symbolique du monde, offert tout entier au regard »176.

Livrée à partir de 1808, la Mappemonde est la première carte à paraitre depuis l’édition

de 1802. Elle se place en première position des quatre parties du monde, et non en début

d’ouvrage comme le réalisent traditionnellement les atlas géographiques177. Dès 1808, son

apparence tranche avec les autres cartes de l’Atlas. Occupant les deux-tiers de la planche au

format grand in-folio, c’est d’abord la surabondance du texte qui étonne. Avant que la carte

d’Afrique ne connaisse cette mutation, c’est la Mappemonde qui décide d’éviter les vides,

blancs, les déséquilibres ; et de les combler de savoirs digressifs. Les continents sont

différenciés par un lavis de couleur et un cartouche en caractérise la race, les habitudes

alimentaires, et la religion (Les Européens sont quasiment tous blancs, mangent du pain et

sont chrétiens). En plus de ces rapides exposés, les grands océans se remplissent de textes –

parfois très longs et au contenu très largement géographique. Las Cases écrit dans la Manière

de se servir des tableaux :

Il n’est de carte géographique de l’Atlas qui n’emporte avec elle une foule de particularités

spéciales ; la mappemonde surtout est sans contredit ce qu’il y a de plus classique et de plus

complet en ce genre.

Dans une démarche scientifique Las Cases explique l’origine des sources qui ont servi à

réaliser sa mappemonde, conscient que « Dans un tableau géographique, on ne peut avoir le

mérite d’inventer ni de découvrir ; un peu plus ou moins d’exactitude, de discernement et de

goût, dans le choix des matériaux est tout ce que l’on peut prétendre ». Il explique donc dans

un court texte avoir suivi les contours de la mappemonde de Brué, qui lui a d’ailleurs

« fourn[i] quelques notions particulières pour l’exécution de [son] travail ». Andrien-Hubert

Brué (1786-1832), cartographe et voyageur a participé à des expéditions vers les mers du Sud

175 Ibid. 176 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit,

chapitre 1. 177 M. PASTOUREAU, « Les Atlas Imprimés en France avant 1700 », Imago Mundi, vol. 32, 1980, pp. 45-

72.

66

et la Nouvelle-Hollande178, et était donc réputé pour la qualité de ses renseignements. Il

dessinait lui-même ses cartes sur plaques de cuivre (procédé encryprototype), et les a publié

en un atlas universel régulièrement mis à jour179. Sa mappemonde est ce qui se fait de plus fin

dans la gravure et de mieux fourni en toponymes. Lesage en retire une grande partie des

toponymes pour permettre l’insertion du texte historico-géographique. De même, il y fait

représenter les découvertes récentes dans la mer polaire arctique et celle du New-Shetland180.

Ces ajouts rendus possibles au fil des éditions par l’adoption d’un caractère plus fin pour y

faire rentrer encore plus d’information, représentent un réel apport de Lesage à la

mappemonde de Brué.

Réalisons donc un inventaire classé de ce qui se trouve sur cette mappemonde – dans et

hors ses hémisphères.

Dans l’intérieur de la gravure, on trouve donc au milieu de chaque « partie du monde »

un cartouche blanc avec son caractère, sa proportion vis-à-vis du reste des terres émergées, sa

population. La totalité de la carte est parsemée de « nombre d’objets scientifiques ou

curieux », exposés géographiques parfois teintés d’histoire. Ils traitement pèle-mêle du

phénomène des vents alizés, de celui des moussons, de la Cinquième partie du monde, des

efforts des missionnaires européens ou de la durée des voyages autour du globe. Toutes ces

informations viennent faire écho au sujet principal de la carte que sont les voyages et

découvertes depuis le XVe siècle. Sur ses deux hémisphères, la mappemonde présente donc

en quelques lignes une grande partie des lieux qu’elle nomme. Imbriquant histoire et

géographie, Las Cases affirme : « il n’y a pas de points géographiques importans auxquels on

n’ait rattaché soigneusement l’histoire et la chronologie ». En cohérence avec la carte

d’Afrique à la fin de son cycle de vie, la mappemonde se focalise très largement sur les

découvertes récentes et les explorations à venir. Elle détaille par exemple dans un paragraphe

qui occupe toute la Nouvelle-Hollande ses conditions de découverte, sa population, sa faune,

et son histoire récente. Cette démarche témoigne d’une vision très moderne dans la

mappemonde de Lesage, celle d’une histoire du monde comme l’histoire des contacts entre

178 Qui désignait à l’époque l’Australie actuelle. 179 P. LASNON DE LA LARENAUDIERE, « Nécrologie de Adrien-Hubert Brué », Nouvelles annales des

Voyages et des sciences géographiques, 1832, pp. 160-161. 180 Aujourd’hui le continent Antarctique.

67

les différents continents181. Combinant histoire et géographie, il montre les découvertes

comme un effort conjoint des Européens – occultant complètement les navigateurs chinois et

arabes182.

S’ajoutent bien souvent, comme sur la carte d’Afrique, des considérations

ethnographiques imprégnées de la pensée raciale de l’époque. Aucune partie du monde

n’échappe à la théorie classificatrice qui mêle caractéristiques physiques et comportement.

Ainsi les « nouveaux zélandais sont de race polynésienne, braves, défians et

anthropophages » ; les Esquimaux sont une « race innocente, difforme et basanée, différente

des Américains » ; et la « population de l’Afrique semble décheoir en avançant vers le sud. Le

nègre est fort inférieur au maure, et le hottentot est fort au dessous du nègre ».

Mais la carte se poursuit hors les murs ; dans ses contours extérieurs, s’affichent les

remarques climatiques. Sont nommées, tracées et coloriées les diverses zones du globe

(tempérée, torride, tropicale…). Hors la carte, dans ses marges, des remarques plus proches

des sciences naturelles lui donnent un aspect plus rigoureux. En haut, entre les deux

hémisphères, ce sont les dimensions du globe, sa solidité, sa surface et sa circonférence qui

sont données. Sous les deux hémisphères, on compare les trois thermomètres de Réaumur,

Fahrenheit et centigrade. A la gauche, on retrouve la géographie en une échelle comparative

de la longueur des fleuves du globe. Sa réciproque – très centrée sur l’Europe – en compare

les hauteurs des montagnes sur la droite de la gravure.

Lesage a fait le choix, pour cette mappemonde, d’une surabondance d’informations qui

la rend à ses yeux source d’une inépuisable connaissance. Dans le Plan du tableau il dit :

« plus on parcourra [le tableau], plus on le découvrira ». C’est cette idée de rendre ses cartes

aussi inépuisables que ses tableaux – par le nombre d’allers-retours qu’on y effectue ou la

plongée dans le détail qui y est permise – qui guide les nouvelles gravures de toutes ses cartes.

Ainsi tour à tour ce sont la carte de Russie, celle d’Asie, d’Afrique, d’Amérique (toutes ses

cartes du « grand monde ») qui se couvrent de texte et mélangent géographie, histoire,

ethnographie et commerce.

