Date post: | 10-Nov-2023 |
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Apprendre l’histoire avec
L’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de
Mémoire de recherche de Master 1
présenté par Josian Tulasne
Membres du jury : Gilles Palsky, professeur de géographie à l'université Paris 1
Jean-Marc Besse, directeur de recherche au CNRS
Apprendre l’histoire avec un atlas :
L’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de Lesage
Mémoire de recherche de Master 1
présenté par Josian Tulasne sous la direction de Gilles Palsky
Gilles Palsky, professeur de géographie à l'université Paris 1
Marc Besse, directeur de recherche au CNRS
UFR DE GEOGRAPHIE
MASTER 1 DE GEOGRAPH
ANNEE UNIVERSITAIRE
Apprendre l’histoire avec
L’Atlas historique, généalogique, chronologique
sous la direction de Gilles Palsky
Gilles Palsky, professeur de géographie à l'université Paris 1
UFR DE GEOGRAPHIE
MASTER 1 DE GEOGRAPHIE
ANNEE UNIVERSITAIRE 2014-2015
Illustration de couverture :
La muse de l'histoire dessinée par Deveria et gravée par Thompson.
Page de titre de l'édition 1833 de l'Atlas historique.
Cliché personnel.
1
Remerciements
Je tiens à adresser mes remerciements à mon directeur de mémoire, Monsieur Gilles
Palsky, qui m’a soufflé le nom de Lesage et m’a fait découvrir ce merveilleux Atlas. Il a
toujours su me guider dans mes recherches par son expertise en histoire de la cartographie et
s’est montré particulièrement disponible pour échanger de vive voix sur mon sujet ou
correspondre par mail.
Je remercie mes camarades de promotion Laïla et Alexandre et mon ami Léo-Paul pour
le débat fertile sur nos sujets respectifs qu’ils ont suscité. Une pensée va naturellement à mon
ami Geoffrey Phelippot, pour qui les jeux géographiques de Pierre Duval n’ont plus de
secrets, et qui a sans cesse poussé mes réflexions sur l’Atlas de Lesage afin de les faire aboutir
en un tout cohérent.
Merci à Monsieur Nicolas Verdier de m’avoir accordé de son temps pour me parler des
atlas avant Lesage, et pour m’avoir conforté dans l’idée de focaliser mon travail sur la source
elle-même.
Je remercie Monsieur Jean-Marc Besse qui me fait l’honneur d’être membre du jury de
soutenance de ce mémoire.
Merci à Madame Nancy François, cartographe retraitée qui a travaillé avec le professeur
Jacques Bertin, et m’a donné le goût de la géographie.
Enfin, je remercie le personnel des bibliothèques de la Sorbonne, de la bibliothèque
Sainte-Geneviève, et de la Bibliothèque nationale (Arsenal et Tolbiac) sans qui mon travail de
recherche aurait été impossible.
3
Table des matières
Remerciements ........................................................................................................................... 1
Table des matières ...................................................................................................................... 3
Introduction ................................................................................................................................ 6
Partie 1 : La fabrique de l'Atlas Lesage
I. De Las Cases à Lesage : Esquisse biographique à l’aune de l’Atlas ............................... 12
A. Du voyage à l’exil ...................................................................................................... 12
B. Las Cases, un pédagogue improvisé .......................................................................... 13
C. La fabrique de l’Atlas historique de Lesage .............................................................. 14
D. Le retour en France et la première édition française ................................................. 16
E. Une réédition orientée par son rapprochement avec l’Empire .................................. 17
II. La « méthode Lesage » : une pédagogie de l’histoire ...................................................... 20
A. L’Atlas Lesage, un Geschichtsatlas ........................................................................... 21
1. La longue tradition de la géographie comme « œil de l’histoire » ........................ 22
2. Une pédagogie par la vue ....................................................................................... 24
3. Une vision relativement traditionnelle de l’histoire ............................................... 27
B. « Le vade mecum de l’étudiant » ............................................................................... 28
C. Tracer la ligne du temps ............................................................................................ 32
1. La carte synchronique ............................................................................................ 32
2. Les tables chronologiques et généalogiques .......................................................... 37
D. De l’usage de l’Atlas, les stigmates d’un atlas de travail : l’édition 1808 de la
Bibliothèque Sainte Geneviève ............................................................................................ 39
III. Dans la planche de Lesage ............................................................................................ 44
A. Cheminer dans la planche et dans l’Atlas : de l’usage du renvoi .............................. 45
B. Une légende hors la carte : La couleur comme appui pour l’œil ............................... 47
C. Vers une planche standardisée ................................................................................... 51
1. Les héritages .......................................................................................................... 51
2. Transtextualité ........................................................................................................ 53
3. Une planche qui se stabilise rapidement ................................................................ 54
4
Partie 2 : Le temps long de l'Atlas Lesage
IV. La carte au fil de l’Atlas et de ses éditions .................................................................... 56
A. Voir et montrer le monde ........................................................................................... 57
B. L’Afrique, un « blanc de la carte » ou le « continent sans histoire » ........................ 60
C. La Mappemonde ou le point de rencontre entre l’histoire et la géographie .............. 64
V. Du succès aux héritiers ..................................................................................................... 71
A. Un succès commercial et public précoce ................................................................... 72
B. Les critiques en France et à l’étranger ....................................................................... 73
C. Rééditions et déclinaisons de l’Atlas ......................................................................... 75
D. Vers une diffusion de la « méthode Lesage » ? ......................................................... 77
Conclusion ................................................................................................................................ 81
Bibliographie ............................................................................................................................ 82
Bibliographie thématique sélective autour de l'Atlas Lesage ................................................... 85
Annexes .................................................................................................................................... 91
Table des figures ...................................................................................................................... 95
6
Introduction
Une jeune femme habillée d’une robe blanche à la romaine est assise sur un grand
manteau, il s’agit de Clio, la muse de l’histoire, que l’on reconnait à ses attributs. Elle écrit
sur un parchemin, posé sur un grand livre qu’elle tient en main gauche. Adossée à un globe –
que l’on suppose terrestre – posé par terre et qui symbolise avec le compas la géographie,
elle se tourne vers le buste à deux têtes du dieu Janus que lui dévoile une seconde femme,
debout derrière elle. Dieu des commencements et des fins, Janus tourne une de ses faces vers
le passé, l’autre vers l’avenir. Autour d’elle un amoncellement d’attributs militaires (casque,
bouclier) poursuit ces variations autour du temps qui passe et rappelle l’intérêt pour les
batailles. Le décor qui entoure la scène est antique, il montre à l’arrière-plan l’Egypte
ancienne évoquée par l’obélisque, la pyramide et le sphinx ; et la Rome antique avec les
ruines du colisée et une colonne. L’histoire est ainsi renvoyée à ce qui est considéré comme
ses fondements.
Cette gravure illustrant la couverture de ce mémoire orne la page de titre des éditions
tardives de l’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de Lesage.
D’une utilité pratique elle permet à l’éditeur de déceler les contrefaçons, elle est aussi un bon
moyen d’introduire la matière historique dont l’ouvrage se veut aide à l’apprentissage.
Il y a aujourd’hui plus de vingt ans, l’historien médiéviste Armin Wolf écrivait dans un
article consacré à l’atlas historique scolaire Putzger : « We have a history of cartography, but
we lack an important chapter – the history of historical atlases »1. A la suite de ce constat, il
apportait une contribution à ce champ d’étude – qu’il considérait comme quasiment vierge –
en parcourant plus d’un siècle d’éditions de l’Historiker Schul-atlas, monument de la
littérature scolaire germanophone. L’histoire des atlas historiques reste encore aujourd’hui
largement à faire, notre étude de l’Atlas Lesage s’insère dans ce champ d’étude récemment
ouvert par l’histoire de la cartographie. Ce dernier n’est plus tout à fait vierge grâce aux
travaux précurseurs que des chercheurs ont effectué ces dernières années, et que nous
présenterons brièvement un peu plus tard.
1 A. WOLF, « What can the history of historical atlases teach? Some lessons from a century of putzger’s “historischer schul-atlas” », Cartographica: The International Journal for Geographic Information and Geovisualization, vol. 28, n° 2, octobre 1991, pp. 21 37.
7
L’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique
Réalisé au tournant du XIXe siècle, l’Atlas a connu un cycle de vie hors du commun, sa
publication d’échelonnant de 1801 à 1853. Edité de manière continue durant cette période, il a
été traduit dans les principales langues européennes et représente le premier succès
commercial pour un atlas historique. Communément admis par les chercheurs comme l’atlas
le plus important du début du siècle2, une étude détaillée de cette œuvre à la circulation
immense manquait encore.
Son auteur, Emmanuel Marie Joseph Auguste Dieudonné de Las Cases (1766-1842),
passé à la postérité pour son rôle de mémorialiste de Napoléon, n’était ni géographe, ni
historien. Marquis de l’Ancien régime à la formation militaire, cet amateur éclairé a voulu
réaliser un travail de synthèse des connaissances, servant une compréhension générale de
l’histoire et utile à l’éducation de la jeunesse. Le choix de la forme atlas pour porter ce projet
amène plusieurs questionnement préliminaires qui nous permettent de mieux définir notre
objet d’étude : Qu’est-ce qu’un atlas, quelle est la particularité d’un atlas historique, et
comment notre objet a-t-il déjà été abordé par la recherche ?
De l’atlas à l’atlas historique
Si mot atlas n’a pas d’acception clairement définie, il désigne dans le langage courant
un simple recueil de cartes. Cette définition a minima ne recouvre que partiellement l’ouvrage
qui nous intéresse. L’Atlas de Lesage comprend évidemment des cartes, mais celles-ci sont
entourées de texte. Il présente aussi et surtout de grands tableaux chronologiques et
généalogiques qui résument l’histoire. Le mot atlas, il faut bien l’admettre, désigne une réalité
plurielle, tentons donc d’en dresser une définition éclairant notre objet d’étude.
L’objet atlas est « à la fois livre et cartes »3, il est composé de planches réalisées par la
collaboration de cartographes, graveurs, éditeurs. Se différenciant du simple recueil de cartes
par le projet intellectuel qui le sous-tend ; il est un objet unifié, pensé comme un tout
cohérent. Cet atlas est aussi un outil qui organise la connaissance, de quelque sorte qu’elle
soit, et a pour vocation de la transmettre. Son montage sur onglets en fait un objet ouvert, à
2 J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 36.
3 M. PASTOUREAU et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles): répertoire bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque nationale, 1984, introduction.
8
logique cumulative4 ; il se prête ainsi aux rééditions, aux corrections ou compléments.
L’auteur compose son atlas, en imagine la progression, le découpage selon les attentes d’un
public. L’atlas est donc aussi projet commercial, réputé plus maniable et économique que les
cartes isolées, son coût de fabrication important représente un investissement au long terme.
Le groupe de recherche ACSAM a ainsi résumé l’atlas comme « une forme graphique
de visualisation, de conservation, de transport, d’organisation et de construction des
connaissances, des objets et des informations de toutes sortes »5.
L’atlas historique pose, quant à lui, moins de problèmes d’ordre sémantique. La
proposition à la fois la plus simple et la plus satisfaisante est peut-être celle de Walter Goffart
qui le définit comme « a collection of maps reconstructiong happenings or scenes of the
past »6.
L’état de la recherche sur l’Atlas historique de Lesage
Le champ d’études des atlas a été ouvert en France en 1984 par le travail de carto-
bibliographie du département des cartes et plans de la Bibliothèque nationale de France7.
Réalisé sous l’impulsion de Mireille Pastoureau et s’inspirant du modèle des Atlantes
neerlandici du professeur Koeman8, cet inventaire d’atlas français des XVIe et XVIIe siècles
a posé le premier jalon rendant possible l’étude des atlas et, plus tard, celle des atlas
historiques.
Si la littérature de référence est maigre sur le sujet, quelques chercheurs qui ont proposé
ces quinze dernières années des études spécifiques sur les atlas historiques, abordant à
plusieurs reprises notre Atlas. La synthèse de ces différents travaux sur l’Atlas Lesage, a servi
de squelette à notre étude.
4 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., Paris, Albin Michel, 1992, p. 104.
5 J.-M. BESSE, « Atlas : pratiques éditoriales, production et circulation des connaissances à l’époque moderne et contemporaine », Cartes et figures du monde, 22 mai 2012, [En ligne]. <http://cartogallica.hypotheses.org/737>. (Consulté le 9 février 2015).
6 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne].
<http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15 avril 2015).
7 M. PASTOUREAU et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles), op. cit. 8 C. KOEMAN, Atlantes Neerlandici. Bibliography of terrestrial, maritime and celestial atlases and pilot
books, published in the Netherlands up to 1880., Amsterdam, Theatrum Orbis Terrarum, 1967.
9
C’est l’historien médiéviste Walter Goffart qui, dans un article de 1995 intitulé
Breaking the ortelian pattern9, suscite l’intérêt pour l’ouvrage de Las Cases. Il fait de cet atlas
un moment marquant de l’histoire des atlas historiques au tournant du XIXe siècle. Le
pédagogue Las Cases innove, selon l’auteur, en mettant au point un atlas au contenu
historique et au plan géographique qui se transforme en succès. Catherine Hofmann10 reprend
cette analyse à son compte et rapproche l’œuvre de Lesage de l’histoire longue des atlas
historiques, en en faisant un point d’entrée dans la modernité des atlas. Cette vision est
soutenue par l’analyse de Goffart, dans un article sur les origines des atlas historiques puis
dans une grande étude de leur histoire11. Il fait aboutir son panorama en 1830, moment où la
production d’atlas historiques devient intense et continue après le passage marquant de
Lesage. Si ces auteurs s’intéressent plutôt à la place de Lesage au sein d’une production
globale, Jeremy Black et Daniel Rosenberg entrent plus dans le détail des outils qu’il emploie.
L’analyse de Black, spécialiste de la cartographie historique, porte ainsi sur les tables, et
cartes synchroniques de Lesage. Il les caractérise par rapport à la production de l’époque et
propose de voir ces outils chez Lesage comme des « maps » au sens large, soient des
dispositifs visuels12. Daniel Rosenberg et Anthony Grafton se focalisent dans Cartographies
of Time sur la représentation du temps13. Parlant peu de Lesage, ils mettent cependant en
évidence des permanences dans sa manière de représenter les tables généalogiques et
diagrammes chronologiques si importants dans l’Atlas. Enfin, Manuel Schramm cherche à
montrer parallèlement à l’évolution des atlas historiques le développement d’une conscience
historique14. Il décrit ainsi la vision de l’histoire de l’Atlas qu’il qualifie d’eurocentrique.
Ces travaux forment une sorte de patchwork. Leurs analyses souvent assez ciblées
donnent difficilement une vue d’ensemble de cet ouvrage aux éditions multiples. De plus, la
majorité fait de l’Atlas – comme s’il s’agissait d’une évidence – un ouvrage majeur, parfois
même une révolution, du début XIXe ; mais peu d’entre eux interrogent réellement cette
9 Article malheureusement introuvable aujourd’hui. 10 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte
comme “oeil de l’histoire” », Bibliothèque de l’école des chartes, n° 158, 2000, pp. 97-128. 11 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group
Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne]. <http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15
avril 2015) ; W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of Chicago Press, 2003.
12 J. BLACK, Maps and history, op. cit. ; J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », Orbis, vol. 47, n° 2, 2003, pp. 277-293.
13 D. ROSENBERG, Cartographies of time, New York, Princeton Architectural Press, 2010. 14 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,
Center for European Studies, n° n°21, 2014, pp. p. 1 50.
10
proposition15. Enfin, cet ouvrage à la portée scolaire pourtant affirmée est à peine étudié par
ce prisme16.
Problèmes posés
Une première intuition nous invite donc à questionner cette conception d’atlas acteur
d'un renouveau du genre, il s'agit d'en évaluer les permanences qui le lient aux ouvrages qui
précèdent et d'en tracer la descendance directe.
L'ouvrage se définit comme utile à la jeunesse, cette forme particulière d'atlas historique
destiné à l'apprentissage en fait un objet nouveau, absent de la littérature francophone17.
Destiné à la compréhension et l’apprentissage de l’histoire, il paraît pertinent d’en étudier les
moyens de transmission des connaissances, et la vision du monde et de son histoire que
véhicule ce dispositif épistémique.
Un ouvrage au cycle de vie aussi long ne peut être un objet figé, il convient donc d’en
trouver les lignes directrices, et aussi d’en décrire les évolutions. Pour ce faire, il faut
nécessairement prendre le temps de comprendre l'Atlas, son unité et les intentions de son
auteur. Cela passe par une étude en profondeur du corpus qu'il représente, de longs voyages
dans ses colonnes remplies de texte, de renvoi en renvoi, d'une édition à l'autre.
Ainsi dans quelle mesure l'Atlas de Lesage procède-t-il d'un renouveau des atlas
historiques? A qui se destine-t-il et quelle vision du monde s'y trouve développée par l'auteur?
Quelle conception de l'histoire Lesage propose-t-il et quels moyens didactiques met-il en
œuvre pour en permettre l'apprentissage?
Méthodologie de recherche
De tels questionnements ont rapidement motivé un dénombrement des éditions, qui a
abouti en l’élaboration d’un catalogue des différentes éditions de l’Atlas. Cette démarche a
pour objectif d'interroger directement la source en mettant en place une étude comparative du
plus grand nombre d'éditions physiquement consultables afin de tenter de comprendre leur
15 Ils citent en général Walter Goffart. 16 Seul Walter Goffart s’en soucie. 17 Voir le chapitre 2 sur le Geschichtsatlas.
11
évolution sur le demi-siècle d’édition que parcourt l’Atlas Lesage. A l’intérieur de ces
éditions, un long travail de consultation a été nécessaire afin d’y noter des changements dans
le plan, des évolutions dans le dessin des cartes ou dans l’organisation de la planche. Ainsi les
fonds de la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne (BIS), de la Bibliothèque Nationale
(site Tolbiac), de la Bibliothèque de l’Arsenal et de la Bibliothèque Sainte-Geneviève ont été
mobilisés pour la consultation des éditions françaises de l’Atlas et de ses dérivés (le Manuel,
l’Atlas élémentaire, les atlas ou tableaux « à la Lesage »). Les ressources électroniques des
grandes bibliothèques européennes ont été utiles pour la consultation de quelques éditions
étrangères de l’Atlas. Enfin les sites de collectionneurs comme David Rumsey, le site Euratlas
et la plateforme institutionnelle Europeana m’ont aussi été d’une grande aide.
A l’aide des mêmes ressources, un corpus d’atlas et ouvrages influençant Lesage a du
être constitué. Il s’en est agi de même pour ceux qui représentent sa filiation que nous avons
classés en une typologie. La synthèse des travaux effectués sur l'Atlas Lesage, mais aussi une
grande partie de la bibliographie a été utile pour d'établir ces relations de filiation.
Les intentions de l'auteur, la manière dont il conçoit l'histoire et comment il souhaite
l'enseigner, sont majoritairement venues se nicher dans les préfaces des différentes éditions,
mais aussi dans les colonnes de texte, dans la mise en page, dans l'usage des couleurs et enfin
dans les traits de la carte.
Plan
Notre travail se décompose en deux grandes parties, c'est d'abord la fabrique de l'Atlas
qui débute naturellement par l'étude du personnage de Las Cases qui permet d'établir un
premier contexte de composition, à l'aide de à ses biographies et ses propres écrits. Ce
contexte permet de regarder l'envers du décor de cet atlas scolaire en étudiant la manière dont
il enseigne l'histoire, selon quelle conception et avec quels appuis dans la planche. Ensuite,
l'Atlas est envisagé dans la longue durée ; il nous donne par l'évolution des ses cartes les clés
de compréhension de sa vision du monde. Pour finir, l’évaluation de sa réception par les
contemporains nous donne une idée de l’influence qu’il a pu exercer en France comme à
l'étranger.
12
Partie 1 : La fabrique de l'Atlas Lesage
I. De Las Cases à Lesage : Esquisse biographique à l’aune de l’Atlas
« Marquis de l’Ancien régime, Las Cases finit ses jours en défenseur acharné de
l’Empire »18. Ayant connu au long de son existence sept régimes politiques successifs, il a fini
par se rallier à l’Empire pour en devenir un des plus fervents soutiens, jusqu’à faire partie des
quatre fidèles choisis par l’Empereur pour l’accompagner dans son exil. Entretemps il a connu
le succès avec un Atlas historique dont sa paternité a d’abord été ignorée, puis la consécration
par son œuvre de mémorialiste de Napoléon.
Le propos n’est pas ici de donner une biographie complète de Las Cases, il convient
pour un panorama plus général de se reporter aux ouvrages de Jean-Pierre Gaubert19 et du
descendant homonyme de Las Cases20, reprenant largement les mémoires du Comte de Las
Cases21 dans leur trame. Il s’agit plutôt dans cette partie de présenter des éléments
biographiques qui éclairent le contexte dans lequel l’Atlas a été conçu ainsi que ses évolutions
au cours du XIXe siècle. Les éléments biographiques nous donnent aussi des indices sur les
intentions initiales de l’auteur de l’ouvrage qui nous intéresse.
A. Du voyage à l’exil
Las Cases naît le 21 juin 1766 dans le Tarn. Adolescent il entre dans un collège dirigé
par les Oratoriens à Vendôme où « la formation intellectuelle sera assurée par des cours de
religion, d’histoire, [de] géographie, [de] mathématiques, [de] dessin, [d’] allemand et [de]
latin »22. Bon élève, il rentre en 1780 à l’Ecole Royale militaire de Paris qui forme la noblesse
aux plus hauts grades de la hiérarchie militaire où il reçoit les cours de M. de Leguille,
18 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., Paris, Arthème Fayard, 1959, p. 7 (Le temps et les destins).