181 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.

182 Las Cases les connaissait-ils seulement ?

68

Contrairement à ce qu’a pu noter Walter Goffart, les cartes de Lesage s’améliorent avec

le temps dans le dessin, s’enrichissent d’informations lorsqu’elles sont gravées de nouveau.

L’Atlas se détache des autres productions de cartes de son temps dans cette utilisation

intensive de l’espace (comme il le fait avec les planches) qu’il remplit de texte183. Tout

comme ce que l’on voit sur une carte excède les possibilités du langage, le texte est à l’inverse

un moyen de palier les manques de la sémiologie graphique184. L’écriture et le dessin sont

mêlés, montrant une complémentarité et une interaction permanentes. Christian Jacob a

montré l’oscillation de la carte entre deux extrêmes. D’un côté le texte-archipel, page écrite

morcelée en blocs de mots pour figurer des lieux ; de l’autre la carte écrite dans laquelle

l’écriture envahit les formes géographiques et où la carte se fait texte. Cet espace surchargé

d’information écrite est celui que désire Lesage pour ses cartes du monde. Impliquant une

« lecture fragmentaire et rapprochée, une consultation prolongée ou réitérée »185, ce type de

carte correspond au projet didactique de l’auteur. Une planche unique pour d’aussi grands

espaces lui impose de nourrir sa carte d’informations variées qui seront un premier jalon vers

la connaissance de ces mêmes espaces. Seul l’œil trace son itinéraire, établit la continuité dans

le récit en lui donnant un ordre. A chaque consultation, le chemin compose un récit différent,

ouvrant par cette carte-texte sur une « certaine forme d’infini, celui de la mémoire, de la

culture, de la bibliothèque »186.

Ces cartes ont d’ailleurs une grande portée encyclopédique, et prolongent ainsi la

tradition ortelienne ; celle-ci privilégie une grande synchronicité pour faire figurer un grand

nombre d’objets sur la carte. En adéquation avec les méthodes pédagogiques qui l’ont

précédé, Lesage répond par ses cartes à Lenglet du Fresnoy qui préconisait dans sa Méthode

pour étudier l’histoire en 1713 :

183 W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of Chicago Press, 2003, p. 308.

184 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit, chapitre 3.

185 Ibid., p. 249. 186 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit,

chapitre 3.

69

Il faudroit que chaque lieu que l’on trouve marqué dans le Livre & sur la Carte fut caractérisé,

soit par quelque point d’Histoire Naturelle ou d’Histoire Ecclésiastique ou Civile, soit par la

Commerce & par la nature du sol, ou par les mœurs des habitants187

L’association d’un fragment de texte et de savoir avec un lieu géographique devient

dispositif mnémotechnique et participe du bon apprentissage de l’histoire comme de la

géographie. La géographie est ainsi vue comme « fil conducteur mnémotechnique permettant

de relier le passé au présent »188, la carte supplée aux défaillances de la mémoire.

Enfin, les cartes de l’Atlas sont porteuses d’une certaine portée politique. Par là, on

constate l’émergence d’une conscience nationale dans les planches, qui touche un public

avant tout français, au courant de l’actualité de l’époque. A l’image des atlas allemands et

britanniques de l’époque qui participent du processus de formation de la conscience nationale

des deux pays, Lesage a une approche résolument orientée en faveur de son pays. Le danger

anglais est ainsi systématiquement pointé du doigt dans la carte d’Afrique comme la

Mappemonde. Ennemi ou menace, la carte d’Europe politique en 1826 affuble la Grande-

Bretagne du surnom de « dictator of the seas »189. Sa présence dans le monde est constamment

relevée à l’aide de soulignages jaunes et note : « Indoustan : près de 113 millions de sujets

anglais !!! », ou parlant de la Nouvelle-Hollande : « Les Anglais semblent aujourd’hui vouloir

s’approprier l’île entière » pour conclure ainsi sur l’impérialisme britannique : « telle est

l’Angleterre et sa manière de faire ».

La portée nationale de l’atlas se ressent aussi dans la carte montrant la formation

progressive du territoire français (planche XII) qui n'est pas sans rappeler Pierre Duval qui

réalisait dès 1658 un atlas entier traitant de l'évolution du territoire français : Les Acquisitions

de la France par la Paix. On retrouve chez Lesage l'idée générale de formation graduelle du

territoire, un code couleur différencie chaque province selon la manière dont elle a été réunie

au territoire : par conquête, par héritage, par traité ou mariage. Bien que figurent les limites du

territoire français telles que fixées par le Traité de Paris après 1814-15, Las Cases y conserve

les départements français napoléoniens acquis jusqu'en 1810 – des villes hanséatiques

jusqu'aux Etats romains. Cet attachement à l'ancienne gloire napoléonienne tient aussi de la

187 Cité par N. VERDIER, La carte avant les cartographes: l’avènement du régime cartographique en France au XVIIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, chapitre 5.

188 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit. 189 J. BLACK, Maps and history, op. cit., p. 38.

70

promotion nationale. Et il est peu de constater son omniprésence au sein de l'Atlas. Dans la

version définitive de l'Atlas restent représentées l'avancée et les campagnes réalisées sous

l'Empire et figées dans des cartes où le temps s'est arrêté après Napoléon. La carte d'Italie

montre les campagnes de Bonaparte de 1796 et 1800 et les relate dans le texte, l'avant-

dernière planche d'Allemagne (XXVI) trace la campagne d'Austerlitz et celle contre la Prusse

en 1807 avec un texte qui les détaille largement, enfin la dernière planche d'Allemagne

(XXVI bis) relate le retour de Russie et le congrès de Vienne. Sur la carte de Russie, une

bande de couleur figure le trajet depuis Paris jusqu'à Moscou réalisé par la Grande Armée

avec la mesure en jours de son parcours. La planche de l'Europe politique (XXX),

volontairement figée en 1814, montre la gigantesque extension de l'Empire français lorsqu'il

était à son apogée. Enfin, sur la Mappemonde comme sur la carte d''Afrique est représentée

surdimensionnée l'Ile de Sainte-Hélène « immortalisée par un cercueil » et symbolisée par une

Légion d'honneur. Le monde est donc bien vu dans l’Atlas depuis l’Europe, mais un second

prisme franco-français qui narre un roman national s’ajoute à cette vision, participant du

développement d’un imaginaire national tel que l’a défini Anderson190.

Las Cases réalise un ouvrage en phase avec les préoccupations de son temps, ce qui est

certainement une des raisons de son succès sans précédent dans l’histoire des atlas

historiques.

190 B. ANDERSON, L’imaginaire national : réflexions sur les origines et l’essor du nationalisme, Paris, La découverte, 1996.

Un imaginaire national pour lequel le développement de l’imprimé participe pleinement de l’essor.