19 J.-P. GAUBERT, Las Cases: l’abeille de Napoléon, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 2003. 20 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit. 21 E. LAS CASES, Mémoires d’Emmanuel-Auguste-Dieudonné, Comte de Las Cases, communiqués par
lui-même: Contenant l’Histoire de sa vie, une lettre écrite par lui, de S.te-Hélène, à Lucien Bonaparte, laquelle donne les détails circonstanciés du voyage de Napoléon à cette île, de sa manière d’y vivre et des traitemens qu’il y éprouve ; ainsi qu’une lettre adressée à Lord Bathurst, par le Cte de Las Casas, à son arrivée à Francfort., Paris, L’Huillier, 1819.
22 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 24.
13
professeur d’histoire et de géographie et futur souscripteur de la première édition française de
l’Atlas historique23.
Au sortir de l’école, il devient aspirant de marine en 1782, il voyage et prend part aux
combats dans tout l’Atlantique : Gibraltar, Terre-Neuve, Saint-Domingue, Sainte-Lucie, La
Martinique et Boston où il apprend des rudiments d’anglais. Appelé à prendre part à
l’expédition de La Pérouse24, il en manque le départ et rembarque pour les Antilles avant de
décider de rentrer en France. En 1789, comme beaucoup de membres de la noblesse restés
fidèles au roi, il émigre vers l’Allemagne où se trouvent les Condé. De là, il se rend à Aix-la-
Chapelle où toute la vieille Cour de Versailles s’est réfugiée. En 1791, Las Cases marche avec
l’armée des princes depuis Coblence pour être finalement mis en déroute. Il écrivit plus tard
dans le Mémorial à la date du 2 août 1816 : « Nous fuîmes au loin et allâmes traîner dans
toute l’Europe le spectacle de nos misères »25.
B. Las Cases, un pédagogue improvisé
Depuis l’Allemagne, il part pour la Hollande de laquelle il rallie Londres en décembre
179226. Il s’installe à Rose Street Soho sous le pseudonyme de Félix avec seulement sept louis
en poche. Face à de grands problèmes d’argent, il donne des leçons en même temps qu’il
apprend la langue. Enrôlé dans une armée de volontaires sur l’île de Wight en vue d’un
débarquement qui n’aura pas lieu, Las Cases passe le temps en étudiant, avec son compagnon
d’armes Volude27, l’histoire de l’Allemagne. Il prend des notes et dresse des tableaux
synoptiques, puis, lassé des événements, regagne Londres28.
De retour à Londres, Félix-Las Cases reprend ses activités de pédagogue :
« Désespérant des événements, abandonnant le monde et ma sphère naturelle, je me livrais à
l’étude et, sous un nom emprunté, je refis mon éducation en essayant de travailler à celle
23 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, A Paris, se trouve chez l’auteur, 1804 1802.
24 L’expédition quitte Brest en 1785 avec à son bord plusieurs scientifiques (géographe, astronome, physicien, naturaliste, etc.) dans le but d’explorer l’Océan Pacifique. Elle fait naufrage en Polynésie en 1788.
25 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, Paris, Gallimard, 1956, p. 954. 26 Il écrit dans son journal : « [mon bateau] m’a débarqué en cinq jours à la Tour de Londres, sur la fin de
décembre ». (cité dans E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit. p.64) 27 Jean-Henri de Lage de Volude, compatriote exilé à Londres, « doué en mathématiques, en histoire-
géographie et posséd[ant] le coup d’œil topographique » d’après la marquise de Lage de Volude, citée par Jean-Pierre Gaubert.
28 Las Cases écrira : « On n’y faisait rien pour préparer la guerre et il était difficile d’occuper intelligemment sa vie ».
14
d’autrui »29. Toujours à la recherche d’un moyen d’améliorer son existence tout en s’occupant
intellectuellement, Las Cases trouve un projet à la hauteur de ses ambitions : « Je me décidai
pour l’histoire qui, dans tous les cas, m’assurait un gain moral en me procurant des
connaissances positives : alors naquit l’idée-mère de l’Atlas historique »30.
Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Las Cases donne a posteriori le récit de ses jeunes
années, il réécrit son histoire de manière téléologique, usant parfois de raccourcis, invoquant
son aspiration à de grands projets – notamment littéraires. Si Las Cases ne manque pas
d’ambition, force est de constater la grande part d’improvisation qu’entraîne logiquement sa
situation précaire d’exilé français à Londres. Son « goût pour la recherche historique, son
esprit mathématique »31 et ses déboires financiers l’amènent à se plonger dans l’étude pour
donner naissance à ce qui, selon l’auteur « ne fut d’abord qu’une simple esquisse, bien
éloignée de l’ouvrage d’aujourd’hui [l’Atlas], une pure nomenclature »32. Permise par ses
recherches à la bibliothèque du British Museum près duquel il habite33, naît ainsi son
« esquisse » sous le titre de Géographie de l’Histoire, premier tableau synoptique – repris
plus tard dans son Atlas, et dans lequel il déroule l’histoire des Etats et des souverains de
l’Europe depuis la naissance du Christ jusqu’aux temps qui lui sont contemporains. Editée en
1797 sous le nom de Lesage34, elle connaît un rapide succès qui l’incite au réemploi de cette
méthode à une échelle plus vaste.
C. La fabrique de l’Atlas historique de Lesage
Afin de réaliser son projet d’édition, Las Cases a besoin de capitaux qu’il est loin de
posséder malgré ce premier succès. Il se met alors à la recherche d’élèves à qui donner des
leçons pour financer son entreprise. Il commence donc, comme il écrivit non sans une once de
fierté, à « enseigner le soir ce qu’il aurait appris le matin »35. Las Cases nous raconte
comment, parmi ses élèves fortunés, il trouva un premier souscripteur à son Atlas historique :
29 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, Paris, Gallimard, 1956, p. 6 (préambule).
30 Ibid., p. 610. 31 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit. 32 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, op. cit., p. 610. 33 A Londres, Las Cases réside Little Russel Street, Bloomsbury 17. La rue existe encore de nos jours, à
deux pas du British Museum. 34 Sur l’origine de son nom, voir E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène,
op. cit., p. 611. : « Ici commença mon nom de Lesage. […] Lesage fut écrit par hasard, comme j’aurais pu écrire Lenoir ou Leblanc » ; voir aussi l’anecdote qui suit l’extrait.
35 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 81 et 82.
15
En montrant l’histoire, j’étais dans l’habitude de dessiner la généalogie des princes dont je
parlais ; une miss Steers me demanda pourquoi je ne la ferais pas imprimer et souscrivit aussitôt
pour la moitié des frais36.
Cette aide financière lui permet de se mettre au travail pour les années qui suivent, en se
consacrant uniquement à l’Atlas à venir. Il réutilise les travaux qu’il a réalisés avec son
compatriote Volude pour les planches n°19, 20, 21 de l’Atlas qui traitent de l’histoire de
l’Allemagne37.
Afin de mener à bien son entreprise, Las Cases mobilise autour de lui le réseau
d’émigrés français domiciliés à Londres en employant les talents de chacun à la conception de
son ouvrage38. C’est ainsi qu’un atelier s’organise et se répartit les tâches :
Après avoir collectionné et classé ses documents [tâche de Las Cases], il fallait assurer la mise
en page, réaliser des dessins et des cartes, donner plus de clarté à l’ouvrage en teintant chaque
partie des différents tableaux d’un léger lavis multicolore39.
Sont mobilisés « quelques prêtres, la jolie Mme de Lepinay et, spécialiste de l’aquarelle,
M. de Nogent »40. L’Atlas parait ainsi progressivement, feuille après feuille, au rythme de cet
atelier d’exilés français à Londres. Et Las Cases peut ainsi entre 1799 et 1800 entreprendre un
voyage dans toute l’Angleterre pour vendre ses feuilles d’Atlas en chemin. Cet
embellissement de sa situation fait dire à l’auteur :
Ma situation est désormais heureuse et enviable. Mon Atlas était fini et à peu près distribué ; il
m’avait produit de grandes sommes et me laissait des espérances futures ; je trouvais mon
ouvrage partout […]. Je méditais déjà une refonte de l’ouvrage ; le premier avait été fait feuille
à feuille, je voulais introduire l’unité et l’ensemble dans le nouveau41.
Las Cases liquide ses affaires avec son éditeur londonien – probablement J. Barfield- et
rentre en France après le senatus-consulte du 26 avril 1802 qui amnistie les émigrés. Il
rapporte d’Angleterre dans ses bagages 500 louis, et en laisse 2000 à son frère42, preuve du
rapide et réel succès de son Atlas sous sa première mouture.
36 Ibid., p. 82. 37 Ibid., p. 83. 38 Sur les exilés français, se reporter à M. WEINER, The French exiles, 1789-1815, London, J. Murray,
1960. 39 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 83. 40 Ibid. 41 Ibid., p. 92. 42 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit., p. 74.
16
D. Le retour en France et la première édition française
Il arrive à Paris le 9 mai 180243 où il s’installe44, avec pour projet la réalisation d’une
édition française de l’Atlas historique paru un an plus tôt en langue anglaise. A la recherche
d’un imprimeur-libraire, il s’entend avec les Didot, grande famille parisienne d’imprimeurs,
éditeurs et typographes45, qui acceptent sur le principe d’éditer son Atlas. Durant trois mois, il
part à la recherche d’anciennes connaissances, contacte les organes officiels pour obtenir leur
approbation, recherche les clients potentiels, afin de donner l’impulsion nécessaire à la
réalisation de son projet. C’est ainsi que naît une grande campagne de publicité qui prend la
forme d’un énorme tract in-folio, « prospectus » de quatre pages contenant un extrait du
Moniteur46 ; une lettre de Fourcroy47 ; et une liste de plus de neuf cent souscripteurs pour un
prix de lancement de 120 fr48.
Ce tract marque le lancement d’une nouvelle phase de conception-fabrication, il
annonçait un total de trente-deux planches à livrer en vingt-quatre mois, comprenant texte et
cartes. Le même type d’atelier que celui de Londres se met donc en place, de nouveau chez
Las Cases qui, comme à son habitude, travaille seul à la conception :
J’y travaillais sans relâche et, seul, recherchais, composais, retranscrivais, surveillais
journellement l’exécution, portais moi-même, expédiais, entretenais les curieux, correspondais
avec ma foule de souscripteurs. Le coloriage formait chez moi tout un atelier49.
Notons une nouvelle fois l’importance accordée à la couleur dans l’ouvrage, qui
nécessite l’emploi d’un grand nombre de personnes pour réaliser les lavis –technique picturale
employant un pigment délayé à l’eau et appliquée au pinceau, essentiels à la clarté de
l’ouvrage.
43 Ibid., p. 74. 44 Il loue un petit appartement au 6 rue Saint Florentin 45 Pierre Didot (1761-1853) : Imprimeur-libraire, imprimeur du Sénat (1800), de la Cour impériale
(1812) ; du Roi. Reçu libraire en 1785 ; s’établit imprimeur en 1789. En 1797, il s’installe au Louvre dans l’ex-imprimerie royale où sera imprimée l’édition française de l’Atlas. Son frère Firmin (1764-1836) est libraire, graveur et fondeur de caractères.
Sur la dynastie des Didot, consulter A. JAMMES et F. COURBAGE, Les Didot: trois siècles de typographie et de bibliophilie 1698-1998 [exposition, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 15 mai-30 août 1998, Musée de l’imprimerie, Lyon, 2 octobre-5 décembre 1998], Paris, Agence culturelle de Paris, 1998.
46 Créé en 1789, le Moniteur universel, appelé aussi Gazette nationale était le quotidien officiel du gouvernement.
47 Antoine-François Fourcroy (1755-1809), alors directeur général de l’Instruction Publique. 48 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 100. Cette liste des souscripteurs est consultable dans l’édition 1802-1804, disponible à la Bibliothèque
interuniversitaire de la Sorbonne. 49 Ibid., p. 104.
17
A ce rythme soutenu, l’Atlas est entièrement livré deux mois avant la date initialement
prévue. Le succès est au rendez-vous – la longue liste de souscripteurs en était déjà un, la
presse élogieuse. Très rapidement, Las Cases envisage la modification de certaines parties de
son ouvrage et cherche des compléments en vue d’une future édition. Il cherche aussi le
moyen d’éditer des éditions populaires, perçues comme la vocation de l’Atlas50. Dans ce but,
il envisage un temps de racheter à son éditeur les caractères et les plaques qui composent son
œuvre afin de réaliser des économies sur l’impression.
E. Une réédition orientée par son rapprochement avec l’Empire
En 1806 a lieu une seconde impression de l’Atlas historique qui, contrairement à ce
qu’avance Jean-Pierre Gaubert ne gagne pas la couleur51 – déjà présente dans les éditions
antérieures, mais gagne en clarté et surtout en ambition. En témoigne la page des « Fastes
napoléens » – l’expression ne fera pas florès, sorte de frontispice de l’ouvrage à
l’iconographie impériale et qui retrace les grandes dates de l’Empereur, donne la généalogie
de la famille impériale et montre une petite carte de l’Europe napoléonienne. Se rapprochant
de l’Empire après la bataille d’Austerlitz (voir la figure 1)52, Las Cases a probablement
imaginé cette page pour rendre hommage à l’Empereur en lui dédiant, en quelque sorte et
comme cela se pratiquait auparavant avec les monarques, son Atlas. Dans une lettre datée de
1806 et adressée à Napoléon, il lui offre d’ailleurs son ouvrage, après avoir été la même année
admis à la Cour de l’Empereur. Dès l’édition de 1802-04 de son Atlas, Las Cases –ou son
imprimeur- a mobilisé l’iconographie impériale, la reliure à décor doré montre un aigle
occupant la place centrale de la couverture. Un geste peut-être d’autant plus apprécié que
plusieurs membres de la famille Bonaparte comptent au nombre des souscripteurs53.
L’appui du gouvernement est un argument de vente pour ses ouvrages, et Las Cases
utilise dans sa préface des lettres émanant du pouvoir (Conseiller d’Etat, ministre des
Relations extérieures), comme des gages de qualité de sa production, et qui soutiennent son
ouvrage par leurs acquisitions54. C’est d’ailleurs sa paternité de l’Atlas historique qu’il met en
avant lorsqu’il sollicite dans une missive datée du 15 mars 1808 le titre de baron de
50 Ibid., p. 105. 51 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit., p. 83. 52 En décembre 1805 53 Las Cases avait lui-même rencontré Joséphine de Beauharnais plusieurs années auparavant en
Martinique. 54 Notamment pour l’usage des lycées napoléoniens.
18
l’Empire55. L’opération est habile : Las Cases vient donc chercher l’appui du gouvernement,
appui qui lui permet par la suite de servir ses ambitions personnelles comme commerciales.
Dans les années qui suivent, il se met ainsi au service de l’Empereur, d’abord en tant que
militaire, puis comme maître des requêtes, et enfin chambellan56.
Figure 1 : Le feuillet des fastes napoléens. Source : Euratlas
En 1813, il profite de ses loisirs
pour préparer une nouvelle édition de
l’Atlas qui doit contenir d’importantes
additions. Celle-ci a vu ses plaques de
cuivre – qui contiennent le dessin des
planches, entièrement regravées à neuf.
Une astuce a été trouvée pour contenter
les anciens souscripteurs de l’Atlas et
consiste en l’envoi de « grandes feuilles à
découper et coller au bas des anciens
tableaux leur permettant de bénéficier des
mêmes renseignements que les acheteurs
de la nouvelle édition »57. C’est un
principe assez similaire qui est mis en place dans les années qui suivent pour mettre à jour
l’Atlas, les acquéreurs de l’ouvrage pourront acheter des planches additionnelles – une par an
– à coller sur les onglets de réserve présents dans l’atlas.
Peu à peu, l’intérêt de Las Cases pour l’Atlas semble décroître, proportionnellement à
son engagement envers l’Empire. Il embauche pour l’année 1814-15 un secrétaire58 –
dénommé Robillard, chargé de collecter avec lui les informations nécessaires pour mettre à
jour les éditions à venir. L’exil avec l’Empereur – que nous ne détaillerons pas ici – marque
comme une rupture vis-à-vis de l’Atlas. Elle est d’abord temporelle puisque, après les Cent-
55 Citée dans E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 113. 56 Maître des requêtes en 1810, chambellan en 1811. 57 E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases, le mémorialiste de Napoléon., op. cit., p. 173. 58 J.-P. GAUBERT, Las Cases, op. cit., p. 97.
19
Jours où Las Cases revient d’un bref exil londonien pour servir Napoléon, il quitte la France
pour ne plus y revenir avant 1823. Elle est ensuite spatiale puisque à Sainte-Hélène, Lesage-
Las Cases perd contact avec l’actualité politique : loin de toute source documentaire, il est
bien incapable de continuer son Atlas59. De retour en Europe, il n’a plus qu’un projet : la
rédaction de ses conversations avec l’Empereur captif qui donnent naissance au Mémorial de
Sainte-Hélène, livre au succès immédiat et qui l’enrichit, dans les années qui suivent, bien
plus que l’Atlas a pu le faire par le passé. Dorénavant, c’est cette œuvre qui polarise la quasi-
totalité de ses écrits, même autobiographiques. Ainsi l’Atlas ne semble refaire surface dans
ses préoccupations que lorsque, menacé d’être ruiné en 1832 par une opération douteuse60, il
réédite ses œuvres – Atlas compris – avec augmentations pour faire face à ses échéances.
Cet Atlas, souvent occulté par l’œuvre de mémorialiste, parfois malmené par les
biographes de Las Cases, n’est pas passé à la postérité contrairement à la seconde œuvre de
l’auteur61. Il a cependant été le premier succès de grande ampleur pour un atlas historique.
Adopté par les lycées, prescrit pour l’usage de l’enseignement primaire, il a marqué son
époque en devenant le fer de lance d’une méthode pédagogique – basée sur la perception
visuelle des élèves et son rapport avec la mémoire – qui ne tarde pas à essaimer.
59 Assigné à résidence comme Bonaparte, il est aussi privé de correspondance avec l’extérieur. 60 Enrichi par son Mémorial, Las Cases lance la construction de quatre immeubles dont les frais se voient
augmentés, et qui trouvent difficilement preneur. 61 André Maurois dans son avant-propos à l’édition de 1956 du Mémorial qualifie Las Cases d’ « obsédé
de son pauvre atlas » p. vii ; dans le même ouvrage Jean Prévost parle d’un « ouvrage bien impersonnel, espèce de vaste abrégé scolaire » p. xxvi
20
II. La « méthode Lesage » : une pédagogie de l’histoire
« Dans sa manière de classer ou de diviser les problèmes, on retrouve l’influence de
Montesquieu : un certain esprit positif, modéré, systématique »62. C’est en ces mots que
l’écrivain Jean Prévost résume la méthode adoptée par Las Cases-Lesage pour son Atlas dans
l’édition de la Pléiade du Mémorial ; faisant référence à une influence classificatrice issue de
la philosophie de Descartes, Montesquieu et d’Alembert et relayée plus tard par Auguste
Comte. De cet ouvrage pluriel, ce que le lecteur qui en parcourt pour la première fois les
pages colorées retient, ce sont en effet d’abord ses grands tableaux. Possédant de multiples
entrées, remplis de caractères minuscules, ils présentent et classent les informations les plus
variées, déroulent la course du temps le long de leurs lignes et colonnes bien tracées. C’est en
sélectionnant les informations recueillies sur un lieu ou une époque soigneusement choisis, en
les faisant entrer dans un cadre qui est adapté à leur compréhension que Las Cases exerce son
art de la pédagogie ; c’est par cette manière de classer les objets qu’il s’est rendu célèbre et a
donné naissance à ce que nous pouvons nommer la « méthode Lesage »63.
Devenu professeur pour assurer son existence lors de son exil à Londres, il met au point
une méthode d’enseignement largement basée sur la perception visuelle en s’appuyant sur des
tables chronologiques et généalogiques. Composées d’une somme d’informations triées et
ordonnées, ce sont ces outils qui ont d’abord fait leurs preuves lors de ses leçons particulières
qu’il choisit de mettre sous presse à la toute fin du XVIIIe siècle sous le nom de Géographie
de l’Histoire64. Ce premier succès, repris plus tard dans son Atlas historique, donne le ton
pour le reste de l’ouvrage à venir. Ce dernier regroupe en 1801 non seulement des tables
(généalogiques, chronologiques) mais aussi des cartes géographiques, soigneusement insérées
dans les planches au contenu aussi divers que conséquent.
Par cette utilisation conjointe de tables et de cartes, l’Atlas se distingue d’une grande
partie de la production d’atlas de l’époque et des siècles précédents. Mettant ces différents
outils au service d’un projet plus global – la connaissance, la compréhension et la
mémorisation de l’histoire, Las Cases trace dans son Atlas les grandes lignes de sa pédagogie.
Il s’agit ici d’en étudier les fondements, en replaçant sa pensée de l’éducation dans une plus
62 E. (1766-1842 ; comte de) LAS CASES, Le Mémorial de Sainte Hélène, Paris, Gallimard, 1956. p. XXVI 63 Grafton et Rosenberg parlent d’un « système de Las Cases » dans l’ouvrage : D. ROSENBERG,
Cartographies of time, New York, Princeton Architectural Press, 2010, p.127 64 E. LAS CASES, The Geography of History... from the Christian Era to the 11th Century, Londres, 1797.
21
longue durée, avec les influences auxquelles on peut la rattacher afin d’en déterminer la part
d’innovation. Sa vision de l’histoire et des matières auxquelles il la lie est elle aussi héritée
des pédagogues qui l’ont précédé, elle nous sera éclairée par le travail de Daniel Nordman sur
la géographie – mais aussi la chronologie – comme « œil de l’histoire »65. Une étude plus
approfondie des outils et de leur mécanisme nous entrainera au cœur de la planche de Lesage
afin de mieux cerner les deux niveaux de perception auxquels elle prétend : son caractère
panoptique (ou synoptique, comme le nomme Lesage) – c’est-à-dire qui s’offre d’un seul
ensemble à la vue, et sa dimension analytique (perçue dans le cœur du texte ou de la carte).