71

V. Du succès aux héritiers

Tous les commentateurs de l’Atlas s’accordent sur un point, le succès phénoménal qu’a

connu l’Atlas dès ses premières éditions : « It was one of the most succesful atlases of the

age »191 écrit Jeremy Black. Malgré ses omissions, ses erreurs élémentaires et ses cartes

parfois rudimentaires, l’Atlas Lesage a trouvé un public, venant se ranger dans la catégorie

des « competitively priced and mass-produced maps » selon la typologie de Diane Dillon192.

Considéré comme fondateur pour les atlas historiques, son immense tirage en fait un objet

normatif : « A normative pattern for the historical atlas was set in the first half of the

nineteenth century, as works were reprinted in several different countries. The most important

atlas initially was the Genealogical, Chronological, Historical and Geographical Atlas. »193.

Las Cases a agi avec son atlas comme l’avait fait Ortelius en son temps pour le Theatrum

Orbis Terrarum, répondant à la demande pour des cartes à jour et pratiques à étudier. Acquis

par de grandes personnalités de son temps, l’ouvrage a rapidement été traduit dans tous les

idiomes ouest-européens194.

Un atlas requiert de son maître d’œuvre un programme échelonné sur plusieurs années

et une solide assise financière que Las Cases ne possédait pas. Il a ainsi fait appel à des

souscripteurs pour mettre en branle son projet d’atlas, dont il a plus tard recueilli les

bénéfices. Un atlas est un produit qui se vend bien, élaboré en collaboration avec un éditeur, il

permet d’écouler plus de planches que la vente à la pièce. Petite collections à lui tout seul, il

est attrayant pour l’acheteur qui a l’impression d’acquérir en une fois la quintessence du

savoir géographique195.

L’idée directrice de ce chapitre est d’évaluer l’impact qu’à eu Lesage sur son temps, et

sur la production des atlas qui l’ont suivi. Figure d’un renouveau, il a nécessairement

influencé les productions ultérieures, nous tenterons donc d’en tracer la descendance directe

en dressant la liste des travaux qui s’en réclament. Avant toute chose, tentons d’expliquer les

191 J. BLACK, Visions of the world: a history of maps, London, Mitchell Beazley, 2003. 192 D. DILLON, « Consuming Maps », dans Maps: finding our place in the world, Chicago London, the

University of Chicago Press, 2007. 193 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », Orbis, vol. 47, n° 2, 2003, pp. 277 293. 194 Karrow cité par D. DILLON, « Consuming Maps », art. cit. 195 M. PASTOUREAU et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles): répertoire

bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque nationale, 1984, introduction.

72

raisons du succès de cette production, parcourons-en les critiques contemporaines et

détaillons les rééditions qui ont fait la renommée de l’Atlas Lesage.

A. Un succès commercial et public précoce

« Another milestone was passed at the opening of the nineteenth century when an

historical atlas actually became a commercial success »196 écrit Walter Goffart, montrant

l’Atlas Lesage comme moment marquant du début du siècle. Les compte-rendus des

contemporains de Lesage corroborent cette vision d’un succès immédiat et large197. Pour

Goffart, « Las Cases hit the jackpot. His atlas was a best-seller in England and France, and

later in Italy, Germany and even America ». Difficile d’expliquer les raisons de ce succès,

d’autant plus que d’autres productions de qualité existent à l’époque. Goffart tente de

l’expliquer par l’arrivée du Lesage sur le marché à un moment opportun. Après les troubles

révolutionnaires, le public qui s’intéressait surtout aux cartes classiques et bibliques aurait

selon l’auteur demandé des cartes de l’Ancien régime, et par conséquent de l’époque

médiévale et moderne. Si cette analyse semble un peu rapide, il est vrai que Lesage semble de

plus en plus répondre à une demande pour des cartes d’actualité. Au fur et à mesure de sa

production, il ne publie que des cartes imprégnées des dernières découvertes ou explorations,

et s’intéresse par exemple aux Etats-Unis d’Amérique. Il nous semble que c’est aussi l’aspect

spécialisé de l’ouvrage qui en a fait son succès. Son côté vulgarisateur l’a positionné en marge

des travaux réalisés par des érudits et destinés à un public lettré, sa méthode très instinctive le

rendant facilement accessible.

De plus, l’habileté entrepreneuriale de Las Cases l’a amené à faire de son pseudonyme

de Lesage comme une marque déposée (« a trademark »198). Il a d’abord mobilisé son réseau

londonien pour créer l’Atlas et lui trouver des souscripteurs, puis celui de Paris pour

renouveler l’expérience avec une seconde édition. Avec une campagne proche de ce que l’on

nommerait aujourd’hui lobbying, il a bénéficié de larges échos dans la presse, diffusé des

tracts publicitaires et ainsi fait de son atlas avant même sa parution française un objet à avoir.

Son adoption très tôt par le Ministère de l’Intérieur pour l’usage des lycées et par les

196 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne].

<http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15 avril 2015).

197 Allgemeine Literatur-Zeitung, vol. 4, n° 346, décembre 1804, p. 522. 198 W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of

Chicago Press, 2003, chapitre 5.

73

Relations extérieures pour l’usage des légations a aussi très largement participé de la

renommée de l’ouvrage. Las Cases s’est d’ailleurs largement servi de cette publicité gratuite

dans ses préfaces aux diverses éditions de l’Atlas qui recensent toutes les lettres officielles qui

en recommandent l’usage. L’Atlas élémentaire est dans cette utilisation une démonstration de

force, dressant la liste de tous ceux qui l’ont recommandé et renvoyant à des extraits de

lettres. Son ainsi cités le conseiller d’état chargé de la direction de l’Instruction publique l’an

XII (Fourcroy), le ministre des relations extérieures la même année (Talleyrand), Napoléon

Bonaparte, le ministre de l’instruction publique en 1831 (Barthe)199. Ce label, Lesage l’a

exploité à travers ses déclinaisons de l’Atlas qui ne portaient pas son véritable nom mais

gardaient son pseudonyme longtemps après qu’il eut été éventé.

Le nom de Lesage est devenu synonyme de succès. Symbole de l’ouvrage populaire, il a

été porté par les talents de vulgarisateur de son auteur (Goffart le qualifie de « talented

popularizer »200). Sa distribution a été exceptionnellement large du fait de l’absence de

concurrence pendant les vingt premières années d’exploitations de l’Atlas. Il a ainsi ouvert la

voie au commerce de masse des atlas historiques et en a lancé la publication à échelle

industrielle, épaulée plus tard par l’apparition de la technique lithographique.

B. Les critiques en France et à l’étranger

Malgré un succès immédiat, Lesage a aussi rapidement connu les critiques. Emanant des

milieux érudits en France et à l’étranger – en Allemagne, elles n’ont pas fait fléchir les ventes

d’un ouvrage qui n’était pas destiné au public académique.

Les critiques de l’Atlas sont nombreuses et toutes plus ou moins acerbes, elles émaillent

les vingt premières années qui suivent la publication de sa première édition201. Si certaines

sont plus anecdotiques, comme l’historien Dacier qui reproche surtout à l’ouvrage son

caractère commercial202, ou Brion de la Tour « doyen des géographes » qui prétend que le

nom d’Atlas historique ne peut être utilisé que pour les voyages de découvertes203 ; d’autres

199 E. LAS CASES, Atlas élémentaire, géographique, historique, chronologique et généalogique : ou choix des dix cartes les plus classiques du grand atlas de A. Lesage (comte de Las Cases), a l’usage des collèges et maisons d’éducation pour l’instruction de la jeunesse., Paris, L. Hachette, 1831.

200 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit. 201 D’après la préface de l’édition allemande de 1825. 202 Il le qualifie de « compilation mercantile » en 1808. 203 L. BRION DE LA TOUR, Observations curieuses et utiles avant ou après l’acquisition de l’atlas

historique de M. Le Sage, par L. Brion de La Tour, doyen des géographes..., s.l., chez les marchands de nouveautés (Paris), 1809, p. 4, [En ligne]. <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k840267x>. (Consulté le 25 avril 2015).

74

auteurs formulent des remarques plus instructives. Ces premières critiques « de principe »,

s’attachent largement à reprocher à l’auteur son succès, De la Tour écrit ainsi : « plus un

ouvrage est répandu et vanté, plus il mérite les honneurs de la critique ». Ils lui reprochent, en

somme, son contenu vulgarisateur.

Les critiques les plus récurrentes émanent donc de spécialistes de l’histoire qui

défendent leur pré carré. En France, c’est Viton de Saint-Allais, un spécialiste – plus ou moins

autoproclamé – de la généalogie, qui publie en 1810-11 Le Correcteur de l’Atlas

généalogique de Le Sage204. Ne mâchant pas ses mots, il attaque ce qu’il considère comme

« de tous les livres de généalogie, de chronologie et d’histoire, le plus fautif, le plus incorrect,

et surtout le plus dangereux à consulter ». Accusant d’abord l’ouvrage de la même manière

que le font Dacier et Brion, il le qualifie d’une formule bien sentie de « livre dans lequel les

oisifs du monde vont encore tous les jours chercher leur science sans se déranger de leurs

plaisirs ». Se faisant ensuite un devoir d’ « éclairer le public sur les erreurs graves et

multiples dont il fourmille », il passe une vingtaine de pages à énumérer une à une les erreurs

qu’il a relevées dans les tableaux chronologiques. Il reproche entre autres à Lesage d’avoir

sacrifié dans ses tableaux des personnages de première importance par unique souci d’espace.

Selon lui, « L’Atlas de Lesage ne peut être corrigé qu’en le refondant tout à fait, et en

employant, pour le rectifier, d’autres matériaux que ceux sur lesquels il est établi. », sous-

entendues les généalogies établies par lui-même. Le ton très polémique de l’auteur dans sa

critique vis-à-vis de Lesage et de ses sources, lui permet ainsi de légitimer son propre travail

sur les maisons d’Europe. Il a en effet publié quelques années avant sous le nom de V***

l’Histoire généalogique des Maisons souveraines d’Europe. Viton s’attaque de nouveau à

l’ouvrage qui le concurrence en 1813, aidé d’un certain Saint-Victor en organisant une

campagne de dénigrement dans les journaux au moment où paraît une nouvelle édition de

l’Atlas.

En Allemagne, la critique se fait plus constructive et dénote d’une querelle de fond

concernant la forme que doivent prendre les atlas historiques. Déjà abordée en premier

chapitre de notre étude, cette critique se focalise sur les cartes historiques que les Allemands

ne conçoivent alors que s’enchainant dans un ordre chronologique, selon un format

séquentiel. Goffart cite un commentateur allemand de l’Atlas : « un atlas historique doit

fournir de nombreuses cartes topographiques et elles doivent se suivre dans une ordre

204 VITON DE SAINT ALLAIS, Le Correcteur de l’atlas généalogique de Lesage, Paris, 1811.

75

chronologique, pour présenter à l’œil les changements progressifs de la course du temps ». De

même, le commentateur de l’Allgemeine Literatur-Zeitung reproche à Lesage de n’offrir que

des fragments d’histoire et aurait aimé pouvoir « tracer la course de l’histoire du monde dans

sa continuité ». Ce format que des cartographes travaillant en France ont aussi adopté –

comme le contemporain Rizzi Zannoni – se doit d’être la règle, sans quoi ce qui y dérogent

feraient mieux de laisser l’histoire aux Allemands205. Un contemporain écrit, moins critique

mais avec une pointe d’étonnement :

Lesage believes that a historical has to be organized in the way our geographical atlases are

generally organized : 1st a map of the globe, 2nd Europe with individual maps of the individual

states and their provinces, 3rd the remaining of the world206.

Ces critiques, plus ou moins violentes, et plus ou moins fondées ne restent pas sans

suite, les éditeurs de l’Atlas qui se succèdent se font dans les différentes éditions un devoir de

leur répondre et de corriger les erreurs typographiques – nombreuses il est vrai pour la

première édition, ou plus rarement les erreurs de fond. Ces remarques n’ont pas empêché

l’Atlas de connaître une durée de vie hors du commun, étant distribué sans discontinuer de

1801 à 1853.

C. Rééditions et déclinaisons de l’Atlas

Une des plus grandes difficultés de notre recherche a été d’établir le catalogue le plus

exhaustif possible des différentes éditions de l’Atlas historique, généalogique, chronologique

et géographique. D’abord considéré comme point de départ de toute recherche, ce catalogue

n’a pu réellement être établi qu’en fin de parcours, après avoir croisé les sources de tous ceux

qui ont travaillé sur Las Cases-Lesage, consulté les ouvrages des bibliothèques parisiennes,

mais surtout interrogé les ressources en ligne de bibliothèques du monde entier. Il a permis de

déterminer le cycle de vie complet de l’Atlas – cinquante ans, d’étudier dans quelle mesure il

s’est répandu dans les autres pays du monde, et par là même de mesurer son impact sur la

production ultérieure.

205 Je paraphrase ici un auteur de l’Allgemeine geographische Ephemeriden, cité par Goffart. 206 Une nouvelle fois cité par W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit.