Seront ainsi passés en revue le rôle de la couleur, du renvoi, et de la mise en page au regard de
la doctrine pédagogique de Lesage. Enfin, c’est l’usage de l’Atlas en tant que dispositif
épistémique qui sera interrogé en tentant – via un précieux exemplaire annoté par celui qui l’a
possédé – de comprendre ce qu’est un atlas de travail et de préciser sa nature de
Geschichtsatlas.
A. L’Atlas Lesage, un Geschichtsatlas
L’Atlas historique de Lesage est conçu par son auteur comme un ouvrage à but
pédagogique. Dans les préfaces de ses différentes éditions, il fait constamment référence à
l’apprentissage, à l’éducation de la jeunesse. La première édition française commence ainsi
par ces lignes : « Cet Ouvrage présentant l’ensemble de l’histoire ancienne et moderne, a été
constamment calculé pour servir tout à la fois de ressouvenir à ceux qui savent, et de guide à
ceux qui veulent apprendre ». Se revendiquant d’une utilité scolaire, Lesage qualifie son
ouvrage d’ « essentiel pour les bibliotheques, et indispensable pour les écoles : il est très
avantageux pour les maîtres, dont il seconde toutes les méthodes sans en gêner aucune ». En
faisant ainsi le compagnon idéal des écoliers, Las Cases ne limite cependant pas la portée de
son Atlas au seul public scolaire ; il clame dans le Mémorial tel un slogan : « il forme une
bibliothèque à lui seul ; c’est le vademecum du marchand, du maître d’école, de l’érudit, et de
l’homme du monde ». Un tel ouvrage se doit donc de rendre l’histoire accessible à tous ceux
qui désirent l’apprendre, mais comment choisit-il de l’enseigner ? Pourquoi articuler histoire,
généalogie, chronologie et géographie dans un même plan ? Par quels moyens l’auteur
choisit-il de représenter le temps ?
65 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », Espaces Temps, vol. 66, n° 1, 1998, pp. 44-54.
22
1. La longue tradition de la géographie comme « œil de l’histoire »
La simple consultation du titre de l’Atlas nous apprend qu’il regroupe en son sein quatre
sciences que sont l’histoire, la chronologie, la généalogie et la géographie. L’usage des trois
dernières pour la compréhension de l’histoire, peut être éclairé par un retour sur une longue
tradition française de l’étude de l’histoire.
En 1998 paraissait dans la revue Espaces Temps un article de Daniel Nordman –
aujourd’hui incontournable – sur les relations anciennes qui lient en France histoire et
géographie. La géographie s’y trouvait étudiée – d’après la tradition antique reprise par
Ortelius – comme complément de l’histoire, « l’œil de l’histoire » selon la formule consacrée.
Cette métaphore organique, plus tard devenue topos de la littérature historico-géographique,
affirmait un lien privilégié entre deux matières jugées complémentaires. Abraham Ortelius,
Johannes Blaeu et de nombreux géographes ont ainsi fait figurer cette formule au début de
leurs ouvrages pour faire valoir leur production de cartes. Malgré trois siècles qui séparent ces
pionniers de Lesage, l’auteur de l’Atlas historique ne déroge pas à la tradition mais envisage
un rapport intime liant les quatre sciences de son ouvrage :
L'atlas historique présente la réunion complète et l’amalgame heureux de l’histoire, de la
géographie, de la chronologie et de la généalogie ; ces quatre sciences, dont les rapports sont si
intimes, s’y trouvent constamment fondues ensemble de manière à ne plus présenter qu’un
nouveau tout dégagé des parties arides et rebutantes de chacune d’elles.
Si le discours de complémentarité entre géographie et histoire se retrouve dans la
plupart des ouvrages à visée pédagogique des XVIIe et XVIIIe siècles, Las Cases montre dans
le sien des ambitions pluridisciplinaires. La géographie n’est pour lui pas l’unique appui à la
compréhension de l’histoire, à l’instar de la formule issue de l’Antiquité qui bien souvent la
voyait plus volontiers comme « l’un des deux yeux de l’histoire »66 avec la chronologie.
Le discours préliminaire de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1751) définit le
rôle respectif de ces deux matières et introduit une seconde nuance dans leur rapport à
l’histoire :
66 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », Bibliothèque de l’école des chartes, n° 158, 2000, pp. 97-128.
23
La Chronologie et la Géographie sont les deux rejettons & les deux soûtiens de la science dont
nous parlons [l'Histoire] : l'une, pour ainsi dire, place les hommes dans le temps, l'autre les
distribue sur notre globe.
Cette chronologie – science des temps qui vise à calculer les années qui séparent la
Création de la naissance du Christ en dressant des calendriers – possède donc, au même titre
que la géographie, un rôle dans la compréhension de l’histoire. Les deux matières se
complètent donc puisque leurs objets respectifs permettent de situer les hommes à la fois dans
le temps et dans l’espace. Toutes deux forment un maillon de la chaîne historique. En outre,
cette définition de l’Encyclopédie établit aussi une hiérarchie dans les sciences par l’idée de
filiation : elles sont faites « instruments de l’Histoire », lui sont en quelques sortes
subordonnées. Comme le dit si justement Nordman : « complémentarité donc, mais inégalité »
entre ces sciences. Cette nuance doit être prise en compte pour comprendre la vision que
possède Lesage de l’histoire et de ce que doit être son enseignement.
L’idée de Las Cases de cette décomposition nécessaire de l’enseignement de l’histoire
en plusieurs composantes n’est donc pas nouvelle. L’association particulière de l’histoire et de
la géographie représente un enseignement combiné ancien, qui a longtemps formé les futurs
militaires et administrateurs grâce à des manuels associant les deux sciences. Ces ouvrages
pédagogiques prônaient souvent un enseignement visuel fondé sur des cartes et des atlas
géographiques et historiques67. Comme évoqué dans la partie biographique de notre étude,
Las Cases a été élève à l’Ecole militaire de Paris et a lui-même bénéficié d’un tel type
d’enseignement durant ses jeunes années. Les sources biographiques nous donnent des
éléments pour comprendre comment cet homme – qui n’est pas un savant – a pu développer
une forme de pédagogie originale. L’Ecole militaire a, en ce sens, probablement joué un rôle
décisif. Las Cases y a suivi les cours d’histoire et de géographie de monsieur de Lesguille,
qu’il évoque dans ses carnets, et dont la pédagogie a pu lui servir de référence lorsqu’il a jeté
les bases de son atlas. Si nous n’avons pas gardé trace des leçons de son professeur, nous
connaissons en revanche l’œuvre d’un de ses prédécesseurs qu’a peut-être croisé Las Cases
dans ses jeunes années : Edme Mentelle (1730-1815). Mentelle a été professeur d’histoire et
de géographie à l’Ecole militaire de 1760 à 1792 (où Las Cases s’est formé de 1780 à 1782) et
a publié de 1782 à 1804 plusieurs ouvrages pédagogiques, dont des atlas qui possèdent une
67 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit.
24
physionomie étonnamment ressemblante à l’Atlas de Lesage68. La vision des deux disciplines
que sont l’histoire et la géographie se recoupe aussi chez les deux auteurs, Mentelle insistant
sur le lien fort qui lie les deux matières scolaires, une relation néanmoins asymétrique. Il
écrit : « […] il est donc important que les élèves se préparent au cours d’histoire par l’étude
de quelques bons ouvrages de géographie, ou par des cours particuliers »69.
Bien que n’ayant reçu qu’une brève éducation scolaire, Las Cases a donc été formé dans
un milieu d’érudits, par des spécialistes de l’histoire et de la géographie qui prônaient
l’articulation entre les deux matières. Les cours d’histoire mélangeaient donc très
probablement chronologie et généalogie dans leur contenu, mais se servaient surtout de l’œil
de la géographie pour situer les lieux, et événements du passé.
2. Une pédagogie par la vue
Lorsque Las Cases devient Lesage, le jeune pédagogue s’inspire des leçons de ses
maîtres pour mettre au point un projet pédagogique ambitieux. Fort de l’utilisation combinée
de trois matières en soutien à l’histoire, il choisit de les inculquer aux élèves de sorte que « les
histoires ne [soient] plus dès-lors des études pénibles, mais seulement des lectures
agréables »70. Cette pédagogie du moindre effort passe nécessairement, selon un discours
courant à l’époque, par l’organe de la vue.
Ainsi dans son Essai d’éducation nationale publié en 1763, le magistrat breton La
Chalotais écrit : « La géographie ne doit jamais être séparée de l’histoire : c’est l’affaire des
yeux et de la mémoire et par conséquent une étude faite pour les enfants ». Dans ce
programme pédagogique, auteur affirme donc la place de la vision dans le processus
d’apprentissage de l’histoire. C’est la géographie qui se trouve ici une nouvelle fois
directement assimilée à l’œil, organe qui réfléchit la réalité : « voir de ses propres yeux
comme en un mirouër », écrivait Ortelius, ce qui a été préalablement lu et saisi par l’esprit71.
68 A son sujet, consulter la notice BNF « Edme Mentelle (1730-1815) », data.bnf.fr, s.d., [En ligne]. <http://data.bnf.fr/12001105/edme_mentelle/>. (Consulté le 13 mai 2015).
69 Cité par Nordman D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit. 70 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, A Paris, se trouve chez
l’auteur, 1802-1804, Exposé préliminaire 71 Cité par C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de
la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.
25
Dans l’histoire de l’enseignement, cette caractéristique est développée et exploitée par
les jésuites, précurseurs en matière de pédagogie particulièrement dans l’association de
l’histoire et de la géographie72. Ces derniers ont bien compris l’intérêt de la géographie pour
la compréhension de l’histoire – en ce qu’elle permet de situer objets, hommes et activités – et
l’introduisent donc dans leurs cours de manière « clandestine » comme l’écrit Dainville, dans
le but de commenter des passages de textes anciens, elle permet ainsi une meilleure lisibilité
du récit historique73.
C’est donc par un processus visuel inhérent à la géographie que l’apprentissage de
l’histoire est facilité. Les cartes et les autres formes de représentation visuelle deviennent ainsi
support au regard. Ce regard permet une compréhension jugée plus naturelle des choses, plus
directe. La vue comme un des cinq sens d’Aristote, est un instrument de la perception parmi
d’autres. Elle est à l’époque – c’est ce qu’on retrouve dans le discours de Lesage – envisagée
comme un lien direct avec l’esprit. La carte ou la table, consultée comme une image et non
parcourue comme un texte, permettrait donc une moindre débauche d’efforts lors de
l’apprentissage. Notre auteur écrit en exposé préliminaire :
En un mot [l]es révolutions et [l]a destinée [d'un peuple], viennent frapper le jugement sans
fatiguer la mémoire, parcequ’elles arrivent à l’esprit sans effort physique, sans opérations
abstraites, mais seulement par l’effet simple (sic) de la vue74
.
En somme, la perception visuelle permettrait de court-circuiter l’effort que représente la
mémorisation de faits en agissant directement sur l’esprit (voir le schéma page suivante).
72 F. de DAINVILLE et M.-M. COMPERE, L’éducation des jésuites, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, Éd. de Minuit, 1978 (Le sens commun 55).
73 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit. 74 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, op. cit, Exposé
préliminaire.
Ce pouvoir de l’œil reprend des conceptions qui imprègnent la pensée cartographique
et donc géographique puisque l’auteur de cartes n’est nommé cartographe que depuis le XIXe
siècle75 – de longue date ; on retrouve ainsi aisément les inspirations théoriques de Lesage au
XVIIe siècle chez l’historien et homme d’Eglise Thomas Fuller qui dan
descriptive de la Terre Sainte écrit
the eare can learn in a day of discourse
Manuel Schramm a ainsi résumé la visée de l’Atlas de Lesage : «
to facilitate the private study of history by applying the methods of geography, especially in
the form of visualization »77. Cette pédagogie par la vue pour laquelle a opté Las Cases ne se
restreint cependant pas seulement à la géographie. nous l’avons esquissé, l’auteur
s’intéresse pas uniquement à l’impact que vont avoir ses cartes sur les lecteurs, il travaille
aussi à celui de ses grands tableaux qui représentent pour lui la «
bien l’ensemble de son travail graphique, mais en premier lieu
démêler la science complexe qu’est l’histoire et ainsi de «
labyrinthe de peuples et de révolutions
75 C. HOFMANN, Artistes de la carte: de la géographe, Paris, Autrement, 2012,
76 T. FULLER, A Psigah-Sight of Palestine77 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness.
Center for European Studies, n° n°21, 2014, pp. 1
Figure 2 : Le processus de perception des images d'après LesageSource : réalisé par l'auteur sous Inkscape
Ce pouvoir de l’œil reprend des conceptions qui imprègnent la pensée cartographique
et donc géographique puisque l’auteur de cartes n’est nommé cartographe que depuis le XIXe
; on retrouve ainsi aisément les inspirations théoriques de Lesage au
XVIIe siècle chez l’historien et homme d’Eglise Thomas Fuller qui dan
descriptive de la Terre Sainte écrit : « The eye will learn more in an hour from a Mappe than
the eare can learn in a day of discourse »76.
Manuel Schramm a ainsi résumé la visée de l’Atlas de Lesage : « The general idea was
e private study of history by applying the methods of geography, especially in
. Cette pédagogie par la vue pour laquelle a opté Las Cases ne se
restreint cependant pas seulement à la géographie. nous l’avons esquissé, l’auteur
s’intéresse pas uniquement à l’impact que vont avoir ses cartes sur les lecteurs, il travaille
aussi à celui de ses grands tableaux qui représentent pour lui la « clef de l’histoire
bien l’ensemble de son travail graphique, mais en premier lieu ses tableaux qui permettent de
démêler la science complexe qu’est l’histoire et ainsi de « parcourir sans embarras le
labyrinthe de peuples et de révolutions ». La géographie et, par conséquent, la carte ne
Artistes de la carte: de la Renaissance au XXIe siècle : l’explorateur, le strat introduction.
ght of Palestine, 1650. The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century
, n° n°21, 2014, pp. 1-50.
: Le processus de perception des images d'après Lesage Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape
26
Ce pouvoir de l’œil reprend des conceptions qui imprègnent la pensée cartographique –
et donc géographique puisque l’auteur de cartes n’est nommé cartographe que depuis le XIXe
; on retrouve ainsi aisément les inspirations théoriques de Lesage au
XVIIe siècle chez l’historien et homme d’Eglise Thomas Fuller qui dans sa géographie
The eye will learn more in an hour from a Mappe than
The general idea was
e private study of history by applying the methods of geography, especially in
. Cette pédagogie par la vue pour laquelle a opté Las Cases ne se
restreint cependant pas seulement à la géographie. nous l’avons esquissé, l’auteur ne
s’intéresse pas uniquement à l’impact que vont avoir ses cartes sur les lecteurs, il travaille
clef de l’histoire ». C’est
ses tableaux qui permettent de
parcourir sans embarras le
». La géographie et, par conséquent, la carte ne
: l’explorateur, le stratège, le
Historical Atlases in the 18th century »,
27
peuvent tout expliquer, l’importance que Lesage lui accorde est donc relative parmi les autres
soutiens à l’histoire que sont la généalogie et la chronologie. L’auteur concède d’ailleurs
volontiers dans le Mémorial que la géographie est la partie faible de son Atlas et qu’elle lui a
demandé moins de travail et de recherches que le contenu historique et les tables
généalogiques.
3. Une vision relativement traditionnelle de l’histoire
Las Cases, homme du XVIIIe siècle a sans aucun doute été influencé par la pensée des
Lumières comme le suggérait Jean Prévost en 1956, il faut cependant noter que la vision de
l’histoire qu’il propose au sein de son Atlas reste assez traditionnelle. Largement porté sur les
généalogies, les guerres, les batailles, Las Cases-Lesage fait montre d’une vue que Manuel
Schramm qualifie de « aristocratic view of history that emphasized the achievements of great
men like generals and princes »78 dans un article sur la vision de l’histoire dans les atlas
historiques. Las Cases, né dans une vieille famille de la noblesse provinciale79, monarchiste
convaincu jusqu’au tournant du XIXe siècle, souscrit logiquement à une vision de l’histoire
que l’on qualifierait de dynastique : l’histoire faite par les chefs ou souverains et leurs
familles. En ce sens, l’Atlas apparaît comme très conventionnel et se range parmi les atlas du
siècle précédent80 ; sa vision de l’histoire se rapprochant, par exemple, de celle trouvée dans
le Châtelain au début XVIIIe.
La chronologie qu’il utilise ne déroge pas non plus à la tradition de l’époque. Prenant
dans sa planche d’Histoire universelle antique la date de 4004 av. J.-C. comme date de la
Création, il ne place pas la science moderne en contradiction avec la parole de la Bible. Selon
Schramm, il est un des derniers auteurs d’atlas historiques à utiliser cette date comme
convention à la naissance de l’humanité sans la critiquer ou en interroger la valeur. Chez Las
Cases, ce point de vue chrétien de l’histoire persiste donc, et se retrouve dans les différentes
planches. Ainsi l’Atlas Lesage, nous le verrons au chapitre II, n’accorde pas vraiment
d’histoire aux peuples non-européens. Il est ici clairement en retard sur la science de l’époque
qui par la découverte de l’histoire de la Chine, ou encore de l’Egypte on permis de réévaluer
78 Ibid. 79 Sur l’extraction noble de Las Cases et le contexte familial, voir E. (1912-1995) LAS CASES, Las Cases,
le mémorialiste de Napoléon., Paris, Arthème Fayard, 1959 (Le temps et les destins), chapitre 1. 80 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,
art. cit.
28
la vision européenne traditionnelle de l’histoire. Ce retard se pondère néanmoins par deux
points : d’une part, les atlas sont systématiquement en retard sur les connaissances de leur
temps en ce que leur réalisation procède de la compilation d’informations ; l’actualité de leur
contenu est donc tributaire des sources qu’ils utilisent. Ensuite, il faut signaler qu’à l’époque,
aucun atlas historique ne met civilisation européenne et non-européenne sur un pied d’égalité
dans son contenu.
Lesage inculque donc aux enfants une histoire faite par les grandes dynasties
européennes et principalement centrée sur ce même espace. Cette histoire dynastique fait la
part belle aux tables généalogiques, considérées comme propédeutique à l’étude de l’histoire
puisque placées en tête de l’étude de chaque pays d’Europe qui l’intéresse. Dès le XVIe
siècle, Reiner Reineck, professeur d’histoire à Helmstedt, voyait la généalogie comme une
forme d’étude « précise et intensive » et avançait qu’elle « illumine toutes les autres parties de
l’histoire, qui sans elles ne porteraient pas de fruits ». La base de l’histoire telle qu’il
l’envisageait était donc formée de dizaines de squelettes généalogiques. Lesage, qui souscrit à
cette vision, n’est pas encore entré dans l’histoire telle qu’elle est pratiquée au XIXe siècle, et
qui se centre sur l’Etat-nation et ses frontières.
B. « Le vade mecum de l’étudiant »
La seconde moitié du XVIIIe siècle est marquée par un développement des
préoccupations pédagogiques81 dans lequel s’insère parfaitement l’Atlas Lesage. Avec l’Atlas,
Las Cases réalise un abrégé de connaissances historiques – sorte de manuel – nécessaires à
l’étudiant de l’époque pour la bonne poursuite de ses études dans la discipline, ce que les
Allemands nomment Geschichtsatlas. Le précis historique est une forme qui a gagné en
popularité durant les décennies qui précèdent Lesage, et leur production a été conséquente82.
Parmi les pédagogues revendiqués qui précèdent Lesage, Claude Buy de Mornas est de ceux
qui mettent la carte au service d’un enseignement méthodique de l’histoire. Professeur
d’histoire et géographie à l’Ecole militaire – tout comme le sont après lui Lesguille et
Mentelle – il publie des manuels de géographie, un traité pédagogique ainsi qu’un Atlas
méthodique et élémentaire. Au même titre que ses deux successeurs, il influence très
81 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.
82 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », Orbis, vol. 47, n° 2, 2003, pp. 277-293.
29
probablement par son travail la pensée pédagogique de Lesage. Ce dernier se positionne selon
Manuel Schramm qui cite le guide à la première édition anglaise : « at an intermediate level
between that of school textbooks and scholarly literature »83, soit entre le manuel scolaire et
la littérature savante. Ce positionnement intermédiaire permet d’expliquer la nécessité qu’a eu
Las Cases, une fois son Atlas bien implanté, de le décliner en des éditions plus précisément
destinées à l’usage scolaire, publiant un Atlas élémentaire en 1829, puis son Manuel en
183084. Ces éditions viennent confirmer la visée populaire de l’Atlas, un ouvrage qui s’adresse
sous ses déclinaisons aux scolaires dans un sens très large. A titre d’exemple, l’édition de
1829 abrégée pour la jeunesse se positionne ainsi :
La méthode de Lesage, adoptée par le conseil royal et recommandé par le ministre de
l’instruction publique, exclut toute théorie, toute abstraction, et se réduit en quelque sorte à une
simple pratique : aussi est-ce ce qui la met à la portée de tous les âges, de toutes les
intelligences, et l’approprie spécialement à l’instruction primaire85.
Comme le résume Walter Goffart : « Content to divert and please, the Atlas Lesage
remained, most of all, unpretentiously pedagogic »86. Malgré les qualités pédagogiques de
son Atlas, Las Cases reste un amateur : bien que bon étudiant et insatiable lecteur, son
approche n’est pas académique87, au contraire de beaucoup de professeurs qui lui sont
contemporains ou encore de ses maîtres de l’Ecole militaire88. Sa méthode d’apprentissage
n’en est pour autant pas moins aboutie et suit une même logique tout au long de l’ouvrage. La
manière dont l’auteur souhaite faire comprendre l’histoire au jeune public qui la découvre est
d’ailleurs bien formatée. L’étude des différentes puissances européennes qui forme la majeure
partie de l’Atlas suit toujours un même schéma qui fait montre d’une progression logique dans
l’apprentissage. Las Cases fait le choix d’aborder chaque pays en deux temps, qui sont autant
83 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.