76

L’Atlas Lesage a connu des évolutions au sein de ses éditions, qui se sont enrichies au

fil du temps, bénéficiant de mises à jour régulières – qui finissent même par être effectuées

tout les ans à son apogée – permises par l’achat de feuillets additionnels. La demande est

restée forte pour cet ouvrage qui s’est rapidement décliné en éditions populaires, utilisant un

papier de moindre qualité et baissant son prix. Les années 1830 voient paraître des éditions

abrégées, au format plus compact, particulièrement destinées à la jeunesse. Celles-ci se

composent de planches extraites de ce que Lesage nomme dorénavant le Grand Atlas et qu’il

distingue de l’Atlas élémentaire que sont les dix cartes et tableaux jugés « classiques » de

l’Atlas ; et du Manuel composé de quatre de ses tables. L’objectif est alors d’élargir encore le

public par ces éditions accessibles et recommandées pour la jeunesse. Las Cases désire faire

de son atlas le compagnon de route de l’écolier, que chaque écolier ait son Lesage, à l’image

de l’expression du XVIIe « avoir son Duval »207. Ces éditions au succès pourtant important

sont aujourd’hui plus difficilement trouvables en bibliothèque que leurs cousins au format

grand in-folio. Leur petite taille, leur papier de basse qualité, et le fait qu’ils soient

entièrement extraits du Grand Atlas n’aidant probablement pas à leur conservation. Ainsi Las

Cases s’est une nouvelle fois comporté commercialement avec son Atlas comme Ortelius

l’avait fait en son temps. Sa publication régulière et ses mises à jour fréquentes en ont soutenu

l’intérêt du public. Des déclinaisons en formats plus maniables lui ont permis d’élargir sa

clientèle et de faire de son atlas une publication marquante du premier XIXe siècle.

Travaillant à l’exploitation commerciale de son œuvre, Las Cases collabore avec des

éditeurs de toute l’Europe qui lui permettent de distribuer son atlas dans toute l’Europe. Après

une première édition pirate florentine en 1806208, largement diffusée en Italie, des éditions

légales et traduites voient le jour :

- Une édition russe en 1809,

- Une nouvelle édition italienne en 1813 qui corrige la mauvaise traduction de

l’édition pirate de 1806.

- Une édition anglaise en 1813, mise à jour par Mme Coindé, dame de la noblesse

française, amie de Las Cases installée à Londres.

- Une édition espagnole en 1826, éditée à Paris.

- Une édition allemande de 1825 à 1831.

207 Je tiens cette expression de mon collègue Geoffrey Phelippot, en master 1 à Paris-IV. 208 Distribuée au prix de 135 paoli d’argent florentins, soit à peine la moitié du prix français.

77

Une fois déconnectées du flux français de parution des éditions, ces publications

acquièrent une existence propre, en marge de celle de l’ouvrage en France. Les éditeurs qui en

achètent les droits pour l’étranger sont nombreux à apporter des modifications à l’Atlas, à

l’enrichir en proposant des augmentations. Permettant de s’adapter au public du pays, les

augmentations sont quasi systématiques. L’édition espagnole de l’Atlas209 est ainsi annoncée

comme corrigée et augmentée par un hispano-américain. En plus d’une traduction intégrale de

l’Atlas et de ses cartes, sont ajoutées quatre planches uniquement composées de texte et qui

présentent un à un les pays d’Amérique du nord, puis du sud.

Ces éditions et traductions étrangères permettent de relayer l’ouvrage de Lesage dans de

nombreux pays, ce dernier donne naissance par là même à un courant de productions dans

lequel viennent se nicher de nombreuses œuvres.

D. Vers une diffusion de la « méthode Lesage » ?

« The Atlas Lesage fathered a numerous progeny in direct and collateral lines »210,

l’Atlas Lesage, novateur dans son plan et la physionomie de sa planche, a nécessairement

influencé les productions ultérieures. Passons donc en revue la foule de ceux qui se réclament

de Lesage et annoncent dans le titre de leur ouvrage « sur le plan de Lesage » ou « d’après la

méthode de Lesage ». Il est possible de classer ces héritiers en trois grands mouvements qui

représentent des degrés d’appropriation de Lesage par ces auteurs : ceux qui le reprennent tel

quel dans leurs travaux, ceux qui réalisent des atlas selon le même modèle, et ceux qui

mettent au point des tableaux synoptiques de même nature que lui211. Ces auteurs sont

largement

Tout d’abord donc, le succès de Lesage est exploité dans des publications variées qui

utilisent ses travaux. La plupart du temps des compilations ou rééditions, l’apport de l’auteur

en dehors du collage qu’il réalise est assez faible. Ainsi Lowth réalise un atlas, appuyé par la

trame historique du Lesage212. Simencourt compile plusieurs atlas (Malte-Brun, d’Anville,

209 E. LAS CASES, Atlas histórico, genealógico, cronológico, geográfico, etc., de Lesage. Escrito por el Conde de Las Casas, traducido, corregido y auméntado por un Espanol Americano, Paris, Libreria hispano-francesa de Bossange Padre, 1826.

210 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 307. 211 Se référer aux sources classées en bibliographie. 212 H. LOWTH et E. LAS CASES, A concise historical, biographical and genealogical school atlas : of the

principal events in the histories of England, France, Spain, Portugal, Germany, and Italy ; also, the celebrated European treaties, painters &c., Londres, Simpkin, Marshall, 1852.

78

Lesage…) pour aboutir à un atlas universel en quarante-sept cartes213. De même, Arthus-

Bertrand réédite l’histoire d’Angleterre de David Hume et choisit de l’ « éclaircir » par les

tableaux généalogiques de Lesage ainsi que par sa carte d’Angleterre214. Ces auteurs ou

éditeurs ne sont donc que compilateurs, mais d’autres sont descendants directs de Lesage.

Nombreux sont ceux qui ont été séduits par le plan de Lesage et sa manière de traiter

ensemble histoire, généalogie, chronologie et géographie. Le tout premier est Lavoisne qui

reprend à compte l’Atlas de Lesage dans une édition augmentée et modifiée mais non

autorisée215. Cet ouvrage a connu le succès, si bien qu’aujourd’hui certains chercheurs

étourdis confondent Lavoisne et Lesage216. Ce n’est donc pas directement l’Atlas Lesage mais

ce Lavoisne qui s’est exporté aux Etats-Unis pour être publié à Philadelphie en 1820217. De là,

il donne l’idée à Henry Charles Carey & Isaac Lea de compiler un atlas historique portant sur

les Etats-Unis à la manière de Lesage218, et qui devient un best-seller dans le pays. La boucle

se termine lorsque le français Buchon traduit l’ouvrage de Carey & Lea et le publie en

France219. Une autre œuvre de perpétuation des travaux de Las Cases est apparue en Espagne

avec un atlas historique, statistique et géographique créé par un certain Elias220. Enfin, un

213 A.-H. de SIMENCOURT, Atlas universel complet de géographie ancienne et moderne conformément à l’état physique, politique et historique actuel du globe... contenant 47 cartes... d’après d’Anville, Arrowsmith, Guthrie, Maltebrun, Lesage, Lapie, Brné..., Paris, H. Langlois fils, 1830.

214 D. HUME, Histoire d’Angleterre, par David Hume, éclaircie par des tableaux généalogiques coloriés, et par une carte géographique, tirés de l’Atlas historique de Lesage., Paris : Impr. de Lebègue, chez Arthus-Bertrand, Pigoreau, Corbet, Roret, 1822.

215 C.V. LAVOISNE et C. GROS, A New Genealogical, Historical, and Chronological Atlas... complete in thirty-six maps, Londres, 1807.