84 Qui sont tous deux composés de planches tirées de l’Atlas : trois planches plus la Charte de 1830 – qui fonde la monarchie de Juillet – pour le Manuel, 10 cartes et tableaux pour l’Atlas élémentaire.
85 E. LAS CASES, Atlas élémentaire, géographique, historique, chronologique, et généalogique, ou choix des dix cartes les plus classiques du grand atlas, de A. Lesage (Comte de Las Cases), a l’usage des collèges et maisons d’éducation pour l’instruction de la jeunesse., Paris, Leclère, 1829. Exposé préliminaire.
86 W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of Chicago Press, 2003, p. 313.
87 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit. ; W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », Nottingham Medieval Studies, n° 32, 1988, pp. 49-64.
88 Parmi ses contemporains bien insérés dans les réseaux académiques, on pense notamment au professeur allemand Christian Kruse et son Atlas und Tabellen zur übersicht der Geschichte aller europäischen Länder und Staaten de 1802.
de planches qui se succèdent. La vision dynastique de l’histoire dont nous venons de parler
dans la partie précédente l’amène à placer en tête de partie un tableau généalogique des
souverains régnant sur le pays, mélangé
une seconde étape, matérialisée par une deuxième planche que la chronologie se mêle et vient
répondre à la géographie par l’utilisation d’une carte du pays. L’étudiant, au fil de sa
progression dans les pages progresse ainsi dans l’apprentissage, acquérant d’abord la
connaissance des personnages, puis celle de leurs actions et enfin les matérialisant sur une
carte pour aider à la mémorisation de ces connaissances. Le schéma suivant peut ainsi être
dressé :
Figure 3 : Modèle d'apprentissage selon la méthode de Lesage.Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape
Las Cases a donc constitué, sur quelques pages consacrées à un même espace
géographique, un répertoire de faits, dates e
mémoires historiques. Malgré la structure géographique de son atlas (dont nous reparlerons
dans le chapitre II), la géographie est ici surtout un outil facilitant l’intégration de
de planches qui se succèdent. La vision dynastique de l’histoire dont nous venons de parler
dans la partie précédente l’amène à placer en tête de partie un tableau généalogique des
souverains régnant sur le pays, mélangée à des éléments de chronologie. C’est seulement dans
une seconde étape, matérialisée par une deuxième planche que la chronologie se mêle et vient
répondre à la géographie par l’utilisation d’une carte du pays. L’étudiant, au fil de sa
pages progresse ainsi dans l’apprentissage, acquérant d’abord la
connaissance des personnages, puis celle de leurs actions et enfin les matérialisant sur une
carte pour aider à la mémorisation de ces connaissances. Le schéma suivant peut ainsi être
: Modèle d'apprentissage selon la méthode de Lesage. Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape
Las Cases a donc constitué, sur quelques pages consacrées à un même espace
géographique, un répertoire de faits, dates et personnages, comme une anthologie d’aide
mémoires historiques. Malgré la structure géographique de son atlas (dont nous reparlerons
dans le chapitre II), la géographie est ici surtout un outil facilitant l’intégration de
30
de planches qui se succèdent. La vision dynastique de l’histoire dont nous venons de parler
dans la partie précédente l’amène à placer en tête de partie un tableau généalogique des
e à des éléments de chronologie. C’est seulement dans
une seconde étape, matérialisée par une deuxième planche que la chronologie se mêle et vient
répondre à la géographie par l’utilisation d’une carte du pays. L’étudiant, au fil de sa
pages progresse ainsi dans l’apprentissage, acquérant d’abord la
connaissance des personnages, puis celle de leurs actions et enfin les matérialisant sur une
carte pour aider à la mémorisation de ces connaissances. Le schéma suivant peut ainsi être
Las Cases a donc constitué, sur quelques pages consacrées à un même espace
t personnages, comme une anthologie d’aide-
mémoires historiques. Malgré la structure géographique de son atlas (dont nous reparlerons
dans le chapitre II), la géographie est ici surtout un outil facilitant l’intégration de
31
connaissances. Daniel Nordman, paraphrasant une circulaire ministérielle de l’an VII, rappelle
ainsi que les notions de géographie sont du ressort de la mémoire et conviennent aux écoles
primaires89. Dans ce même sens, assez peu flatteur pour la géographie, Numa Broc rappelle le
manque de considération qu’inspirait la matière au début du XIXe siècle, les spécialistes
comme le public cultivé la regardant comme un « répertoire de faits, un catalogue de lieux,
une nomenclature tout juste bonne à exercer la mémoire des écoliers et à faciliter la lecture
des gazettes »90. Lesage, à l’écart des controverses d’érudits, n’adhère pas à ce discours de
dévaluation de la géographie. Il trouve plus simplement dans la matière un bon levier de
mémorisation et donc un apport substantiel à l’étude de l’histoire.
La carte est un schéma, rudimentaire dans le tracé de sa géographie, qui accompagne
visuellement l’apprentissage. Cette remarque, surtout valable pour les cartes livrées avec les
premières éditions de l’Atlas qui évoluent peu dans le temps (cartes des pays d’Europe),
montre bien le but de l’Atlas de fournir des cartes utiles à une compréhension globale de
l’histoire. Ainsi les sources utilisées ne sont plus antiques – comme utilisaient les
prédécesseurs de Lesage, mais des histoires universelles ou particulières écrites par ses
contemporains. Pour forcer un peu le trait l’on peut dire que compte moins l’exactitude des
propos – Lesage ne manipule pas les sources primaires il est tributaire de ses contemporains,
que la manière avec laquelle l’information est présentée91. Son Tableau de la transmigration
des Barbares suit cette logique de compréhension globale de l’histoire et regroupe pour la
première fois les invasions barbares en une seule et même carte. Adoptant une vision globale
– mais pas simpliste – de l’histoire, il y télescope cinq siècles, parvient à y faire figurer toute
la diversité des peuples « barbares », leurs lieux d’origine, leurs trajets et leurs points
d’arrivée dans une « comprehensive image [image globale, exhaustive] »92.
L’Atlas a revendiqué contenir tout ce dont avaient besoin étudiants et novices pour
apprendre et comprendre l’histoire, du moins à un niveau élémentaire et squelettique. N’étant
pas un ouvrage destiné aux érudits, ceux qui le consultent ne se destinent pas à de grandes
réflexions sur des sujets historiques. L’atlas n’est pas un livre qui se lit de la première à la
89 D. NORDMAN, « La géographie, œil de l’histoire », art. cit. 90 N. BROC, J. SAGNES et P. PINCHEMEL, Regards sur la géographie française de la Renaissance à nos
jours, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1994 (Etudes), p.180. 91 Ainsi lorsqu’il dit étudier l’histoire d’Allemagne avec son compagnon d’armes Volude, il s’attache
principalement à organiser les informations dont il dispose – probablement limitées puisque emportées avec lui à Wight en campagne militaire – dans ses tableaux synoptiques, qu’à croiser ces mêmes informations avec d’autres sources.
92 W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », art. cit.
32
dernière planche. Ainsi, l’homme du monde le parcourt en se remémorant les dates et
événements appris dans sa jeunesse. Mais c’est surtout l’écolier qui vient y piocher des
morceaux choisis, accompagnant ainsi le cours de son professeur au long de l’année au gré
des époques abordées. Walter Goffart voit donc cet atlas comme un outil au « bachotage » :
« The Atlas Lesage is a tool for cramming [bachotage], useful for those, young and old, who
desired to equip themselves hastily with useful particles of knowledge »93. Cette dénomination
peut-être un peu provocatrice qu’a choisie Goffart rend bien compte de l’usage de vademecum
qui peut être fait de l’Atlas. Il occulte cependant la dimension d’apprentissage qui sous-tend
l’ouvrage : il n’est pas un simple répertoire mais suit une progression bien définie – partant de
la généalogie pour comprendre la chronologie et les fixer simplement et durablement par la
géographie –qui accompagne l’élève dans les étapes de son apprentissage de l’histoire. Sont
mis au service de cette compréhension des temps passés la carte et la table : deux outils qui
portent son projet pédagogique et donnent sa spécificité à l’Atlas Lesage.
C. Tracer la ligne du temps
« De tous les atlas, ceux qui se proposent de suivre les circonvolutions de l’histoire sont
sans doute les plus complexes »94. Encore aujourd’hui, malgré toutes les avancées techniques
dont nous disposons, la représentation des changements temporels représente un défi. C’est ce
que rappelle Catherine Hofmann dans un article sur les origines de l’atlas historique. Las
Cases, pour tenter de rendre compte au mieux de la complexité des faits historiques, a choisi
de multiplier les moyens de communication. Il a préféré à une histoire racontée par écrit une
communication visuelle, qu’il juge plus efficace pour transmettre le savoir à la jeunesse.
Détaillons donc ici les choix méthodologiques – qu’ils soient ou non conscients – qui ont
précédé la conception de ces médias.
1. La carte synchronique
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, apprendre la géographie c’est avant tout « savoir la
carte »95, l’enseignement de l’histoire, quant à lui, se lie de plus en plus étroitement – nous
l’avons vu – avec celui de la géographie. Au XIXe siècle avec Lesage ce sont les grands
93 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 313. 94 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte
comme “oeil de l’histoire” », art. cit. 95 C. HOFMANN, Artistes de la carte, op. cit. Introduction.
33
événements de l’histoire longue d’un espace qui se trouvent résumés sur la carte, en perpétuel
dialogue avec le texte qui l’entoure. L’époque de Lesage correspond à un moment
d’innovation dans le domaine de la carte historique, plusieurs techniques ont coexisté dans ce
qui a pu s’apparenter à différentes écoles cherchant le meilleur moyen de représenter la course
du temps. Catherine Hofmann classe ces approches méthodologiques en trois grands courants
qui représentent autant de moyens mis en place pour pallier les insuffisances de la carte à
exprimer les changements temporels96. Ces approches coexistent, se développent, trouvent
leurs défenseurs, sans qu’aucune ne devienne réellement paradigmatique.
La première méthode est celle des géographies comparées qui consiste soit à
accompagner la carte d’un ensemble d’éléments textuels (exposés ou notices historico-
géographiques), soit à mettre en parallèle cartes historiques et cartes modernes pour figurer le
changement. Mentelle réalise par exemple un mélange de ces deux techniques en proposant
par pays à la fois de longues descriptions, des tableaux et des cartes.
Figure 4 : La carte d'Afrique par Mentelle. Souce : Gallica
96 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.
34
Une autre approche, qui connaît un large succès à la fin du XVIIIe siècle consiste à
multiplier les cartes à intervalle de temps régulier pour rendre compte des « révolutions de
l’histoire ». Jeremy Black décrit cette technique et en critique le résultat :
The[se] atlases depict the passage of time and mark in it the location of events through a series
of chronologically different maps that the reader is supposed to differentiate by a process of
scrutiny [examen attentif]. […] This scrutiny can be aided by the cartographic devices, most
obviously arrows, and by text, but neverthless, a significant problem for all static graphic
depictions of historical change is that they lack a dynamic dimension and so depict change as a
series of stages or « stills » [instantanés], rather than a continuum97.
En somme, il s’agit de multiplier les images arrêtées à différents instants t ; l’œil est
ensuite chargé de les lier, en observant une carte puis la suivante, pour redonner vie aux
évolutions temporelles. Ce procédé, assimilable aux images successives du cinématographe,
est inventé par Philippe de la Rüe dans son atlas La Terre sainte en six cartes géographiques
dès 165198. Il y réalise une succession chronologique de cartes de la Terre saintes qui lui
permet de figurer son organisation depuis les origines (Canaan), jusqu’à la Syrie moderne
sous domination ottomane99. Cette méthode est reprise et connaît un large succès dans la
seconde moitié du XVIIIe siècle, Goffart écrit : « Soon after Hase’s death [in 1742], began the
era of the universal sequential atlases, that lasted until the 1830s »100. Emerge une sorte
d’école, reposant sur ce choix conventionnel et très largement germanique, dont Christian
Kruse sera l’un des promoteurs. Il réalise des atlas d’histoire universelle – souvent jugés plus
impressionnants que celui de Lesage – illustrés d’une succession de cartes strictement
chronologique. Une critique allemande de l’Atlas de Lesage parue dans l’Allgemeine
Literatur-Zeitung et datée de 1804 s’attaque violemment à Lesage, et lui reproche de ne pas
utiliser cette méthode. Pour l’auteur, l’atlas séquentiel universel doit être la forme des atlas
historiques, à l’image d’une grande partie de la production allemande d’atlas de son temps101.
Faire le récit des événements par images successives n’est pas l’idée qu’adopte Lesage,
celui-ci n’a peut-être d’ailleurs jamais croisé d’atlas d’histoire universelle sous la forme
97 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit. 98 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group
Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne]. <http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15
avril 2015). 99 P. DE LA RUË, La Terre Sainte en six cartes géographiques, Paris, Mariette, 1651. 100 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit. 101 Allgemeine Literatur-Zeitung, vol. 4, n° 346, décembre 1804, p. 522. Cité par Goffart.
35
séquentielle102, résolument allemande. Notre auteur s’inspire plutôt de ce qu’il a eu sous les
yeux dans ses années d’étude. Il adhère ainsi à la démarche de Claude Buy de Mornas
(pédagogue, professeur à l’Ecole Militaire où a étudié Las Cases) qui proposait, dans un atlas
en trois parties resté inachevé, de « faire marcher d’un pas égal la géographie, la chronologie
et l’histoire »103. Toujours selon Mornas, l’intérêt était de donner une « triple image des lieux,
des époques, des événements ». L’idée-mère de l’atlas est donc de lier ces disciplines, et c’est
ce que réalise Las Cases dans un plan géographique plutôt que chronologique – comme le
pratiquaient ses confrères outre-Rhin. L’Atlas Lesage n’expose donc pas une série
chronologique de cartes par pays d’Europe, il choisit de se limiter à une ou deux cartes pour
chaque pays (parfois plus comme pour l’Allemagne) ou par région du monde. Ces cartes sont
synchroniques, c’est-à-dire qu’elles regroupent sur un même fond différent moments de
l’histoire. On constate par conséquent un très grand éclectisme dans les cartes de l’Atlas : la
carte d’Angleterre compile sur un même plan les campagnes de Guillaume le Conquérant
1027-1087), de l’Armada espagnole (vaincue à Gravelines en 1587), de Charles Ier
d’Angleterre (1600-1649), et de Charles II (1630-1685). Cette surabondance de batailles, de
toponymes, de trajets de troupes introduit une certaine confusion dans la carte qui paraît
désordonnée104. L’invasion de l’Italie par Hannibal au IIIe siècle avant J.-C. est quant à elle
plaquée sur un fond de carte montrant l’Empire romain au IVe siècle après J.-C.. Selon
l’historien Watler Goffart, une des spécificités de Lesage est cette carte au long cours :
« [Lesage] is envisaging a map as a long stretch of the past – the whole antiquity or the
whole of modern times. ». Ces cartes témoignent de la perception de l’histoire qu’avaient
Lesage et ses contemporains : faire figurer une si longue distance temporelle sur une même
carte témoigne d’une conception du temps plus « étirée », qui s’inscrit dans la perception d’un
« temps vide et homogène » formulée par Walter Benjamin105.
102 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit. 103 C. BUY DE MORNAS, Atlas méthodique et élémentaire de géographie et d’histoire. Seconde partie.,
Paris, Valleyre, 1761. Introduction. Cité par Hofmann. 104 « especially messy » selon J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven,
Yale University Press, 1997, p. 38. 105 Sur la perception de l’histoire, voir W. BENJAMIN, Sur le concept d’histoire, Paris, Payot et Rivages,
2013.
36
C’est sur la longue durée que Lesage innove donc, il fait le choix dans de multiples
cartes de représenter des processus longs, auxquels il redonne une cohérence dans la
progression, une unité dans les fins. Ainsi c’est la formation progressive du territoire français
qui occupe une des deux cartes consacrées à la France, découpant le territoire en autant de
provinces progressivement agglomérées au domaine d’Hugues Capet (pl. XII)106. Il y fait
figurer, par un
choix de
couleur, l’ordre
et la nature des
réunions
successives au
royaume : le
rouge est un
gain par la
violence, le vert
représente un
héritage ; un
mariage, un
traité ou un
achat donne une
province jaune.
Il fait de même
lorsqu’il
représente
l’évolution du territoire de la monarchie espagnole, dans laquelle il distingue les héritages
respectifs d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon qui permirent l’union des deux
royaumes (pl. XVIII). Encore dans la carte des Etats allemands (pl. XIX), plus anecdotique,
mais qui répertorie à l’aide de texte dans la carte l’origine et la formation des Etats qui
composaient l’Empire germanique.
106 Pierre Duval au XVIIe siècle propose déjà une ébauche de cette idée avec les Acquisition de la France par la paix (1660) montrant les agrandissements territoriaux résultant des traités de Westphalie et des Pyrénées. Mais les changements territoriaux ne reprennent que ceux des quinze années qui précèdent la parution de la carte.
Figure 5 : Le territoire de la monarchie espagnole Source : cliché personnel
37
Goffart nous permet de conclure sur ce point, lorsqu’il affirme « Las Cases seems
justified in claiming to innovate when he mapped these processes »107. Cette remarque
contredit aussi l’affirmation de Jeremy Black qui, se focalisant probablement sur les cartes les
plus rudimentaires, et déçu par leur pauvre rendu esthétique108, ne voit les cartes
géographiques de Las Cases que comme « clearly secondary »109. Novateur donc, en matière
de cartes, mais pas seulement.
Dans tout l’ouvrage, la carte est en effet vantée pour son pouvoir synoptique, mais « elle
s’avère impuissante à exprimer à elle seule le temps et l’histoire dans toute sa complexité »110
rappelle Catherine Hofmann. C’est ici que Las Cases montre la cohérence de son projet,
puisqu’il tente à la fois d’utiliser le pouvoir synoptique de la carte géographique, et d’élargir
cette caractéristique visuelle à toutes les disciplines regroupées dans son atlas. Las Cases
élargit la définition classique du terme « carte »111 en regroupant dans sa préface tous ces
éléments sous l’appellation de « tableau » (géographique, généalogique…). Ne les concevant
pas différemment des cartes géographiques, il les envisage comme dispositif pour diffuser le
savoir par le positionnement rationnel d’informations dans l’espace de la planche.
2. Les tables chronologiques et généalogiques
Le tableau ou la table est un moyen de mettre en ordre la connaissance, il « nécessite un
recours à l’abstraction, à la généralisation, à la formalisation »112 qui peut donner naissance à
diverses formes de présentation. Il permet, sous une forme claire et ramassée de présenter un
ensemble quelconque de faits ou de relations par sa disposition en colonnes et en lignes sur
une seule page ou feuille113. Le tableau, comme le rappelle Jack Goody est essentiellement un
procédé graphique, son caractère bidimensionnel et figé permet une représentation simplifiée
de la réalité. Il est ainsi tout à fait à sa place dans un ouvrage comme l’Atlas historique,
chronologique, généalogique et géographique, à des fins de compréhension globale, voire de
« bachotage » historique.
107 W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », art. cit. 108 Il écrit : « The overall effect, however, was very crude » dans J. BLACK, Maps and history, op. cit., p.
37. 109 Ibid., p. 36. 110 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte
comme “oeil de l’histoire” », art. cit. 111 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit. 112 J. GOODY, La raison graphique, Paris, Les éditions de minuit, 1979, p. 109. 113 Goody cite ici le Shorter Oxford Dictionnary Ibid., p. 111.
38
Dans l’ouvrage de Lesage, ces tableaux correspondent à ce que nous nommons
aujourd’hui diagramme chronologique ou arbre généalogique. Leur impact visuel inspire une
grande homogénéité au sein de l’Atlas, d’abord provoquée par leur unité graphique mais aussi
par leur poids égal dans le plan. Cette répartition permet à Goffart de déduire : « Time charts,
genealogical tables, « geographies » of history were, as he saw them, on an equal footing
with topography. »114.
Au XIXe siècle, l’utilisation de diagrammes chronologiques pour organiser les
informations est encore une pratique relativement récente. Cette forme de table, capable
d’intégrer presque tous les types de données, de résoudre les difficultés inhérentes à la fusion
des histoires de plusieurs civilisations (comme dans les tableaux du début de l’Atlas : Histoire
universelle ancienne, Histoire universelle moderne, et les deux tableaux de la Géographie de
l’Histoire), permettent un accès rapide au données et une production et correction aisée115. La
volonté d’une représentation synoptique se traduit en une planche qui se consulte selon
différents niveaux de lecture : depuis les grands mouvements de l’histoire aux plus petits
événements qui s’y insèrent.
Une nouvelle fois, il paraît pertinent de confronter le contenu de l’Atlas aux productions
qui le précèdent. Pour ce qui est des tables chronologiques, Lenglet du Fresnoy, érudit du
XVIIIe siècle, semble avoir été fondateur. Il publie en 1729 ses Tablettes chronologiques de
l’histoire universelle qui visent à inculquer aux étudiants – qui ne peuvent lire la totalité de la
production historiographique – les bases de la chronologie. Cet ouvrage dont les tables
ressemblent beaucoup à celles de Lesage, la couleur en moins, défend l’importance de la
chronologie vis-à-vis de l’histoire. Précurseur dans la traduction graphique d’informations, il
pointe la nécessité d’un bousculer les frontières de la représentation synoptique116.