216 V. LARCHER, Dalla mappa alla politica : l’atlante storico tedesco e italiano tra geopolitica e Zeitgeist. [Magistrali biennali], Padoue, Università degli Studi di Padova, 2014.

217 C.V. LAVOISNE, A complete genealogical, historical, chronological and geographical atlas being a general guide to history, both ancient and modern, exhibiting an accurate account of the origin, descent and marriages of all the royal families from the beginning of the world: together with the various possessions, foreign wars, battles of renown and remarkable events, to the battle of Waterloo and general peace of 1815, Philadelphie, M. Carey and Son, 1820, [En ligne].

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218 H.C. CAREY et I. LEA, A complete historical, chronological, and geographical American atlas, being a guide to the history of North and South America, and the West Indies: exhibiting an accurate account of the discovery, settlement, and progress of their various kingdoms, states, provinces, &c.; together with the wars, celebrated battles, and remarkable events, to the year 1822. According to the plan of Le Sage’s atlas and intended as a companion to Lavoisne’s improvement of the celebrated work., Philadelphia, Henry Charles Carey & Isaac Lea, 1822.

219 J.A.C. BUCHON, Atlas géographique, statistique, historique et chronologique des deux Amériques et des îles adjacentes : traduit de l’atlas exécuté en Amérique d’après Lesage, avec de nombreuses corrections et augmentations, Paris, A la librairie de J. Carez, e̓diteur, Rue Haute Feuille, No. 18. Chez Verière, Quai des Augustins, No. 25. Chez Bossange, père, Rue de Richelieu, No. 60, 1825, [En ligne]. <http://www.europeana.eu/portal/record/9200376/BibliographicResource_3000100297904.html>. .

220 J.A. ELIAS, Atlas Geográfico, Histórico y Estadístico de España y sus Posesiones de Ultramar, por Dn J.A. Elias, compuesto de 40 Mapas geográficos iluminados y 80 Cuadros sinopticos segun el metodo del Atlas

79

certain Elton s’est inspiré de la carte des invasions barbares de Lesage pour réaliser sa

Migration of the Barbarians en 1825221.

Les derniers héritiers de Lesage se sont inspirés de sa manière de classer les

informations en reprenant à leur compte les tableaux synoptiques, et les appliquant aux sujets

les plus variés. Il y eut Huber-Saladin, et son tableau chronologique de l’histoire de la

Confédération suisse, pensé comme un complément direct à l’Atlas de Lesage222. Recavin

applique quant à lui la méthode de classification de Lesage à l’histoire ancienne223. Plus

original dans les sujets qu’il traite, Adrien Jarry de Mancy est l’auteur de tableaux « à la

Lesage » le plus prolixe. Des années 1820 à la fin des années 1830, au moment où l’Atlas est

le plus populaire, il publie six tableaux qui revendiquent la démarche de Lesage. Ils traitent

tour à tour de littérature, de la monarchie représentative, de l’école Polytechnique, des

révolutions nationales de Pologne ou encore des concours généraux de l’université224.

Tracer la descendance nombreuse qu’a engendré l’Atlas de Lesage nous amène à

constater que l’ouvrage à bel et bien affecté la physionomie des productions qui l’ont suivi225.

Il faut néanmoins souligner que Las Cases a plus influencé la génération suivante par le

traitement graphique de ses tables ou le plan de son atlas que par ses cartes. Sa distribution à

de M. Lesage ... por D.J.L. de A. y los mapas en vista de los de Lopez, Antillon, Tofiño ... por D.B. de B., Barcelona, Antonio Teixido, 1848.

221 C.A. ELTON, « The Migration of the Barbarians who invaded the Roman Empire, showing the place of their departure, and that of their establishment, or of their destruction », 1825.

222 J. HUBER-SALADIN, Tableau chronologique de l’histoire de la Confédération suisse: feuille pouvant servir de complément à l’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de A. Lesage, comte de Las Cases, Genève ; Paris, J. Barbezat, 1830.

223 J.-M. RECAVIN, Tableau de l’histoire ancienne, refait entièrement d’après la méthode de Lesage, Blois, Dezairs, 1839.

224 A. JARRY DE MANCY et L. CHODZKO, Littérature polonaise. Extrait de l’« Atlas historique des littératures, complément de l’atlas historique de A. Lesage, comte de Las Cases ». Esquisse chronologique de l’histoire de la littérature polonaise, par A. Jarry de Mancy,... et par Léonard Chdźko,..., Paris, J. Renouard, s.d. ; A. JARRY DE MANCY, F. DENIS et E. HEREAU, Atlas historique et chronologique des littératures anciennes et modernes, des sciences et des beaux-arts, d’après la méthode et sur le plan de l’atlas de A. Lesage (comte de Las Cases), et propre à former le complément de cet ouvrage, par A. Jarry de Mancy,... [avec la collaboration de F. Denis et E. Héreau., Paris, J. Renouard, 1831 ; A. JARRY DE MANCY, Atlas constitutionnel, ou tableaux chronologiques, généalogiques et biographiques de la monarchie représentative en France depuis le retour des Bourbons, sur le plan de l’atlas de Lesage (comte de Las Cases) , par A.-J. de Mancy, auteur de l’« Atlas des littératures, des sciences, etc. », Paris, Mme de Bréville, etc, 1826 ; A. JARRY DE MANCY, Tableau historique et chronologique de l’École polytechnique, depuis sa fondation Cours réguliers 21 Mars 1795 jusqu’au 21 Mars 1827, s.l., Sautelet, 1827 ; A. JARRY DE MANCY, Tableau historique des révolutions nationales de Pologne : (méthode de Le Sage, C.te de Las Cases), A Paris, Rue de Beaux-Arts, Nʿ6 ; (Paris, Passage du Caire, Nʿ 54), 1831, [En ligne]. <http://www.europeana.eu/portal/record/09404/id_oai_rcin_org_pl_4060.html>. (Consulté le 24 mars 2015) ; A. JARRY DE MANCY, Tableau historique, chronologique des concours généraux de l’Université, ancienne et nouvelle, depuis la fondation des concours jusqu’en 1825 inclusivement: suivi du tableau de la distribution des prix du concoursgénéral, et des distributions des prix des huit collèges de Paris et de Versailles en 1826, Paris, L. Hachette, s.d.

225 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 308.

80

l’étranger en plus de son immense succès français en ont fait un représentant majeur du genre

des atlas historiques au XIXe siècle : « A number of other important french historical atlases

appeared in this period, but none had the impact of Las Cases »226.

226 J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 39.

81

Conclusion

Notre étude de l'Atlas de Lesage et de ses nombreuses éditions a permis de mettre au

jour certains points qu'il est nécessaire de rappeler. D'abord et avant tout, elle a été l'occasion

de dresser un inventaire précis – le plus exhaustif à ce jour – de toutes les éditions françaises

(comprenant les déclinaisons de l'Atlas) et étrangères qui répondent du nom de Lesage. Leur

plan a été relevé et comparé pour proposer un panorama des planches qui l'ont composé. De

plus a été établie la liste des ouvrages réalisés selon le plan de Lesage, et qui figure en fin de

bibliographie de ce mémoire.

La part d'innovation de l'Atlas a été longuement discutée, en détaillant ses nombreuses

influences théoriques, en retrouvant ses maîtres historiens-géographes de l'Ecole militaire de

Paris, en somme en le replaçant au sein de la production d'une époque et de sa manière de

concevoir la pédagogie de l'histoire.

Las Cases a été rapproché d'une conception traditionnelle de l'histoire, mais le

traitement peu conventionnel qu'il fait dans sa planche de cette science afin de la rendre

accessible à tous a été souligné. Une édition spécifique de l'Atlas nous a permis d'en déduire

les usages qui pouvaient en être faits grâce traces qui y avaient été laissées.

Enfin, le plan de l'atlas, et l'étude de ses cartes a permis de démontrer par la planche une

vision du monde centrée sur la France et l'Europe, qui se fait parfois chantre d'une domination

européenne sur les continents, et d'une inégalité des races.

Les cartes et tableaux de Lesage mériteraient cependant une analyse plus poussée basée

sur la sémiologie graphique. De même, cette forme bien spécifique d'atlas à l'usage de

l'histoire que recouvre l'Atlas Lesage pourrait être interrogée dans son architextualité

(Genette), c'est à dire la relation qu'elle entretient avec cette forme générale qu'est l'atlas.

Cette étude, malgré son large corpus de sources, n'a proposé que l'analyse d'un atlas

(comprenant différentes éditions). Les atlas historiques sont nombreux à mériter une étude

détaillée, ils peuvent avec profit être utilisés comme objet de recherche. Ils sont une source

majeure pour comprendre le passé et la vision qu'en avaient les générations précédentes.

82

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85

Bibliographie thématique sélective autour de l'Atlas Lesage

Figurent ici toutes les articles, ouvrages et sites web consultés mais non nécessairement cités

qui m'ont été utiles pour mener à bien cette étude, ils sont classés par thème.

Eléments biographiques sur Las Cases

BERTAUT, J., Las Cases: dernier témoin de l’épopée impériale, Albi [France], Bibliothèque de la Revue du Tarn, 1942. [Non consulté]

GAUBERT, J.-P., Las Cases: l’abeille de Napoléon, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 2003.

GORSSE, A., Notice biographique du Comte Marie-Joseph-Emmanuel-Auguste-Dieudonné de Las-Cases: ancien Lieutenant de vaisseau, Chambellan et Conseiller d’Etat sous l’Empire ..., Albi, Papailhiau, 1858.

LAFITTE, P., Notice biographique sur le comte Marie-Joseph-Emmanuel-Auguste-Dieudonné de Las-Cases., Lavaur, Imp. de Vidal Marius, 1865.

LAS CASES, E., Mémoires d’Emmanuel-Auguste-Dieudonné, Comte de Las Cases, communiqués par lui-même: Contenant l’Histoire de sa vie, une lettre écrite par lui, de S.te-Hélène, à Lucien Bonaparte, laquelle donne les détails circonstanciés du voyage de Napoléon à cette île, de sa manière d’y vivre et des traitemens qu’il y éprouve ; ainsi qu’une lettre adressée à Lord Bathurst, par le Cte de Las Casas, à son arrivée à Francfort., Paris, L’Huillier, 1819.

LAS CASES, E. (1766-1842 ; comte de), Le Mémorial de Sainte Hélène, Paris, Gallimard, 1956.

LAS CASES, E. (1912-1995), Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., Paris, Arthème Fayard, 1959 (Le temps et les destins).

REINACH-FOUSSEMAGNE, H. de, Un confident de Napoléon Ier, Las Cases sous l’Ancien Régime, Paris, Aux Bureau de la Revue, 1911. [Non consulté]

Histoire de l’édition/de l’imprimerie

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MARTIN, H.-J., CHARTIER, R. et VIVET, J.-P., Histoire de l’édition française, Paris, Promodis, 1984.

MELLOT, J.-D., QUEVAL, E. et MONAQUE, A., Répertoire d’imprimeurs-libraires: vers 1500 - vers 1810, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2004.

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« J. M. Hacq », data.bnf.fr, s.d., [En ligne]. <http://data.bnf.fr/15240619/j__m__hacq/>. (Consulté le 9 janvier 2015).

« Jules Didot (1794-1871) », data.bnf.fr, s.d., [En ligne]. <http://data.bnf.fr/12214242/jules_didot/>. (Consulté le 9 janvier 2015).

« Lexique du livre ancien », Cabinet Poulain - Expert en livres anciens et modernes - Organisation de vente aux encheres, s.d., [En ligne]. <http://www.poulainlivres.com/lexique.html>. (Consulté le 16 mars 2015).

Généralités sur l'atlas et la carte

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Recensement des travaux héritiers de Lesage

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CAREY, H.C. et LEA, I., A complete historical, chronological, and geographical American atlas, being a guide to the history of North and South America, and the West Indies: exhibiting an accurate account of the discovery, settlement, and progress of their various kingdoms, states, provinces, &c.; together with the wars, celebrated battles, and remarkable events, to the year 1822. According to the plan of Le Sage’s atlas and intended as a companion to Lavoisne’s improvement of the celebrated work., Philadelphia, Henry Charles Carey & Isaac Lea, 1822.

COURT, C., Tableaux synoptiques et chronologiques de l’histoire universelle contemporaine, donnant mois par mois et presque jour par jour la situation politique de tous les Etats connus du globe, faisant suite à l’atlas de Lesage; première partie, depuis la révolution de février 1848 jusqu’au Congrès de Paris en 1856, Paris, J.-B. Clarey, 1859.

ELIAS, J.A., Atlas Geográfico, Histórico y Estadístico de España y sus Posesiones de Ultramar, por Dn J.A. Elias, compuesto de 40 Mapas geográficos iluminados y 80 Cuadros sinopticos segun el metodo del Atlas de M. Lesage ... por D.J.L. de A. y los mapas en vista de los de Lopez, Antillon, Tofiño ... por D.B. de B., Barcelona, Antonio Teixido, 1848.

89

ELTON, C.A., « The Migration of the Barbarians who invaded the Roman Empire, showing the place of their departure, and that of their establishment, or of their destruction », 1825.

HUBER-SALADIN, J., Tableau chronologique de l’histoire de la Confédération suisse: feuille pouvant servir de complément à l’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de A. Lesage, comte de Las Cases, Genève ; Paris, J. Barbezat, 1830.

HUME, D., Histoire d’Angleterre, par David Hume, éclaircie par des tableaux généalogiques coloriés, et par une carte géographique, tirés de l’Atlas historique de Lesage., Paris : Impr. de Lebègue, chez Arthus-Bertrand, Pigoreau, Corbet, Roret, 1822.