Trente ans plus tard, l’Anglais Joseph Priestley, dans A Chart of Biography invente le
dialogue et l’enrichissement mutuel entre la pensée historique et de nouvelles formes
d’expression graphique. Considérant la ligne du temps non pas comme une image de
l’Histoire, mais de manière plus pragmatique comme « un excellent moyen mécanique d’aide
à la connaissance de l’Histoire ». Il met ainsi au point une représentation novatrice
privilégiant une vue d’ensemble – le caractère synoptique donc, couplée à une vision
114 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit., p. 308. 115 D. ROSENBERG, Cartographies of time, op. cit. 116 Ibid., p. 103.
39
synchronique des événements qui sert d’aide à la mémoire117. Sa démarche est en ce sens
finalement très proche de celle de Las Cases moins d’un demi siècle plus tard.
Ainsi, Las Cases bénéficie de l’œuvre de ces précurseurs dans la traduction visuelle
d’une information chronologique et généalogique. Au XIXe siècle, « la convention de la ligne
du temps [commence à] devenir naturelle »118, elle rentre dans les pratiques – notamment
scolaires – de l’époque. Las Cases adopte cette formalisation qu’il considère pertinente à des
fins de compréhension générale de l’histoire, pour le loisir de l’homme du monde comme
pour la formation de l’étudiant. Comprenant cartes, textes, tables généalogiques et
chronologiques, l’Atlas innove par la multiplicité de ses moyens de communication : « the
atlas is not a simple collection of maps, but rather embodies an approach to history that
today would be labeled as multi-media learning »119. Ces outils sont complémentaires,
répondent les uns aux autres et sont utilisés dans des proportions équivalentes à la
compréhension de l’histoire. En ce sens, Las Cases anticipe – ou plutôt influence directement
– les atlas modernes120. Il participe de l’émergence de l’atlas historique sous sa forme telle
que nous la connaissons aujourd’hui.
D. De l’usage de l’Atlas, les stigmates d’un atlas de travail : l’édition 1808 de
la Bibliothèque Sainte Geneviève
Après avoir rendu compte des outils qui permettent à ce Geschichtsatlas de remplir son
rôle, il semble intéressant de se tourner vers les modalités d’appropriation de ce dispositif
épistémique. Partant d’une interrogation simple, mais qui parait au premier abord difficile à
résoudre : quel usage pouvait être fait de l’Atlas Lesage par ses lecteurs ?
Un des problèmes majeurs auquel le chercheur qui s’intéresse à l’Atlas de Lesage est
confronté repose dans la provenance des sources. Premier constat, les éditions de l’Atlas que
détiennent les bibliothèques – tout du moins parisiennes – n’ont généralement jamais servi
aux contemporains en dehors de ces mêmes bibliothèques. Une édition comme celle de 1802-
1804 de la Bibliothèque de la Sorbonne, qui est pourtant un ouvrage de prix décerné à un
élève, ne ressemble en rien à un atlas d’étude. Sa reliure dorée à la feuille d’or aux armes de
117 Ibid., p. 20. 118 Ibid., p. 21. 119 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,
art. cit. 120 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », art. cit.
40
l’Empereur en fait clairement une édition de prestige ; qui plus est, cette dernière est entrée de
très bonne heure dans les collections des bibliothèques par don ou legs. De même, la diffusion
de l’Atlas a été très large. Il a rapidement été adopté par l’instruction publique pour en fournir
les bibliothèques ; ceci explique la présence actuelle d’éditions de l’ouvrage jusque dans de
petites bibliothèques municipales. Ces ouvrages, sortes de « livres en sommeil», ont été
protégés pour nous parvenir en excellent état de conservation, à tel point qu’ils semblent
parfois n’avoir jamais réellement servi. Ils ne nous apprennent rien sur l’usage qui pouvait en
être fait, si ce n’est leur présence si longue (intérêt constant) et si nombreuse (diffusion large)
dans les réserves.
Une deuxième remarque est qu’il est difficile de déceler dans une édition de l’Atlas qui
a servi à un particulier les traces de son usage. Interpréter les remarques griffonnées dans une
marge, le degré d’usure d’un atlas, nécessite d’extrapoler à partir des quelques éléments qui
s’offrent encore à la vue après plus de deux siècles d’existence. La part laissée aux
suppositions reste ainsi inévitablement conséquente. Cependant, la découverte d’un
exemplaire original : l’édition de 1808 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève121, nous a
autorisé à alimenter ces questionnements. Elle nous a permis d’apporter quelques bribes de
réponses sur l’usage qui pouvait être fait d’un tel atlas en allant chercher dans les stigmates
qu’y ont laissé ses propriétaires par leur utilisation, avant d’entrer dans les collections de la
bibliothèque122.
Cet exemplaire, paru chez Leclère n’est pas daté sur sa page de titre, mais la présence
du feuillet-frontispice des « Fastes napoléens » (abordé dans l’esquisse biographique) laisse
peu de doute quant à sa datation. Composé de 33 cartes et tableaux, il est –comme tous les
éditions de l’Atlas (hors Manuel et Atlas élémentaire) – d’un format grand in-folio (51,5cm).
Un premier regard sur son aspect général en fait un ouvrage à la reliure fatiguée, aux pages
sales et tâchées qui tranchent nettement avec les exemplaires à l’état de conservation
remarquable et aux pages immaculées habituellement trouvés dans les bibliothèques. Ce
premier détail permet une remarque d’importance : il s’agit d’un atlas qui a été utilisé, et à de
multiples reprises. Les marques d’usure sont nombreuses : des pages sont déchirées, d’autres
cornées, la reliure est quasiment décollée. Le papier est noirci par le temps et l’usage, les
121 Répertoriée à la cote RESERVE : FOL G 1 INV 6 (BIS) EXC. 122 Malheureusement, la bibliothèque Sainte-Geneviève n’est pas en mesure, comme pour beaucoup
d’ouvrages qui composent ses collections, de déterminer par quelle voie il y a été intégré. Nous ne connaissons donc rien du propriétaire initial ni de la date d’entrée à la bibliothèque.
41
pages parsemées de tâches d’encre qui nous font supposer un usage sur une table de travail,
peut-être la copie de certaines de ses informations. Autant de détails qui viennent confirmer
l’utilisation de cet objet comme atlas de travail.
Malgré le fait qu’il soit impossible de connaître la manière avec laquelle l’ouvrage a pu
entrer dans les collections et qui a pu en être le propriétaire passé, l’analyse formulée pour les
atlas géographiques par Christian Jacob peut ici s’appliquer : on suppose un « public cultivé,
intéressé par ce genre de volume non utilitaire, mais nécessaire pour compléter une éducation
géographique [ici historico-géographique] »123. La possession d’un tel ouvrage peut donc être
signe de culture et permettre une « distinction » sociale. Ceci d’autant plus que l’édition de
1808 n’est pas encore une édition bon marché comme apparaissent à la fin du cycle de vie de
l’Atlas124, elle coûte environ 120 fr. ce qui représente à l’époque le tiers du salaire annuel pour
un manœuvre125. « Non utilitaire » selon Jacob, l’atlas et sa possession permettent dans notre
cas de satisfaire une curiosité pour l’histoire et la géographie.
Une observation plus attentive de chacune des planches permet d’y déceler ce qui restait
caché au simple coup d’œil et qui confère son intérêt à cette édition bien spécifique. De
multiples annotations, ont été ajoutées à l’encre ou au crayon de papier sur ses planches par
celui ou ceux qui l’ont utilisé – expliquant les tâches d’encre qui parsèment les pages. Ces
annotations servent plusieurs objectifs.
123 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., Paris, Albin Michel, 1992.
124 Dans l’édition populaire et d’étude de 1842, le prix de vente de l’atlas complet est abaissé à 70 fr. contre 127 fr. pour la première édition (les éditions qui suivirent restèrent dans le même ordre de prix).
125 W. SYNDER et C. MORRISSON, « Les inégalités de revenu en France du début du XVIIIe siècle à 1985 », Revue économique, vol. 51, n° 1, 2000, pp. 119-154.
42
D’abord, elles peuvent servir à corriger une erreur repérée dans l’ouvrage. On trouve
ainsi des informations barrées à l’encre dans le corps du texte. Elles peuvent aussi permettre
de compléter une explication
jugée trop parcellaire ou erronée.
Dans le Tableau de la généalogie
des branches capétiennes, le
Régent Philippe II se trouve ainsi
précisé d’un « duc de Chartres »,
et le texte qui l’accompagne est
barré de noir. Sur le tableau de la
Géographie de l’Histoire, on
trouve des notes en bas de page
qui renvoient vers le texte du
tableau avec un astérisque (*) ou
un croisillon (#), n’ayant pas eu la
place d’écrire directement dans les cases. Dans la même idée, celui qui devient lecteur-acteur
en enrichissant l’ouvrage n’hésite pas à ajouter à même les cartes géographiques des
toponymes manquants (mer Baltique, Ceylan) sur la carte de l’Empire romain ; ou des
informations plus ciblées sur l’hydrographie (il note et nomme la confluence du Tigre et de
l’Euphrate). Des notes au contenu plus historique s’ajoutent aussi : les dates de soumission
aux Romains des villes italiennes ; ou encore la mort d’un personnage illustre sur l’île de
Bretagne « Sept. Sèvère y mourut »126. Notre usager de l’Atlas va jusqu’à dessiner sur la carte
un tracé dont la signification n’est pas indiquée ; reliant ainsi par une ligne Le Havre à
Marseille et longeant ensuite la côte d’Espagne sur la carte de l’Europe en 1808.
Ce catalogue des annotations nous renseigne sur différents points. D’abord, le
propriétaire de l’Atlas porte un intérêt particulier pour les cartes qui le composent. Ce sont
elles qui portent le plus de remarques ou d’ajouts dans leurs espaces blancs. Cette grande
propension de l’Atlas à être annoté le transforme en un objet participatif. Le lecteur-acteur
s’approprie l’œuvre de Lesage, il la fait évoluer. Il corrige son Atlas, l’enrichit de ses
recherches personnelles en fonction de ses centres d’intérêt (une nette préférence pour la carte
de l’Empire romain), et prend ainsi part à sa construction. Une utilisation qui semble moins
126 Empereur romain de 193 à 211 ap. J.-C.
Figure 6 : Un ajout manuscrit sur la carte de l'Empire romain Source : cliché personnel
43
celle d’un écolier que celle d’un homme plus simplement curieux de s’instruire sur l’histoire
et la géographie. Loin d’être un objet sacralisé, le livre continue de vivre dans les mains de
celui qui l’a acquis.
L’examen de la succession des planches de l’Atlas et sa comparaison avec le plan des
éditions complètes permet de mettre en évidence d’usage de l’objet sur une longue période.
L’impression est de 1808, mais des planches supplémentaires ont été ajoutées. D’abord, la
première planche de l’ouvrage le Tableau de l’Histoire universelle sacrée et profane est
absente. Probablement abîmée ou
arrachée, elle a fini par être rachetée
et recollée en fin de l’atlas sur un
onglet de réserve, passant ainsi de la
première à la dernière position dans
l’ordre des planches. De même, la
carte – en partie découpée – de
l’Amérique actuelle a été ajoutée
sur l’onglet précédent. Cette mise à
jour permet de déduire qu’en 1827
(date de parution de la carte
d’Amérique), l’atlas était toujours
utilisé et tenu à jour.
Las Cases, en réalisant son Atlas historique, généalogique, chronologique et
géographique ne fait pas œuvre d’érudition. Il le destine au grand public et aux scolaires
auxquels il inculque l’histoire par une méthode qu’il juge instinctive et peu coûteuse en
travail, développant cartes et tableaux propices à une communication avant tout visuelle. Dans
cette approche multipliant les médias, il représente un jalon important dans l’histoire des atlas
historiques qui gagnent leur forme actuelle aux environs de 1800127. C’est dans la planche de
Lesage qu’il nous faut plonger pour en faire émerger la personnalité et les innovations, les
petits détails qui font le « style Lesage ».
127 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.
Figure 7 : Un onglet de réserve. Sources : cliché personnel.
44
III. Dans la planche de Lesage
Reprenant à son compte les prescriptions d’Horace dans l’Art poétique, c’est l’idée de
simplicité dans le discours, la volonté de clarté qui imprègne la planche de Lesage. C’est elle
qui va permettre la bonne transmission de la pensée :
Quelque précepte que tu donnes, sois bref, afin que les esprits dociles entendent promptement
tes paroles et les retiennent fidèlement. Tout ce qui est superflu est rejeté de l’esprit trop plein.
[…] Il enlève tous les suffrages celui qui mêle l’utile à l’agréable, qui charme et qui instruit le
lecteur.
On retrouve ici un topos omniprésent dans les exposés préliminaires de l’ouvrage qui
prétend allier l’utile à l’agréable, enlever de l’étude de l’histoire les parties les plus arides.
Pour accompagner la pédagogie de l’ouvrage, la planche est travaillée, ordonnée de manière à
permettre à l’œil d’y voyager et d’y trouver les connaissances désirées. Ce voyage est rendu
possible par toute une série de procédés visuels qui accompagnent la consultation. Ainsi dans
une planche :
[…] tout arrive à l’esprit et se loge dans la mémoire par les yeux à l’aide de linéamens, de
contours et de couleurs qui introduisent la clarté, éclairent la confusion et assurent
d’ineffaçables souvenirs128
.
La planche subit une tension permanente entre le caractère panoptique que Lesage veut
lui donner – à l’aide de ses constructions graphiques (diagrammes chronologiques, arbres
généalogiques, cartes géographiques), et la dimension « microscopique » – qui procède par
zooms – du texte qui l’accompagne sans discontinuer. La carte des invasions barbares occupe
ainsi le tiers du grand in-folio, elle prétend « jeter sans peine la carté sur une époque bien
confuse dans l’histoire » ; tandis que l’enserrent par trois côtés des colonnes d’informations
qui emplissent les marges de la page, détaillant l’histoire de chaque peuple.
Analysons donc ces éléments techniques dont use Las Cases pour rendre son ouvrage
vivant et sa planche si particulière. C’est d’abord le renvoi qu’il utilise sous sa forme textuelle
pour circuler dans l’Atlas ; c’est ensuite la couleur qui complète les manques du renvoi textuel
et esthétise la planche ; c’est enfin l’économie de la planche elle-même, présentant de manière
ordonnée et réfléchie les informations pour permettre leur bonne transmission.
128 E. LAS CASES, Atlas élémentaire, géographique, historique, chronologique, et généalogique, ou choix des dix cartes les plus classiques du grand atlas, de A. Lesage (Comte de Las Cases), a l’usage des collèges et maisons d’éducation pour l’instruction de la jeunesse., op. cit., exposé préliminaire.
45
A. Cheminer dans la planche et dans l’Atlas : de l’usage du renvoi
L’atlas n’est pas une simple succession de planches sans rapport les unes avec les
autres. Il est construit comme un tout, à la fois dans la planche qui doit se suffire à elle-même,
mais aussi dans leur succession, qui est une disposition raisonnée. Afin d’assurer cette
cohérence aux deux échelles que sont la planche et l’atlas, le renvoi est un outil indispensable.
Sorte de fil rouge que les lecteurs ont la possibilité de suivre, il permet la navigation de trois
manières différentes chez Lesage : du texte à la carte, de la carte au texte, et de carte à carte.
Mettant en relation des éléments dispersés, il donne la possibilité d’une circulation dans la
planche qui alimente les « itinéraires libres de l’imagination, de la rêverie »129.
Pour pallier les faiblesses du pouvoir synoptique de la carte, l’Atlas Lesage a recours –
en plus de ses tables et cartes – à des textes qui lui permettent de mieux rendre compte de la
complexité de l’histoire. Lesage se sert ainsi de renvois pour entretenir un dialogue entre ces
parties géographiquement distinctes dans la planche et les intégrer dans un même système.
Las Cases utilise donc le renvoi pour imbriquer plus étroitement carte et texte et répond par là
même à ce qu’il déplorait dans sa préface : « On lit presque toujours un livre historique ou
géographique sans regarder la carte, ou [on] considère la carte sans aller chercher le livre »130.
Ces renvois se matérialisent différemment dans la planche, et même si c’est parfois
l’improvisation qui semble être de mise pour renvoyer d’un élément à l’autre – leur figuration
n’étant pas unifiée, il est possible de séparer d’abord le renvoi textuel du renvoi par la couleur
– qui nous intéresse dans la partie suivante. Dressons une rapide typologie de ces renvois
textuels appuyée par des exemples.
Le renvoi textuel est un procédé classique, utilisé à de multiples reprises dans l’ouvrage
il propose au lecteur le plus souvent de circuler d’une planche à l’autre de l’Atlas. Son usage
d’une carte a à une carte b peut déconcerter en ce qu’il implique un renvoi directement dans le
dessin de la carte a. On le trouve par exemple sur la carte d’Asie de la planche 31 qui propose
au lecteur désireux d’aller compléter les informations sur la Cinquième partie du monde
(l’Océanie) à l’aide de la Mappemonde : « Cinquième partie du monde. Voyez la
Mappemonde n°29 de l’Atlas » (voir la figure ci-dessous). On remarque ici que le renvoi peut
tout autant proposer une progression dans la suite de l’Atlas qu’un retour en arrière, l’ouvrage
129 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit, chapitre 4.
130 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, op. cit, exposé préliminaire.
46
n’étant pas destiné à une lecture d’une traite. Il évite ainsi les redites d’une carte à l’autre et
permet à ceux qui les ont dessiné (ce sont ici les mêmes graveurs) de proposer des cartes
variées, construites autour de différentes thématiques. C’est le cas pour l’Allemagne, qui voit
quatre planches dédiées à sa géographie dans l’édition complète de 1842 et qui propose en
planche 26 bis : « Pour beaucoup de détails géographiques, statistiques, etc. inutiles à
répéter ici (voyez l’Allemagne de la carte précédente n°26) ». D’idée d’un découpage
thématique des
cartes est ici
clairement
affirmée.
Alors qu’il était partie du dessin, mais positionné en marge de la carte, le renvoi textuel
peut aussi – plus rarement – être utilisé au cœur de la carte, collé à un figuré. Pour figurer le
mouvement de la campagne de Russie dans la planche 28, un long ruban jaune est tracé ; pour
éviter la redite de ce qui a longuement été traité plus tôt, Lesage renvoie : « voyez le récit au
tableau 30 bis ». Notons que le renvoi est ici de type carte vers texte, et plus précisément il
renvoie au texte que contient un tableau. La carte de l’Allemagne et ses duchés en planche 19
est particulièrement confuse dans sa surabondance textuelle. Elle abuse de ce procédé de
renvoie et redirige ses lecteurs vers six tableaux généalogiques différents : pour chaque duché,
une ligne de texte indique « voyez le tableau x ». La carte renvoie ainsi à la fois vers les
tableaux 15, 20, 23, 24, 25 et 27. Invitant au voyage, à la poursuite de la lecture dans l’Atlas,
le renvoi attise la curiosité : en planche 33 d’Amérique politique actuelle, est noté le titre
suivant : « Des voyageurs modernes qui ont exploré les Amériques (la trace de plusieurs se
trouve marquée sur la carte) », une telle remarque pousse le regard à s’aventurer sur la carte
pour y emprunter ces trajets.
Des nota bene (notés N.B.) sont aussi souvent l’occasion de renvoyer vers une autre
planche. Ils peuvent être situés dans la carte comme dans la carte d’Allemagne depuis le traité
de Westphalie n°21 où l’on trouve « qu’on peut voir n°XXVI ». Ils le sont aussi en marge de la
planche : en bas de la même planche 21, on trouve « pour son organisation actuelle [de
l’empire d’Allemagne], voyez le n°XXVI »). Ou encore dans les cartons-titres des tables
Figure 8 : Un renvoi à même la carte d'Asie Source : cliché personnel
47
généalogiques comme la planche 24, dont le carton indiquant maison royale de Saxe renvoie
vers les n°26 et 26 bis.
La présence d’un double renvoi invite à s’interroger sur l’intérêt d’un tel dispositif. En
planche 33 un sous-titre indique d’abord « Conquête du Pérou par François Pizarre, tracée sur
la carte » puis un trait de couleur rouge vient en plus souligner cet élément, renvoyant vers un
ruban rouge tracé sur la carte. Quelle différence d’usage distingue le renvoi textuel du renvoi
par la couleur ? Cette curiosité qu’est le double renvoi ne relève pas complètement de
l’anomalie. L’usage d’un texte pour renvoyer vers la carte – nous venons de le voir – est
courant ; en revanche, la couleur est ici utilisée en miroir à son utilisation dans la carte sous la
forme d’un ruban. Le texte vient ainsi former une sorte d’extension de la légende, perceptible
à l’œil grâce à son soulignage de couleur.
B. Une légende hors la carte : La couleur comme appui pour l’œil
L’utilisation de la couleur est d’importance dans l’Atlas. Loin d’être seulement une
amélioration esthétique, l’ouvrage a été pensé avec elle dans un but d’efficacité visuelle ; sans
elle il devient totalement incompréhensible et aride. La couleur, omniprésente, accompagne
l’œil en une sorte de renvoi. Nous l’avons vu, Las Cases a dès ses débuts londoniens tout un
atelier alloué à l’application des couleurs131. Opération entièrement manuelle et fastidieuse132,
elle entraîne un surcoût de 50 à 100% pour l’atlas. Les planches sont « lavées » une à une
selon les instructions de l’auteur, la qualité finale du travail résultant des capacités de
l’enlumineur ou de l’aquarelliste – elle est donc forcément inégale133.
La couleur est sur toutes les planches, mais ses usages ne se recoupent pas tous. Le
premier de ces usages est très proche du renvoi textuel. La circulation de la carte au texte et
du texte à la carte est le plus souvent rendue possible par une petite ligne de couleur qui vient
souligner le texte. Un peu à la manière d’un lien hypertexte de nos jours, il permet grâce à une
couleur commune aux deux éléments un appel immédiat d’un simple coup d’œil. Ce
dispositif, très simple à mettre en place est en fait au cœur de l’Atlas. Peu de cartes disposent
d’une légende à proprement parler, ou si elle existe, elle n’est que parcellaire. Plutôt que
d’étoffer cette légende allégée, Lesage propose une autre démarche en faisant directement
131 Voir l’esquisse biographique. 132 L’impression couleur et la chromolithographie ne se développent en France et en Allemagne que dans
les années 1820, à ce sujet, voir R.E. EHRENBERG et NATIONAL GEOGRAPHIC SOCIETY (U.S.), Mapping the world: an illustrated history of cartography, Washington, D.C., National Geographic, 2006, p. 140.
133 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.
48
appel au texte qu’il place en marge de ses cartes et en lui faisant jouer ce rôle de légende. La
couleur est donc tantôt un prolongement de la légende (une ligne de texte soulignée rappelle
un tracé sur la carte), tantôt son unique figuration. La lecture de la carte, parfois mal aisée
quand elle est étudiée seule, prend tout son sens dans le dialogue qu’elle entretient avec le
texte qui l’entoure, et que les couleurs permettent d’organiser. Manuel Schramm décrivait
sobrement son usage :
Colors were used to mark separate political or geographical entities, sometimes continents,
sometimes empires, countries or provinces. Colored lines were used to mark either boundaries
or movements, such as Hannibal’s campaign on the map of ancient Rome134.
Il est possible de prolonger les réflexions générales qu’ont formulé les différents travaux
sur l’Atlas Lesage en inventoriant et classant les usages de la couleur.
Qu’elle se trouve dans la planche (texte ou tableaux) ou sur la carte, la couleur est
appliquée de quatre façons différentes. Dans la carte en elle-même, elle peut : 1-souligner un
élément (ex : un toponyme), 2-tracer le contour d’une entité (ex : une région, un pays), 3-
emplir une entité de couleur par un aplat (ex : entité politique) ou encore 4-figurer le
mouvement par un ruban (ex : une campagne militaire). En dehors de la carte, elle n’est
utilisée que pour souligner – voire surligner – des mots, ou emplir des cases d’un tableau.
Ainsi la carte de l’Origine et formation des principaux Etats de l’Empire Germanique
(voir la figure page suiante) complète sa brève légende avec des observations, ces dernières
étant rappelées par un trait de la couleur adéquate. Cela permet par exemple de déduire
rapidement que le duché de Bavière fait partie des « Etats primitifs ».
La carte d’Asie fait ressortir des subdivisions géographiques par le tracé de leur contour,
subdivisions absentes d’une quelconque légende mais reportées dans des colonnes en bas à
gauche de la planche, et repérées à l’aide de soulignages aux couleurs correspondantes.
134 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.
49
Quatre couleurs distinctes
utilisées en aplat permettent de
diviser le continent africain en six
gigantesques régions distinctes (en
utilisant le blanc) reportées en un
tableau. Cinq rubans de couleur
s’aventurent depuis les côtes
jusqu’à l’intérieur des terres pour y
figurer les expéditions des
explorateurs qui sont, elles,
nommées en légende. Le tracé de
lignes – que Lesage appelle
« linéamens » – pour figurer des
campagnes ou expéditions est
présent sur beaucoup des cartes de
l’Atlas, il en résulte parfois des
cartes très brouillonnes
lorsqu’elles mélangent une trop
grande quantité de mobiles135.
Selon Goffart, Las Cases utilise ce
figuré plus librement et de manière
plus récurrente que ses prédécesseurs, les mettant particulièrement en avant136. Cette
remarque est confirmée par Black qui en fait le dispositif de prédilection de l’auteur : « his
favourite device was the gaudily coloured line, used to show campaigns »137.
Utilisée en aplat dans les cases d’un tableau, la couleur permet la réunion d’entités à
l’origine fragmentées. Ces dernières fusionnent par là même pour l’œil en un seul et même
espace. Cette action de réunion, en introduisant une continuité pour l’œil, formule
implicitement l’idée de filiation – ou de continuité ; particulièrement perceptible quand la
couleur est appliquée sur un diagramme chronologique. Ainsi dans le premier tableau de la
Géographie de l’histoire, seule la France conserve la couleur jaune de l’ancien Empire de
135 Voir comme exemple le plus éloquent la carte d’Angleterre en planche 14 de l’Atlas. 136 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 312. 137 J. BLACK, Maps and history, op. cit., p. 37.
Figure 9 : La carte d'Allemagne et ses renvois de couleur Source : cliché personnel
50
Charlemagne après son démembrement. La fragmentation de l’empire donne pourtant aussi
naissance au Royaume des deux Bourgognes, à l’Empire d’Allemagne et au royaume d’Italie,
mais la filiation logique que véhicule la couleur semble lier le vieil empire au royaume de
France.
Systématiquement utilisée dans les généalogies, la couleur est à même de mettre de
l’ordre dans des dispositions parfois complexes. Ce sont ainsi de grandes aires colorées qui
permettent de distinguer les différentes branches d’une même famille comme dans la Carte
généalogique générale de France (planche IX) qui sépare Capétiens, Valois, Bourbons et
Orléans. Lesage explique lui-même le procédé et la manière de le lire :
Ce tableau, sous quatre masses de couleurs, donne l’ensemble de la dynastie capétienne. La
diversité des couleurs présente les quatre branches royales successives des Capétiens directs,
Valois, Bourbons, et Orléans138.
La couleur, permet donc une meilleure transmission des informations par leur
organisation et ainsi une bonne mémorisation. C’est bien ce que recherche Lesage, dont
l’utilisation de la couleur parachève la pédagogie par la vue. Goffart commente :
« [Tables and maps] are color-coded by washes [lavis] and set out in such a way that location
on the page might facilitate memorization »139.
Enfin, selon les objectifs de l’auteur et surtout de l’éditeur, la couleur sert aussi à
obtenir un bel objet. Même s’il n’est pas aussi travaillé que certains atlas de l’époque, il est
certain que l’Atlas a aussi été conçu pour être esthétique. La couleur, tout en permettant de
faire ressortir un élément jugé important par l’auteur, ajoute ainsi de l’attrait à la planche.
Black, utilisant le terme de « map » au sens large – comprenant donc aussi les tables, écrit :
« The use of colour enhanced the appeal of maps »140. C’est par exemple le cas pour les
« observations sur le tableau » en marge de la Géographie de l’histoire, où les explications sur
la manière de lire le tableau général sont bordées d’un liseré rose.
138 E. LAS CASES, Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique, Paris, Garnier Frères, 1842, Manière de se servir des tableaux.
139 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 308. 140 J. BLACK, Visions of the world: a history of maps, London, Mitchell Beazley, 2003.
51
Pour conclure, rappelons que l’usage de la couleur, en plus de rendre la planche plus
attractive, permet d’accroitre la densité d’informations qui peuvent y figurer. Elle permet de
démêler les fils d’un tableau complexe et transforme les « maps » en véritable système
explicatif [traduit de Black : « explanatory device »]141.
C. Vers une planche standardisée
Après avoir identifié ce qui permet de circuler dans la planche, puis ce qui en renforce
l’impact visuel, il est temps de reprendre de la hauteur en abordant l’économie de cette
planche. Par ce terme, nous désignerons la distribution des éléments qui la composent, les lois
qui la régissent, et l’harmonie générale qui peut être perçue de ce corps organisé. Il s’agit ici
d’essayer de tracer une généalogie de cette planche en en recherchant les héritages, puis d’en
dépasser la simple filiation en rendant compte de la tension qui enserre la planche à ses
différents niveaux par l’étude de sa transtextualité142. Enfin, nous mettrons en exergue la
formation rapide d’une planche standardisée qui confère son unité et sa physionomie si
reconnaissable à l’Atlas Lesage.
1. Les héritages
Nicolas Verdier rappelle en introduction à La carte avant les cartographes les
difficultés techniques à lier texte et image : « Le texte et l’image sont deux modes
d’expression qui, s’ils sont complémentaires, sont également concurrents dans le livre. »143.
Ils le sont d’abord par leurs procédés d’impression distincts. L’image est dans un premier
temps gravée en taille douce sur une plaque de cuivre, la matrice reçoit ensuite l’encre dans
ses creux pour subir horizontalement une impression, la feuille passant entre deux rouleaux.
Le texte est quant à lui imprimé à partir de lettres de plomb disposées dans un cadre en bois,
c’est leur relief qui – une fois la feuille pressée verticalement contre le plomb encré – marque
l’impression144. Ce sont d’ailleurs deux corps de métier distincts qui pratiquent ces
impressions. Dès lors, les concepteurs d’atlas sont peu nombreux à assembler carte et texte
sur une même planche et doivent bien souvent déconnecter l’un de l’autre. Lesage décide de
141 Ibid. 142 Analyse basée sur la poétique de Genette, théoricien de la littérature, voir à ce sujet : G. GENETTE,
Seuils, Paris, Editions du Seuil, 1987 (Poétique). 143 N. VERDIER, La carte avant les cartographes: l’avènement du régime cartographique en France au
XVIIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, introduction. 144 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit. ; N.
VERDIER, La carte avant les cartographes, op. cit.
52
passer outre cette difficulté au service d’une planche multi-médias et va notamment mêler
étroitement texte et cartes. A l’instar d’un Nicolas de Fer dans son Introduction à la
géographie145, ou d’un Henri Abraham Châtelain dans son Atlas historique éponyme146,
l’usage de l’espace de la planche est intensif (voir la planche ci-dessous). C’est avec Châtelain
que Lesage partage très largement l’économie de la planche, mais aussi la composition
générale de l’atlas. L’Atlas Châtelain
juxtapose ainsi cartes et textes
d’histoire, listes de dates et arbres
généalogiques ; logique que Las Cases reprend à son compte dans l’Atlas qui nous
intéresse147. Ainsi, « [The Atlas Châtelain] wanted to give an easily accessible synoptic view
of history. The originality of the atlas lays in the order and arrangement of material. »148.
145 N. DE FER, Introduction à la géographie, s.l., Danet, 1722. 146 H.A. CHATELAIN, Atlas historique, ou nouvelle introduction à l’histoire, à la chronologie & à la
géographie ancienne & moderne représentée dans de nouvelles cartes..., A Amsterdam, chez L’Honoré & Chatelain, 1714.
147 D. ROSENBERG, Cartographies of time, op. cit., p. 128. 148 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century »,
art. cit.
Figure 10 : Une planche de Châtelain, la ressemblance avec Lesage est troublante Source : Europeana
53
A la différence de Châtelain, qui ressent le besoin d’intercaler entre ses cartes de
longues « dissertations » sur les lieux qu’il évoque, la planche de Lesage se suffit à elle-
même. Moins fourni en lieux et en informations – l’Atlas Châtelain est autrement plus long,
l’Atlas de Lesage concentre le tout sur un même espace. Chez Châtelain, la mise en page
varie aussi en fonction des gravures que l’auteur y insère, la carte peut ainsi y être pleine
page, on peut aussi trouver plusieurs cartes et du texte, ou encore une carte, une gravure, et du
texte. Là où Lesage imite le plus son prédécesseur, c’est dans la mise en colonnes permanente
des informations. Se multiplient les encarts qui traitent chacun une information différente. La
planche ci-dessus qui montre la géographie des empires assyrien, perse, égyptien et chinois
expose par exemple pour chaque empire un abrégé chronologique des souverains et des
remarques historiques. Pour servir à l’intelligence de l’histoire, Las Cases sélectionne les
informations, il simplifie et rationnalise la planche, le tracé des cartes. Les arbres
généalogiques de Châtelain, véritables feuillus dont les branches sont dessinées et parcourent
toute la page ne sont plus que schématiques chez Lesage qui discipline au maximum le
parcours des branches – devenus de simples traits épais – à des fins de clarté.
N’arborant pas de couleur et effectuant moins de renvois textuels, la planche de
Châtelain est ainsi plus abrupte que celle de Lesage, peut-être moins féconde aussi dans les
itinéraires qu’elle propose. Elle introduit ou parachève les dissertations sur chaque pays que le
lecteur est invité à consulter. Les similitudes avec l’Atlas de Las Cases sont cependant trop
prononcées pour que ce dernier en ait ignoré l’existence, Châtelain représentait probablement
encore dans la jeunesse de Las Cases – malgré le demi-siècle que les séparaient – un ouvrage
de référence.
2. Transtextualité
L’étude des différents types de renvois nous a permis de montrer une articulation très
fine entre le texte, les cartes, et les tableaux dans la planche de Lesage. Dans sa juxtaposition
de moyens de communications, et leur mise en relation, l’étude de la transtextualité telle que
définie par Gérard Genette comme « tout ce qui met un texte en relation, manifeste ou secrète
[implicite] avec un autre texte »149 nous donne les bases des connexions réalisées dans la
planche de Lesage. Cet outil théorique semble particulièrement adapté à notre atlas en ce
qu’au sein d’une même planche chaque élément qui la compose peut potentiellement être lu
séparément du reste, composant en quelques sortes comme un texte à part entière. C’est le
149 G. GENETTE, Palimpsestes, Paris, Editions du Seuil, 1982 (Poétique).
54
renvoi, par le texte ou la couleur qui donne naissance à une transcendance textuelle, invite à
dépasser cette partie du tout composite et le mettre en relation avec d’autres fragments. Selon
la théorie genettienne, la carte ou les tableaux présents dans la planche peuvent être assimilés
à un paratexte, message scripto-visuel qui accompagne l’œuvre, entoure et prolonge le texte.
Cependant, l’atlas invite à dépasser cette notion en ce sens que chaque élément de la planche
peut être considéré comme paratexte de l’autre. De même, la couleur donne naissance à une
hypertextualité150, relation qui unit un texte b (hypertexte) à un texte a (hypotexte) –
l’hypertexte étant un texte dérivé de l’hypotexte après avoir subi une transformation, le tracé
d’une campagne sur la carte va par exemple être l’hypertexte de son récit relaté en marge.
3. Une planche qui se stabilise rapidement
De la réflexion générale que Lesage effectue sur la planche et ce que doit être son
organisation finit par émerger une page-type, sorte de format-standard que Lesage met au
point et qui lui sert de modèle pour la plupart des planches de son Atlas. Entre l’édition
anglaise de 1801 et son homologue français de 1802-1804, cette page se dessine. En simple
amateur éclairé, Lesage trouve rapidement une organisation cohérente, et surtout visuellement
acceptable. Il évite par exemple, de mettre le texte des colonnes dans un sens différent de
celui de la lecture de la carte et qui obligeait à tourner l’Atlas pour être lu. Les cartes, à
l’origine majoritairement placées en haut à gauche de la planche glissent vers le centre pour
former une péninsule entourée de texte151.
La carte, souvent maladroitement insérée dans la planche, obtient de facto une place de
choix, et c’est autour d’elle que vont être disposées les colonnes d’informations
supplémentaires. Celles-ci bénéficient dès lors d’une meilleure organisation152 qui ne bouge
ensuite que très peu dans les éditions. Chaque page se fige : « text hardly changes at all even
in the late printings »153, les rares évolutions ne consistent qu’en le déplacement de cadres
dans la page ou l’insertion d’un encart supplémentaire qui tasse encore un peu plus la
composition générale. Car une telle planche, qui parvient tantôt à présenter carte, informations
historiques, arbres généalogiques, tableaux chronologiques, en multipliant les colonnes,
cartons et notices est rapidement confrontée à la surcharge. Malgré quelques efforts de
150 Nous évoquions le lien hypertexte en II- B- pour tenter d’expliquer un sous-titre souligné de couleur et qui renvoyait à un tracé sur la carte.
151 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit, chapitre 5. 152 Pour citer Goffart « The page design of the Paris version is better ordered than the London one » dans
W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », art. cit. 153 Ibid.
55
hiérarchisation dans le texte et l’apport de la couleur, les colonnes sont surtout d’immenses
blocs dont les caractères rivalisent de petitesse.
Ceci permet de dire que si le projet multi-médias de l’Atlas en fait un objet novateur,
c’est cette caractéristique en fait aussi une de ses faiblesses. L’Atlas compile une somme
conséquente d’informations très diverses qui donne lieu au morcellement de la planche.
L’empilement de ces fragments déconnectés fait dire à Goffart que « ses colonnes de
caractères typographiques ressemblent au bric-à-brac qui remplit les colonnes de journaux »
154. Malgré l’usage de renvois et de la couleur, l’Atlas donne l’impression d’être un « agrégat
de particules manquant de cohérence »155. Néanmoins, sa nature de Geschichtsatlas fait de ce
morcellement une forme assumée, propre à transmettre par la profusion d’informations les
éléments importants d’une culture historique.
154 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 312. 155 Ibid.
56
Partie 2 : Le temps long de l'Atlas
IV. La carte au fil de l’Atlas et de ses éditions
Si l’existence du texte en parallèle de la carte montre bien que Las Cases ne veut pas
substituer l’image au texte ; celle-ci fournit une aide à ceux qui désirent apprendre et
enseigner avec l’Atlas. Au fil des éditions, les cartes sont les objets les plus mis à jour de
l’ouvrage156. Bien que plusieurs d’entre elles soient regravées sans connaitre de modification
importante durant le demi-siècle de vie de l’Atlas, certaines changent de trait, adoptent une
meilleure projection ou sont complétées par de nouvelles informations. D’autres encore font
leur apparition en cours de publication,. En analysant les cartes – individuellement et dans
leur succession, l’idée est d’en faire ressortir une vision du monde qui sous-tendrait l’Atlas,
d’y chercher une portée politique au travers des choix qui les précèdent. Pour traiter des cartes
de l’ouvrage et de leur évolution, l’importance du corpus qui s’offrait à nous a nécessité la
sélection de quelques unes d’entre elles qui répondaient à différents critères.
D’abord, le plus évident, celui d’avoir subi des changements. Mais aussi celui d’avoir
eu une durée de vie suffisamment longue pour pouvoir bénéficier de deux ou trois images
arrêtées aux différents stades de leur évolution – ceci écartant de fait les dernières cartes
parues (notamment celles des Etats-Unis). Notre choix s’est ainsi porté sur deux cartes, l’une
présente dès le début dans l’Atlas : la carte d’Afrique (pl. 32) ; et l’autre annoncée dans la
première édition française, mais vraisemblablement publiée en 1808 : la Mappemonde (pl.
29). De la première à la dernière édition de l’Atlas, ces cartes ont subi de très importantes
transformations.
Au-delà de la qualité d’impression qui varie d’un ouvrage à l’autre et selon le degré
d’usure des plaques de cuivre, les techniques ont évolué. De cartes réputées grossières –
Goffart parle de « roughness of the map outline, common to the entire Atlas », l’ouvrage est
passé à un dessin détaillé et une gravure fine, régulière, permise par le développement de la
technique de l’eau forte. Le graveur incise avec sa pointe non plus une plaque de cuivre mais
d’acier, recouverte d’un vernis à l’eau forte. Là où la pointe est passée, le métal mis à nu est
156 En prétendant le contraire, Goffart n’offre qu’une vision parcellaire de la production liée à l’Atlas et écrit « the quality of the map […] hardly changes at all even in the late printings » dans W. GOFFART, « The Map of the Barbarian invasions: A Preliminary Report », Nottingham Medieval Studies, n° 32, 1988, pp. 49-64.
57
plongé dans une solution mordante comme un acide, pour en creuser le trait. Les tracés
obtenus sont plus fins et diversifiés, et permettent d’augmenter le nombre d’informations sur
la carte et la lisibilité de la nomenclature157. Ce sont plusieurs spécialistes qui se partagent la
tâche, d’abord la gravure des traits (le fond géographique), réalisée pour les premières
éditions par Kardt et pour les suivantes par Moisy ; puis celle de la lettre (l’écriture) dont
Hacq fait sa spécialité et auquel succède tardivement Bénard.
Afin de traiter au mieux chacune de ces deux cartes et dans un souci de lisibilité, nous
les détaillerons d’abord séparément. Puis en fin de partie nous rapprocherons les thématiques
qui leur sont communes et en élargirons l’analyse à d’autres cartes du corpus. Mais avant
toute chose, prenons d’abord une vue d’ensemble sur la succession des cartes dans l’Atlas158
et comment elles peuvent nous éclairer sur la vision du monde qu’il propose.
A. Voir et montrer le monde
Si « les cartes, mieux que les longs traités, nous disent comment les hommes voient le
monde et quelle place ils considèrent y occuper »159, étudier leur succession dans un atlas
permet d’évaluer le point de vue de son concepteur sur le monde qui l’entoure. A ce titre,
l’enchaînement des espaces traités dans l’Atlas situe le reste du monde par rapport à une
Europe aux racines anciennes et qui y occupe une place prépondérante ; selon une vision
résolument ethnocentriste.
L’atlas s’inscrit dans un premier temps dans la longue tradition datant des premiers atlas
historiques, en mêlant dans un premier temps geographia sacra (l’histoire sainte et
ecclésiastique) et geographia vetus (l’histoire des anciens empires). Leur position en début
d’atlas en fait un indispensable préliminaire à l’étude de l’histoire moderne, mais le fait que
seules quelques pages y soient consacrées montre bien qu’elles ne sont pas le cœur du
propos : « la place de l’Antiquité est réduite à la portion congrue »160. L’étude des atlas
historiques montre en effet à quel point l’Antiquité classique était centrale pour
157 Sur les techniques d’impression cartographique, voir C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., Paris, Albin Michel, 1992, chapitre 1.
158 Sera utilisé le plan de l’Atlas figé dans sa version définitive et telle que constaté dans l’édition complète de 1842.
159 C. HOFMANN, Artistes de la carte: de la Renaissance au XXIe siècle : l’explorateur, le stratège, le géographe, Paris, Autrement, 2012, préface de Sylvain Tesson.