JARRY DE MANCY, A., Tableau historique des révolutions nationales de Pologne : (méthode de Le Sage, C.te de Las Cases), A Paris, Rue de Beaux-Arts, Nʿ6 ; (Paris, Passage du Caire, Nʿ 54), 1831, [En ligne]. <http://www.europeana.eu/portal/record/09404/id_oai_rcin_org_pl_4060.html>. (Consulté le 24 mars 2015).

JARRY DE MANCY, A., Tableau historique et chronologique de l’École polytechnique, depuis sa fondation Cours réguliers 21 Mars 1795 jusqu’au 21 Mars 1827, s.l., Sautelet, 1827.

JARRY DE MANCY, A., Atlas constitutionnel, ou tableaux chronologiques, généalogiques et biographiques de la monarchie représentative en France depuis le retour des Bourbons, sur le plan de l’atlas de Lesage (comte de Las Cases) , par A.-J. de Mancy, auteur de l’« Atlas des littératures, des sciences, etc. », Paris, Mme de Bréville, etc, 1826.

JARRY DE MANCY, A., Tableau historique, chronologique des concours généraux de l’Université, ancienne et nouvelle, depuis la fondation des concours jusqu’en 1825 inclusivement: suivi du tableau de la distribution des prix du concoursgénéral, et des distributions des prix des huit collèges de Paris et de Versailles en 1826, Paris, L. Hachette, s.d.

JARRY DE MANCY, A. et CHODZKO, L., Littérature polonaise. Extrait de l’« Atlas historique des littératures, complément de l’atlas historique de A. Lesage, comte de Las Cases ». Esquisse chronologique de l’histoire de la littérature polonaise, par A. Jarry de Mancy,... et par Léonard Chdźko,..., Paris, J. Renouard, s.d.

JARRY DE MANCY, A., DENIS, F. et HEREAU, E., Atlas historique et chronologique des littératures anciennes et modernes, des sciences et des beaux-arts, d’après la méthode et sur le plan de l’atlas de A. Lesage (comte de Las Cases), et propre à former le complément de cet ouvrage, par A. Jarry de Mancy,... [avec la collaboration de F. Denis et E. Héreau., Paris, J. Renouard, 1831.

LAVOISNE, C.V., A complete genealogical, historical, chronological and geographical atlas being a general guide to history, both ancient and modern, exhibiting an accurate account of the origin, descent and marriages of all the royal families from the beginning of the world: together with the various possessions, foreign wars, battles of renown and remarkable events, to the battle of Waterloo and general peace of 1815, Philadelphie, M. Carey and Son, 1820, [En ligne]. <http://www.davidrumsey.com/luna/servlet/view/search?q=+Pub_List_No%3D%271642.000%27%22%20LIMIT:RUMSEY~8~1&sort=Pub_List_No_InitialSort,Pub_Date>. (Consulté le 7 avril 2015).

LAVOISNE, C.V. et GROS, C., A New Genealogical, Historical, and Chronological Atlas... complete in thirty-six maps, Londres, 1807.

90

LOWTH, H. et LAS CASES, E., A concise historical, biographical and genealogical school atlas : of the principal events in the histories of England, France, Spain, Portugal, Germany, and Italy ; also, the celebrated European treaties, painters &c., Londres, Simpkin, Marshall, 1852.

LOWTH, H. et LAS CASES, E., A concise historical, biographical & genealogical atlas of the principal events in the histories of England, France, Spain, Germany and Italy, with the addition of the historical summary and observations of Lesage., Londres, [inconnu], 1851.

RECAVIN, J.-M., Tableau de l’histoire ancienne, refait entièrement d’après la méthode de Lesage, Blois, Dezairs, 1839.

SIMENCOURT, A.-H. de, Atlas universel complet de géographie ancienne et moderne conformément à l’état physique, politique et historique actuel du globe... contenant 47 cartes... d’après d’Anville, Arrowsmith, Guthrie, Maltebrun, Lesage, Lapie, Brné..., Paris, H. Langlois fils, 1830.

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Annexes

Les éditions de l'Atlas telles que référencées et consultées par l'auteur.

92

Evolution du plan de l'ouvrage entre les éditions de 1802 de la Bibliothèque de la Sorbonne et 1842 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève

93

La carte d'Afrique en 1801 et en 1842. Sources : Europeana et cliché de l'auteur

94

La Mappemonde en 1842 et en 1808. Sources : Clichés de l'auteur

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Table des figures

Figure 1 : Le feuillet des fastes napoléens. ..................................................................... 18

Figure 2 : Le processus de perception des images d'après Lesage ................................. 26

Figure 3 : Modèle d'apprentissage selon la méthode de Lesage. .................................... 30

Figure 4 : La carte d'Afrique par Mentelle. .................................................................... 33

Figure 5 : Le territoire de la monarchie espagnole ......................................................... 36

Figure 6 : Un ajout manuscrit sur la carte de l'Empire romain ....................................... 42

Figure 7 : Un onglet de réserve. ...................................................................................... 43

Figure 8 : Un renvoi à même la carte d'Asie ................................................................... 46

Figure 9 : La carte d'Allemagne et ses renvois de couleur ............................................. 49

Figure 10 : Une planche de Châtelain ............................................................................. 52

Figure 11 : La succession des espaces dans l'Atlas ........................................................ 58

Figure 12 : Le tracé de Madagascar en 1801 et en 1842 ................................................ 61

96

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Résumé

L’ouvrage de Las Cases s’inscrit dans la longue tradition des livres à carte. Proposant

d’étudier l’histoire de manière globale, il lie étroitement généalogie, chronologie et

géographie dans un même projet pédagogique. Il est considéré comme étant, au tournant du

XIXe siècle, le principal acteur d’un renouveau dans le genre des atlas historiques. Sa planche

riche en informations et son utilisation combinée de différents médias en font le précurseur

des atlas modernes. D’une durée de vie d’un demi-siècle, grand succès de son temps, l’Atlas

essaime dans toute l’Europe et aux Etats-Unis, influençant directement la production

ultérieure à l’échelle mondiale. L’étude comparative de ses éditions et déclinaisons permet de

retracer l'usage et l’évolution de cet ouvrage, d’en évaluer la portée, et d’établir la vision du

monde qu’y transmet l’auteur.

Mots-clés : cartographie – histoire – atlas – cartes – XIXe siècle

Abstract

The work of Las Cases is part of the long tradition of books with maps. It offers the

study of history by tightly binding together genealogy, chronology and geography in one

pedagogic project. In the early nineteenth century, this atlas is seen as the main actor of a

revival in the genre of historical atlases. In a multi-media learning approach, its pages full of

information makes it the forerunner of modern atlases. Its publication until the middle of

century as well as its international standing have directly incluenced the production of later

works. The comparative study of its editions and versions allow us to trace the evolution of

this work, it also permits us to assess it’s author’s vision of the world, and evaluate its use and

impact.

Keywords : cartography – history – atlases – maps – 19th century


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