160 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », Bibliothèque de l’école des chartes, n° 158, 2000, pp. 97 128.
l’enseignement européen, et comment elle a du progressivement se partager les planches avec
un contenu plus récent161. L’Atlas
perception de l’histoire, et la manifestation d’un intérêt croissant pour l’époque moderne.
L’évolution de son plan entre la première édition anglaise en 1801 et celle française de 1802
1804 transforme le motif original qui présentait d’abord une succession de pays européens,
puis les cartes de l’Antiquité classique jusqu’aux invasions barbares, et enfin les quatre parties
du monde. Après 1808, la publication devenant systématique, la disposition dé
l’Atlas est arrêtée : la partie antique se place
les pays européens occupent une position centrale, puis le reste du monde clôt ce plan
géographique à l’usage de l’histoire
Ce changement, plus adapté à la chronologie montre l’histoire depuis ses fondements
(l’Antiquité), jusqu’à ses nouvea
strictement chronologique, comme l’on pourrait s’y attendre de la part d’un atlas historique, il
découle plus de la situation géopolitique de l’Europe du début XIXe, articulant le cœur de
l’ouvrage autour des grandes puissances de l’époque (France, Angleterre, Italie, Espagne
Portugal, Allemagne, Russie et, plus tard, Etats
161 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate?Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne].
<http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15 avril 2015).
Figure 11 : La succession des espaces dans l'Atlas Source : réalisé par l'auteur sous Inkscape
l’enseignement européen, et comment elle a du progressivement se partager les planches avec
Atlas s’insère dans ce processus qui montre une évolution de la
perception de l’histoire, et la manifestation d’un intérêt croissant pour l’époque moderne.
L’évolution de son plan entre la première édition anglaise en 1801 et celle française de 1802
orme le motif original qui présentait d’abord une succession de pays européens,
puis les cartes de l’Antiquité classique jusqu’aux invasions barbares, et enfin les quatre parties
du monde. Après 1808, la publication devenant systématique, la disposition dé
: la partie antique se place – cela nous paraît logique – en début d’ouvrage,
les pays européens occupent une position centrale, puis le reste du monde clôt ce plan
géographique à l’usage de l’histoire (voir en annexe le plan de l'Atlas).
Ce changement, plus adapté à la chronologie montre l’histoire depuis ses fondements
(l’Antiquité), jusqu’à ses nouveaux horizons (le monde). Mais l’ordre des cartes n’est pas
strictement chronologique, comme l’on pourrait s’y attendre de la part d’un atlas historique, il
découle plus de la situation géopolitique de l’Europe du début XIXe, articulant le cœur de
autour des grandes puissances de l’époque (France, Angleterre, Italie, Espagne
Portugal, Allemagne, Russie et, plus tard, Etats-Unis). Ainsi, la succession des planches dans
When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group vol. 9, 2007, [En ligne].
http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15
ession des espaces
Source : réalisé par l'auteur sous
58
l’enseignement européen, et comment elle a du progressivement se partager les planches avec
s’insère dans ce processus qui montre une évolution de la
perception de l’histoire, et la manifestation d’un intérêt croissant pour l’époque moderne.
L’évolution de son plan entre la première édition anglaise en 1801 et celle française de 1802-
orme le motif original qui présentait d’abord une succession de pays européens,
puis les cartes de l’Antiquité classique jusqu’aux invasions barbares, et enfin les quatre parties
du monde. Après 1808, la publication devenant systématique, la disposition définitive de
en début d’ouvrage,
les pays européens occupent une position centrale, puis le reste du monde clôt ce plan
Ce changement, plus adapté à la chronologie montre l’histoire depuis ses fondements
ux horizons (le monde). Mais l’ordre des cartes n’est pas
strictement chronologique, comme l’on pourrait s’y attendre de la part d’un atlas historique, il
découle plus de la situation géopolitique de l’Europe du début XIXe, articulant le cœur de
autour des grandes puissances de l’époque (France, Angleterre, Italie, Espagne-
Unis). Ainsi, la succession des planches dans
Humanities Research Group
http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15
59
l’Atlas épouse le schéma ci-dessus :
Même si, en découpant de cette manière le monde et en suivant l’évolution de ses
peuples et Etats, l’ouvrage de Lesage peut prétendre « servir à l’intelligence de l’histoire
universelle »162 ; celui-ci ne propose qu’un cadre géographique très classique comme trame de
fond à l’histoire du monde. La première table de l’Histoire universelle ancienne, se limite à
un espace très restreint allant de l’Europe, à l’Asie orientale en passant par le nord de
l’Afrique. Manuel Schramm écrit :
The geographical scope [cadre] of his table on ancient history was in fact limited to the
classical space of Europe, West Asia, North Africa (Egypt). Apart from a short discussion about
the beginnings of history, he did not mention ancient Chinese, Indian or American history163
.
De manière plus frappante encore, sa table d’histoire moderne se concentre
exclusivement sur le continent européen. La Géographie de l’histoire montre cette même
vision eurocentrique en présentant l’histoire de chaque pays européen depuis le Xe siècle,
occultant totalement les autres parties du monde. Pour Las Cases, un panorama général de
l’histoire européenne était suffisant pour un ouvrage a vocation d’enseignement général de
l’histoire. L’Europe est le seul continent qui lui semble nécessaire de traiter, n’accordant pas
ou très peu d’histoire aux autres parties du monde. Détail de poids, les tables généalogiques –
base de l’étude de l’histoire d’un pays selon la méthode de Lesage, n’existent pour aucune
dynastie non-européenne.
A contrario, la tendance à se focaliser sur l’histoire de l’occident s’accroît avec les
mises à jour de l’atlas et l’ajout de cartes. L’histoire, même très récente, vient y occuper de
plus en plus de place et détaille ainsi encore plus quelques pays qui polarisent l’attention.
C’est bien sûr l’Allemagne qui à partir de l’édition de 1829 inclut plus de cartes que tout autre
pays, notamment des cartes servant l’actualité au moment de leur conception et conservées
car jugées d’intérêt historique quelques années après. On trouve ainsi dans l’ordre :
162 C. HOFMANN, « La genèse de l’atlas historique en France (1630-1800) : pouvoirs et limites de la carte comme “oeil de l’histoire” », art. cit.
163 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », Center for European Studies, n° n°21, 2014, pp. p. 1 50.
60
-Une carte après le démembrement de l’Empire de Charlemagne jusqu’à Rodolphe de
Habsbourg et une carte sur l’origine et la formation des principaux Etats qui composaient
l’Empire germanique en planche 19.
-Une carte montrant l’état de l’Allemagne avant le traité de Westphalie, et une après en
planche 21.
-Une carte politique de l’Allemagne en 1803, et une en 1812 en planche 26.
-Une grande carte politique de la Confédération germanique après le Congrès de Vienne
en planche 26 bis.
La progression est la même – dans une moindre mesure – pour les cartes des Etats-Unis.
Absentes des premières éditions, elles sont au nombre de deux dans l’édition de 1842,
symbole d’un espace qui commence à compter aux yeux de l’Europe.
Suivant un plan largement géographique, l’Atlas historique de Lesage est basé sur une
division continent par continent (pour le monde) et pays par pays (dans l’Europe).
Résolument historique dans son contenu, que peut-il dire d’un continent comme l’Afrique
auquel il n’accorde pas d’histoire ?
B. L’Afrique, un « blanc de la carte » ou le « continent sans histoire »
La carte d’Afrique est une carte à l’échelle approximative 1:28 000 000e et aux
dimensions 32x30 cm (4 cm séparent chaque parallèle) dans sa version définitive164. D’un
tracé plutôt rapide et mal assuré pour la première édition anglaise, la carte s’est
progressivement faite plus précise. Déplacée au centre de la planche selon la disposition type
de Lesage, est s’est étoffée d’informations en tous genres et a gagné en scientificité. Elle reste
cependant une Afrique vue d’Europe, qui découvre et explore ce continent africain, puis se
l’approprie par sa mise en cartes.
[voir les deux cartes d'Afrique en annexe]
En ce qui concerne la partie topographique, la comparaison du tracé des côtes témoigne
d’une précision accrue, à la fois technique (gravure sur acier) et du fait du progrès des
164 Des mesures précises n’ayant pu être prises que sur l’édition de 1833, c’est systématiquement celle-ci qui servira à calculer les échelles. La distance du Caire au Cap est prise comme référence.
connaissances. Les atlas sont les moyens de diffuser ces connaissances en acquisition et d’en
fournir les images au plus grand nombre
d’un demi-siècle à un tracé de côtes conforme à ce que l’on connaît aujourd’hui.
Figure 12 : Le tracé de Madagascar en 1801 et en 1842Sources : Europeana et cliché personnel
De même, le tracé des montagnes évolue énormément. Dans les premières cartes, elles
barrent l’Afrique du nord au sud et d’est en ouest, ce qui n’est pas sans rappeler la théorie des
165 M. PASTOUREAU et F. bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque nationale, 1984
connaissances. Les atlas sont les moyens de diffuser ces connaissances en acquisition et d’en
fournir les images au plus grand nombre165. L’île de Madagascar passe par exemple en moins
siècle à un tracé de côtes conforme à ce que l’on connaît aujourd’hui.
Madagascar en 1801 et en 1842 Sources : Europeana et cliché personnel
De même, le tracé des montagnes évolue énormément. Dans les premières cartes, elles
barrent l’Afrique du nord au sud et d’est en ouest, ce qui n’est pas sans rappeler la théorie des
et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles): répertoire Bibliothèque nationale, 1984, préface de Monique Pelletier.
61
connaissances. Les atlas sont les moyens de diffuser ces connaissances en acquisition et d’en
par exemple en moins
siècle à un tracé de côtes conforme à ce que l’on connaît aujourd’hui.
De même, le tracé des montagnes évolue énormément. Dans les premières cartes, elles
barrent l’Afrique du nord au sud et d’est en ouest, ce qui n’est pas sans rappeler la théorie des
xviie siècles): répertoire , préface de Monique Pelletier.
62
montagnes de Philippe Buache au XVIIIe siècle qui les voit comme « charpente du Globe
terrestre »166. Ainsi, sur la carte de 1801, ces montagnes forment une ossature quasi continue
sur tout le continent. Cette théorie à la démarche naturaliste connait un immense succès à son
époque et reste longtemps présente dans l’imaginaire collectif167. Elle ne s’estompe que très
légèrement dans la dernière édition de la carte qui fait apparaître des trajets plus en adéquation
avec la réalité. Persistance de leur vision buachienne, ces chaînes de montagne, d’abord
représentées par alignement de taupinières, deviennent finalement très proches d’une colonne
vertébrale dans leur figuré. Celles-ci déterminent assez largement le partage du continent en
différentes aires, matérialisées par la couleur et décrites dans un tableau de la planche.
Dans toutes ses moutures, la carte laisse une place très importante au « blanc », espace
mal maîtrisé, qui laisse place à beaucoup de spéculations. Comblé par une chaîne
montagneuse dans un premier temps, cet espace est petit à petit assumé par l’auteur qui en fait
la part la plus importante du continent. Pour paraphraser Isabelle Laboulais-Lesage168, nous
pourrions dire que Lesage ne cherche plus réellement à « combler les blancs de la carte » :
l’auteur ne cherche pas à signifier une terra incognita par le recours aux représentations
allégoriques ou iconographiques – comme cela se pratiquait les siècles précédents, mais
utilise le blanchissement. Ce blanc invite à la connaissance, à l’exploration d’un monde qui
reste à découvrir. Il « donne une image concrète et spatialement délimitée d’un inconnu
géographique défini selon de nouvelles règles qui interdisent au cartographe de représenter ce
dont il connaît l’existence mais non la localisation »169. Ce que Las Cases ajoute dans ce
« blanc de la carte » et dans le texte de sa planche, c’est ainsi d’abord des remarques sur la
faiblesse des sources disponibles qui en rendent la cartographie difficile. A l’image d’un
Guillaume le Testu qui dès 1566 écrit « j’aime mieux la laisser imparfaite que d’ajouter à
cette carte un mensonge »170, Las Cases écrit : « Ici, dans l’intérieur, tout est ignorance ; les
géographes ne s’accordent ni sur les noms, ni sur les formes, ni sur les choses. » ou encore
dans un nota bene :
166 A ce sujet, voir L. LAGARDE, « Philippe Buache, ou le premier géographe français, 1700-1773 », Mappemonde, vol. 2, n° 87, s.d., pp. 26-30.
167 B. DEBARBIEUX, « La montagne: un objet géographique? », dans Les montagnes : discours et enjeux géographiques, Paris, SEDES, 2001.
168 I. LABOULAIS-LESAGE et UNIVERSITE MARC BLOCH (éds.), Combler les blancs de la carte: modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (XVIe-XXe siècle) ; [trois journées d’études ; elles ont été organisées en 2001 et 2002 par ... l’Equipe d’Accueil 3400 de l’Université de Marc Bloch (Strasbourg 2)], Strasbourg, Presses Univ. de Strasbourg, 2004 (Sciences de l’histoire).
169 Ibid. 170 Cité par C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op.
cit, chapitre 3.
63
Nous avons préféré y laisser beaucoup de place vide à la couvrir de traits fantastiques et de
noms hasardés. Reconnaitre ne pas savoir c’est être plus près de la vérité que de se nourrir
d’erreurs évidentes.
Ce qui fait dire à Jeremy Black : « Las Cases’s references to problems he faced with his
sources indicate his limitations and prejudices. »171. Dès lors, l’entreprise de comblement de
ces blancs passe alors par la réalisation d’expéditions, de voyages d’exploration172, et leur
représentation.
Plutôt que d’y situer des éléments incertains, Las Cases propose dans sa carte d’Afrique
tout une série de remarques tantôt d’ordre géographique, ethnographique ou historique et qui
viennent ponctuer les espaces vides. Espace perçu comme isolé et uniforme, l’Afrique serait
dépourvue des conditions de développement des autres peuples de la terre ; les populations
sont progressivement représentées comme archaïques tant sur le plan physique que moral. Les
courts textes gravés à même la carte parlent donc des « hordes de féroces Jagas », ou des
« hordes sauvages et féroces de l’intérieur ». En parallèle de ces remarques ethnographiques,
l’auteur utilise la géographie pour étoffer la description de certains espaces comme le Sahara,
grand désert poétiquement comparé à une mer qui sépare la « race maure de la race nègre ».
Décrivant lacs et fleuves, la climatologie est aussi un important centre d’intérêt, proposant par
exemple une météorologie d’Egypte au cours de l’année. Vue par le prisme européen n’a pas
d’histoire : « Africa was the most regrettable continent, the text explained ; not one of the
present peoples deserved attention. As for African history, he claimed that there was no
knowledge of either great events of great men. »173. Contrairement à l’Atlas Châtelain qui
proposait une histoire de l’Afrique – traitant des pharaons notamment, Lesage ne trace pour le
continent qu’une histoire de son exploration par les Européens.
Cette vision qui s’inscrit dans un processus de conquête et d’expansion coloniale a
complètement transformé la carte d’Afrique sur sa durée de vie. Cette dernière est passée du
statut de carte géographique « Africa with its geographical divisions » en 1801 ; à une feuille
171 J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 38.
172 J.-L. CHAPPEY, « Isabelle Laboulais-Lesage (dir.), “Combler les blancs de la carte. Modalités et enjeux de la construction des savoirs géographiques (XVIIe - XXe siècle)” », Annales historiques de la Révolution française, vol. 340, n° 1, 2005, pp. 213-215.
173 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.
64
de route de son exploration par les Européens depuis le XVe siècle « L’Afrique actuelle, avec
les renseignements et découvertes obtenus par les derniers voyageurs » en 1842 ; un
glissement thématique on ne peut plus explicite. Elle a d’abord affiché les points de contacts
qu’ont eu les navigateurs avec ses côtes, pour finalement en matérialiser les trajets à l’aide
d’une « Ligne chronologique des progrès et découvertes des Européens autour de l’Afrique »,
bâtie comme une frise chronologique à même la carte (de 1420 à 1498). De même, le tracé
des explorations européennes s’est matérialisé par des rubans colorés qui pénètrent depuis la
côte jusque dans les terres. Pour Lesage, l’histoire de l’Afrique n’existe pas, l’Afrique est une
terre à découvrir et son histoire est celle de son exploration par les Européens. Leurs
possessions sur le continent sont d’ailleurs bien mises en valeur (comme celles d’Angleterre,
soulignées d’un trait jaune) et coïncident avec des remarques sur le commerce qui justifient
leur présence physique sur le continent ; ainsi que la nécessité d’en explorer encore les
richesses.
C. La Mappemonde ou le point de rencontre entre l’histoire et la géographie
La Mappemonde est une carte de 53,5x28cm au 1:67 500 000e dans sa version
définitive. Le globe terrestre y est représenté par une projection stéréographique, qui est une
projection cartographique azimutale. Son plan de projection est équatorial, l’équateur y forme
ainsi une ligne droite. La projection stéréographique est la plus ancienne connue, elle est
conforme – ne fausse donc pas les formes. Comme ici en vue équatoriale, les parallèles
forment des arcs de cercle incurvés en sens opposé de part et d’autre de l’équateur. La
déformation augmente à mesure qu’on s’éloigne du centre. Les méridiens et les latitudes sont
représentés par des arcs de cercles ou des droites.
(voir la Mappemonde en annexe)
Nommée Mappemonde historique, elle représente le globe terrestre divisé en deux
hémisphères. Originalement l’Amérique est sur l’hémisphère de gauche, l’Europe, l’Asie,
l’Afrique sont à droite ; séparant ainsi « ancien » et « nouveau » monde174 ; cette disposition
est inversée quelques années plus tard. Cette construction en deux hémisphères, utilisée pour
174 D. COSGROVE, « Mapping the world », dans Maps: finding our place in the world, Chicago London, the University of Chicago Press, 2007, pp. 65-117.
65
la première fois par le cartographe français Jean Rotz en 1542175, a été largement utilisée et
développée par les cartographes européens. Permettant de réduire les distorsions causées par
un planisphère, elle donne l’impression visuelle de saisir la Terre dans sa globalité. La
présence d’une Mappemonde dans un atlas permet ainsi de satisfaire le « désir de maîtrise
symbolique du monde, offert tout entier au regard »176.
Livrée à partir de 1808, la Mappemonde est la première carte à paraitre depuis l’édition
de 1802. Elle se place en première position des quatre parties du monde, et non en début
d’ouvrage comme le réalisent traditionnellement les atlas géographiques177. Dès 1808, son
apparence tranche avec les autres cartes de l’Atlas. Occupant les deux-tiers de la planche au
format grand in-folio, c’est d’abord la surabondance du texte qui étonne. Avant que la carte
d’Afrique ne connaisse cette mutation, c’est la Mappemonde qui décide d’éviter les vides,
blancs, les déséquilibres ; et de les combler de savoirs digressifs. Les continents sont
différenciés par un lavis de couleur et un cartouche en caractérise la race, les habitudes
alimentaires, et la religion (Les Européens sont quasiment tous blancs, mangent du pain et
sont chrétiens). En plus de ces rapides exposés, les grands océans se remplissent de textes –
parfois très longs et au contenu très largement géographique. Las Cases écrit dans la Manière
de se servir des tableaux :
Il n’est de carte géographique de l’Atlas qui n’emporte avec elle une foule de particularités
spéciales ; la mappemonde surtout est sans contredit ce qu’il y a de plus classique et de plus
complet en ce genre.
Dans une démarche scientifique Las Cases explique l’origine des sources qui ont servi à
réaliser sa mappemonde, conscient que « Dans un tableau géographique, on ne peut avoir le
mérite d’inventer ni de découvrir ; un peu plus ou moins d’exactitude, de discernement et de
goût, dans le choix des matériaux est tout ce que l’on peut prétendre ». Il explique donc dans
un court texte avoir suivi les contours de la mappemonde de Brué, qui lui a d’ailleurs
« fourn[i] quelques notions particulières pour l’exécution de [son] travail ». Andrien-Hubert
Brué (1786-1832), cartographe et voyageur a participé à des expéditions vers les mers du Sud
175 Ibid. 176 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit,
chapitre 1. 177 M. PASTOUREAU, « Les Atlas Imprimés en France avant 1700 », Imago Mundi, vol. 32, 1980, pp. 45-
72.
66
et la Nouvelle-Hollande178, et était donc réputé pour la qualité de ses renseignements. Il
dessinait lui-même ses cartes sur plaques de cuivre (procédé encryprototype), et les a publié
en un atlas universel régulièrement mis à jour179. Sa mappemonde est ce qui se fait de plus fin
dans la gravure et de mieux fourni en toponymes. Lesage en retire une grande partie des
toponymes pour permettre l’insertion du texte historico-géographique. De même, il y fait
représenter les découvertes récentes dans la mer polaire arctique et celle du New-Shetland180.
Ces ajouts rendus possibles au fil des éditions par l’adoption d’un caractère plus fin pour y
faire rentrer encore plus d’information, représentent un réel apport de Lesage à la
mappemonde de Brué.
Réalisons donc un inventaire classé de ce qui se trouve sur cette mappemonde – dans et
hors ses hémisphères.
Dans l’intérieur de la gravure, on trouve donc au milieu de chaque « partie du monde »
un cartouche blanc avec son caractère, sa proportion vis-à-vis du reste des terres émergées, sa
population. La totalité de la carte est parsemée de « nombre d’objets scientifiques ou
curieux », exposés géographiques parfois teintés d’histoire. Ils traitement pèle-mêle du
phénomène des vents alizés, de celui des moussons, de la Cinquième partie du monde, des
efforts des missionnaires européens ou de la durée des voyages autour du globe. Toutes ces
informations viennent faire écho au sujet principal de la carte que sont les voyages et
découvertes depuis le XVe siècle. Sur ses deux hémisphères, la mappemonde présente donc
en quelques lignes une grande partie des lieux qu’elle nomme. Imbriquant histoire et
géographie, Las Cases affirme : « il n’y a pas de points géographiques importans auxquels on
n’ait rattaché soigneusement l’histoire et la chronologie ». En cohérence avec la carte
d’Afrique à la fin de son cycle de vie, la mappemonde se focalise très largement sur les
découvertes récentes et les explorations à venir. Elle détaille par exemple dans un paragraphe
qui occupe toute la Nouvelle-Hollande ses conditions de découverte, sa population, sa faune,
et son histoire récente. Cette démarche témoigne d’une vision très moderne dans la
mappemonde de Lesage, celle d’une histoire du monde comme l’histoire des contacts entre
178 Qui désignait à l’époque l’Australie actuelle. 179 P. LASNON DE LA LARENAUDIERE, « Nécrologie de Adrien-Hubert Brué », Nouvelles annales des
Voyages et des sciences géographiques, 1832, pp. 160-161. 180 Aujourd’hui le continent Antarctique.
67
les différents continents181. Combinant histoire et géographie, il montre les découvertes
comme un effort conjoint des Européens – occultant complètement les navigateurs chinois et
arabes182.
S’ajoutent bien souvent, comme sur la carte d’Afrique, des considérations
ethnographiques imprégnées de la pensée raciale de l’époque. Aucune partie du monde
n’échappe à la théorie classificatrice qui mêle caractéristiques physiques et comportement.
Ainsi les « nouveaux zélandais sont de race polynésienne, braves, défians et
anthropophages » ; les Esquimaux sont une « race innocente, difforme et basanée, différente
des Américains » ; et la « population de l’Afrique semble décheoir en avançant vers le sud. Le
nègre est fort inférieur au maure, et le hottentot est fort au dessous du nègre ».
Mais la carte se poursuit hors les murs ; dans ses contours extérieurs, s’affichent les
remarques climatiques. Sont nommées, tracées et coloriées les diverses zones du globe
(tempérée, torride, tropicale…). Hors la carte, dans ses marges, des remarques plus proches
des sciences naturelles lui donnent un aspect plus rigoureux. En haut, entre les deux
hémisphères, ce sont les dimensions du globe, sa solidité, sa surface et sa circonférence qui
sont données. Sous les deux hémisphères, on compare les trois thermomètres de Réaumur,
Fahrenheit et centigrade. A la gauche, on retrouve la géographie en une échelle comparative
de la longueur des fleuves du globe. Sa réciproque – très centrée sur l’Europe – en compare
les hauteurs des montagnes sur la droite de la gravure.
Lesage a fait le choix, pour cette mappemonde, d’une surabondance d’informations qui
la rend à ses yeux source d’une inépuisable connaissance. Dans le Plan du tableau il dit :
« plus on parcourra [le tableau], plus on le découvrira ». C’est cette idée de rendre ses cartes
aussi inépuisables que ses tableaux – par le nombre d’allers-retours qu’on y effectue ou la
plongée dans le détail qui y est permise – qui guide les nouvelles gravures de toutes ses cartes.
Ainsi tour à tour ce sont la carte de Russie, celle d’Asie, d’Afrique, d’Amérique (toutes ses
cartes du « grand monde ») qui se couvrent de texte et mélangent géographie, histoire,
ethnographie et commerce.
181 M. SCHRAMM, « The Beginnings of Historical Consciousness. Historical Atlases in the 18th century », art. cit.
182 Las Cases les connaissait-ils seulement ?
68
Contrairement à ce qu’a pu noter Walter Goffart, les cartes de Lesage s’améliorent avec
le temps dans le dessin, s’enrichissent d’informations lorsqu’elles sont gravées de nouveau.
L’Atlas se détache des autres productions de cartes de son temps dans cette utilisation
intensive de l’espace (comme il le fait avec les planches) qu’il remplit de texte183. Tout
comme ce que l’on voit sur une carte excède les possibilités du langage, le texte est à l’inverse
un moyen de palier les manques de la sémiologie graphique184. L’écriture et le dessin sont
mêlés, montrant une complémentarité et une interaction permanentes. Christian Jacob a
montré l’oscillation de la carte entre deux extrêmes. D’un côté le texte-archipel, page écrite
morcelée en blocs de mots pour figurer des lieux ; de l’autre la carte écrite dans laquelle
l’écriture envahit les formes géographiques et où la carte se fait texte. Cet espace surchargé
d’information écrite est celui que désire Lesage pour ses cartes du monde. Impliquant une
« lecture fragmentaire et rapprochée, une consultation prolongée ou réitérée »185, ce type de
carte correspond au projet didactique de l’auteur. Une planche unique pour d’aussi grands
espaces lui impose de nourrir sa carte d’informations variées qui seront un premier jalon vers
la connaissance de ces mêmes espaces. Seul l’œil trace son itinéraire, établit la continuité dans
le récit en lui donnant un ordre. A chaque consultation, le chemin compose un récit différent,
ouvrant par cette carte-texte sur une « certaine forme d’infini, celui de la mémoire, de la
culture, de la bibliothèque »186.
Ces cartes ont d’ailleurs une grande portée encyclopédique, et prolongent ainsi la
tradition ortelienne ; celle-ci privilégie une grande synchronicité pour faire figurer un grand
nombre d’objets sur la carte. En adéquation avec les méthodes pédagogiques qui l’ont
précédé, Lesage répond par ses cartes à Lenglet du Fresnoy qui préconisait dans sa Méthode
pour étudier l’histoire en 1713 :
183 W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of Chicago Press, 2003, p. 308.
184 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit, chapitre 3.
185 Ibid., p. 249. 186 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit,
chapitre 3.
69
Il faudroit que chaque lieu que l’on trouve marqué dans le Livre & sur la Carte fut caractérisé,
soit par quelque point d’Histoire Naturelle ou d’Histoire Ecclésiastique ou Civile, soit par la
Commerce & par la nature du sol, ou par les mœurs des habitants187
L’association d’un fragment de texte et de savoir avec un lieu géographique devient
dispositif mnémotechnique et participe du bon apprentissage de l’histoire comme de la
géographie. La géographie est ainsi vue comme « fil conducteur mnémotechnique permettant
de relier le passé au présent »188, la carte supplée aux défaillances de la mémoire.
Enfin, les cartes de l’Atlas sont porteuses d’une certaine portée politique. Par là, on
constate l’émergence d’une conscience nationale dans les planches, qui touche un public
avant tout français, au courant de l’actualité de l’époque. A l’image des atlas allemands et
britanniques de l’époque qui participent du processus de formation de la conscience nationale
des deux pays, Lesage a une approche résolument orientée en faveur de son pays. Le danger
anglais est ainsi systématiquement pointé du doigt dans la carte d’Afrique comme la
Mappemonde. Ennemi ou menace, la carte d’Europe politique en 1826 affuble la Grande-
Bretagne du surnom de « dictator of the seas »189. Sa présence dans le monde est constamment
relevée à l’aide de soulignages jaunes et note : « Indoustan : près de 113 millions de sujets
anglais !!! », ou parlant de la Nouvelle-Hollande : « Les Anglais semblent aujourd’hui vouloir
s’approprier l’île entière » pour conclure ainsi sur l’impérialisme britannique : « telle est
l’Angleterre et sa manière de faire ».
La portée nationale de l’atlas se ressent aussi dans la carte montrant la formation
progressive du territoire français (planche XII) qui n'est pas sans rappeler Pierre Duval qui
réalisait dès 1658 un atlas entier traitant de l'évolution du territoire français : Les Acquisitions
de la France par la Paix. On retrouve chez Lesage l'idée générale de formation graduelle du
territoire, un code couleur différencie chaque province selon la manière dont elle a été réunie
au territoire : par conquête, par héritage, par traité ou mariage. Bien que figurent les limites du
territoire français telles que fixées par le Traité de Paris après 1814-15, Las Cases y conserve
les départements français napoléoniens acquis jusqu'en 1810 – des villes hanséatiques
jusqu'aux Etats romains. Cet attachement à l'ancienne gloire napoléonienne tient aussi de la
187 Cité par N. VERDIER, La carte avant les cartographes: l’avènement du régime cartographique en France au XVIIIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, chapitre 5.
188 C. JACOB, L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers les âges., op. cit. 189 J. BLACK, Maps and history, op. cit., p. 38.
70
promotion nationale. Et il est peu de constater son omniprésence au sein de l'Atlas. Dans la
version définitive de l'Atlas restent représentées l'avancée et les campagnes réalisées sous
l'Empire et figées dans des cartes où le temps s'est arrêté après Napoléon. La carte d'Italie
montre les campagnes de Bonaparte de 1796 et 1800 et les relate dans le texte, l'avant-
dernière planche d'Allemagne (XXVI) trace la campagne d'Austerlitz et celle contre la Prusse
en 1807 avec un texte qui les détaille largement, enfin la dernière planche d'Allemagne
(XXVI bis) relate le retour de Russie et le congrès de Vienne. Sur la carte de Russie, une
bande de couleur figure le trajet depuis Paris jusqu'à Moscou réalisé par la Grande Armée
avec la mesure en jours de son parcours. La planche de l'Europe politique (XXX),
volontairement figée en 1814, montre la gigantesque extension de l'Empire français lorsqu'il
était à son apogée. Enfin, sur la Mappemonde comme sur la carte d''Afrique est représentée
surdimensionnée l'Ile de Sainte-Hélène « immortalisée par un cercueil » et symbolisée par une
Légion d'honneur. Le monde est donc bien vu dans l’Atlas depuis l’Europe, mais un second
prisme franco-français qui narre un roman national s’ajoute à cette vision, participant du
développement d’un imaginaire national tel que l’a défini Anderson190.
Las Cases réalise un ouvrage en phase avec les préoccupations de son temps, ce qui est
certainement une des raisons de son succès sans précédent dans l’histoire des atlas
historiques.
190 B. ANDERSON, L’imaginaire national : réflexions sur les origines et l’essor du nationalisme, Paris, La découverte, 1996.
Un imaginaire national pour lequel le développement de l’imprimé participe pleinement de l’essor.
71
V. Du succès aux héritiers
Tous les commentateurs de l’Atlas s’accordent sur un point, le succès phénoménal qu’a
connu l’Atlas dès ses premières éditions : « It was one of the most succesful atlases of the
age »191 écrit Jeremy Black. Malgré ses omissions, ses erreurs élémentaires et ses cartes
parfois rudimentaires, l’Atlas Lesage a trouvé un public, venant se ranger dans la catégorie
des « competitively priced and mass-produced maps » selon la typologie de Diane Dillon192.
Considéré comme fondateur pour les atlas historiques, son immense tirage en fait un objet
normatif : « A normative pattern for the historical atlas was set in the first half of the
nineteenth century, as works were reprinted in several different countries. The most important
atlas initially was the Genealogical, Chronological, Historical and Geographical Atlas. »193.
Las Cases a agi avec son atlas comme l’avait fait Ortelius en son temps pour le Theatrum
Orbis Terrarum, répondant à la demande pour des cartes à jour et pratiques à étudier. Acquis
par de grandes personnalités de son temps, l’ouvrage a rapidement été traduit dans tous les
idiomes ouest-européens194.
Un atlas requiert de son maître d’œuvre un programme échelonné sur plusieurs années
et une solide assise financière que Las Cases ne possédait pas. Il a ainsi fait appel à des
souscripteurs pour mettre en branle son projet d’atlas, dont il a plus tard recueilli les
bénéfices. Un atlas est un produit qui se vend bien, élaboré en collaboration avec un éditeur, il
permet d’écouler plus de planches que la vente à la pièce. Petite collections à lui tout seul, il
est attrayant pour l’acheteur qui a l’impression d’acquérir en une fois la quintessence du
savoir géographique195.
L’idée directrice de ce chapitre est d’évaluer l’impact qu’à eu Lesage sur son temps, et
sur la production des atlas qui l’ont suivi. Figure d’un renouveau, il a nécessairement
influencé les productions ultérieures, nous tenterons donc d’en tracer la descendance directe
en dressant la liste des travaux qui s’en réclament. Avant toute chose, tentons d’expliquer les
191 J. BLACK, Visions of the world: a history of maps, London, Mitchell Beazley, 2003. 192 D. DILLON, « Consuming Maps », dans Maps: finding our place in the world, Chicago London, the
University of Chicago Press, 2007. 193 J. BLACK, « Mapping the Past : Historical Atlases », Orbis, vol. 47, n° 2, 2003, pp. 277 293. 194 Karrow cité par D. DILLON, « Consuming Maps », art. cit. 195 M. PASTOUREAU et F. LESTRINGANT, Les atlas français (xvie-xviie siècles): répertoire
bibliographique et étude, Paris, Bibliothèque nationale, 1984, introduction.
72
raisons du succès de cette production, parcourons-en les critiques contemporaines et
détaillons les rééditions qui ont fait la renommée de l’Atlas Lesage.
A. Un succès commercial et public précoce
« Another milestone was passed at the opening of the nineteenth century when an
historical atlas actually became a commercial success »196 écrit Walter Goffart, montrant
l’Atlas Lesage comme moment marquant du début du siècle. Les compte-rendus des
contemporains de Lesage corroborent cette vision d’un succès immédiat et large197. Pour
Goffart, « Las Cases hit the jackpot. His atlas was a best-seller in England and France, and
later in Italy, Germany and even America ». Difficile d’expliquer les raisons de ce succès,
d’autant plus que d’autres productions de qualité existent à l’époque. Goffart tente de
l’expliquer par l’arrivée du Lesage sur le marché à un moment opportun. Après les troubles
révolutionnaires, le public qui s’intéressait surtout aux cartes classiques et bibliques aurait
selon l’auteur demandé des cartes de l’Ancien régime, et par conséquent de l’époque
médiévale et moderne. Si cette analyse semble un peu rapide, il est vrai que Lesage semble de
plus en plus répondre à une demande pour des cartes d’actualité. Au fur et à mesure de sa
production, il ne publie que des cartes imprégnées des dernières découvertes ou explorations,
et s’intéresse par exemple aux Etats-Unis d’Amérique. Il nous semble que c’est aussi l’aspect
spécialisé de l’ouvrage qui en a fait son succès. Son côté vulgarisateur l’a positionné en marge
des travaux réalisés par des érudits et destinés à un public lettré, sa méthode très instinctive le
rendant facilement accessible.
De plus, l’habileté entrepreneuriale de Las Cases l’a amené à faire de son pseudonyme
de Lesage comme une marque déposée (« a trademark »198). Il a d’abord mobilisé son réseau
londonien pour créer l’Atlas et lui trouver des souscripteurs, puis celui de Paris pour
renouveler l’expérience avec une seconde édition. Avec une campagne proche de ce que l’on
nommerait aujourd’hui lobbying, il a bénéficié de larges échos dans la presse, diffusé des
tracts publicitaires et ainsi fait de son atlas avant même sa parution française un objet à avoir.
Son adoption très tôt par le Ministère de l’Intérieur pour l’usage des lycées et par les
196 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », Humanities Research Group Working Papers, vol. 9, 2007, [En ligne].
<http://windsor.scholarsportal.info/ojs/leddy/index.php/HRG/article/download/268/262>. (Consulté le 15 avril 2015).
197 Allgemeine Literatur-Zeitung, vol. 4, n° 346, décembre 1804, p. 522. 198 W. GOFFART, Historical Atlases: The First Three Hundred Years, 1570-1870, s.l., University of
Chicago Press, 2003, chapitre 5.
73
Relations extérieures pour l’usage des légations a aussi très largement participé de la
renommée de l’ouvrage. Las Cases s’est d’ailleurs largement servi de cette publicité gratuite
dans ses préfaces aux diverses éditions de l’Atlas qui recensent toutes les lettres officielles qui
en recommandent l’usage. L’Atlas élémentaire est dans cette utilisation une démonstration de
force, dressant la liste de tous ceux qui l’ont recommandé et renvoyant à des extraits de
lettres. Son ainsi cités le conseiller d’état chargé de la direction de l’Instruction publique l’an
XII (Fourcroy), le ministre des relations extérieures la même année (Talleyrand), Napoléon
Bonaparte, le ministre de l’instruction publique en 1831 (Barthe)199. Ce label, Lesage l’a
exploité à travers ses déclinaisons de l’Atlas qui ne portaient pas son véritable nom mais
gardaient son pseudonyme longtemps après qu’il eut été éventé.
Le nom de Lesage est devenu synonyme de succès. Symbole de l’ouvrage populaire, il a
été porté par les talents de vulgarisateur de son auteur (Goffart le qualifie de « talented
popularizer »200). Sa distribution a été exceptionnellement large du fait de l’absence de
concurrence pendant les vingt premières années d’exploitations de l’Atlas. Il a ainsi ouvert la
voie au commerce de masse des atlas historiques et en a lancé la publication à échelle
industrielle, épaulée plus tard par l’apparition de la technique lithographique.
B. Les critiques en France et à l’étranger
Malgré un succès immédiat, Lesage a aussi rapidement connu les critiques. Emanant des
milieux érudits en France et à l’étranger – en Allemagne, elles n’ont pas fait fléchir les ventes
d’un ouvrage qui n’était pas destiné au public académique.
Les critiques de l’Atlas sont nombreuses et toutes plus ou moins acerbes, elles émaillent
les vingt premières années qui suivent la publication de sa première édition201. Si certaines
sont plus anecdotiques, comme l’historien Dacier qui reproche surtout à l’ouvrage son
caractère commercial202, ou Brion de la Tour « doyen des géographes » qui prétend que le
nom d’Atlas historique ne peut être utilisé que pour les voyages de découvertes203 ; d’autres
199 E. LAS CASES, Atlas élémentaire, géographique, historique, chronologique et généalogique : ou choix des dix cartes les plus classiques du grand atlas de A. Lesage (comte de Las Cases), a l’usage des collèges et maisons d’éducation pour l’instruction de la jeunesse., Paris, L. Hachette, 1831.
200 W. GOFFART, « When Did Historical Atlases Really Originate? », art. cit. 201 D’après la préface de l’édition allemande de 1825. 202 Il le qualifie de « compilation mercantile » en 1808. 203 L. BRION DE LA TOUR, Observations curieuses et utiles avant ou après l’acquisition de l’atlas
historique de M. Le Sage, par L. Brion de La Tour, doyen des géographes..., s.l., chez les marchands de nouveautés (Paris), 1809, p. 4, [En ligne]. <http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k840267x>. (Consulté le 25 avril 2015).
74
auteurs formulent des remarques plus instructives. Ces premières critiques « de principe »,
s’attachent largement à reprocher à l’auteur son succès, De la Tour écrit ainsi : « plus un
ouvrage est répandu et vanté, plus il mérite les honneurs de la critique ». Ils lui reprochent, en
somme, son contenu vulgarisateur.
Les critiques les plus récurrentes émanent donc de spécialistes de l’histoire qui
défendent leur pré carré. En France, c’est Viton de Saint-Allais, un spécialiste – plus ou moins
autoproclamé – de la généalogie, qui publie en 1810-11 Le Correcteur de l’Atlas
généalogique de Le Sage204. Ne mâchant pas ses mots, il attaque ce qu’il considère comme
« de tous les livres de généalogie, de chronologie et d’histoire, le plus fautif, le plus incorrect,
et surtout le plus dangereux à consulter ». Accusant d’abord l’ouvrage de la même manière
que le font Dacier et Brion, il le qualifie d’une formule bien sentie de « livre dans lequel les
oisifs du monde vont encore tous les jours chercher leur science sans se déranger de leurs
plaisirs ». Se faisant ensuite un devoir d’ « éclairer le public sur les erreurs graves et
multiples dont il fourmille », il passe une vingtaine de pages à énumérer une à une les erreurs
qu’il a relevées dans les tableaux chronologiques. Il reproche entre autres à Lesage d’avoir
sacrifié dans ses tableaux des personnages de première importance par unique souci d’espace.
Selon lui, « L’Atlas de Lesage ne peut être corrigé qu’en le refondant tout à fait, et en
employant, pour le rectifier, d’autres matériaux que ceux sur lesquels il est établi. », sous-
entendues les généalogies établies par lui-même. Le ton très polémique de l’auteur dans sa
critique vis-à-vis de Lesage et de ses sources, lui permet ainsi de légitimer son propre travail
sur les maisons d’Europe. Il a en effet publié quelques années avant sous le nom de V***
l’Histoire généalogique des Maisons souveraines d’Europe. Viton s’attaque de nouveau à
l’ouvrage qui le concurrence en 1813, aidé d’un certain Saint-Victor en organisant une
campagne de dénigrement dans les journaux au moment où paraît une nouvelle édition de
l’Atlas.
En Allemagne, la critique se fait plus constructive et dénote d’une querelle de fond
concernant la forme que doivent prendre les atlas historiques. Déjà abordée en premier
chapitre de notre étude, cette critique se focalise sur les cartes historiques que les Allemands
ne conçoivent alors que s’enchainant dans un ordre chronologique, selon un format
séquentiel. Goffart cite un commentateur allemand de l’Atlas : « un atlas historique doit
fournir de nombreuses cartes topographiques et elles doivent se suivre dans une ordre
204 VITON DE SAINT ALLAIS, Le Correcteur de l’atlas généalogique de Lesage, Paris, 1811.
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chronologique, pour présenter à l’œil les changements progressifs de la course du temps ». De
même, le commentateur de l’Allgemeine Literatur-Zeitung reproche à Lesage de n’offrir que
des fragments d’histoire et aurait aimé pouvoir « tracer la course de l’histoire du monde dans
sa continuité ». Ce format que des cartographes travaillant en France ont aussi adopté –
comme le contemporain Rizzi Zannoni – se doit d’être la règle, sans quoi ce qui y dérogent
feraient mieux de laisser l’histoire aux Allemands205. Un contemporain écrit, moins critique
mais avec une pointe d’étonnement :
Lesage believes that a historical has to be organized in the way our geographical atlases are
generally organized : 1st a map of the globe, 2nd Europe with individual maps of the individual
states and their provinces, 3rd the remaining of the world206.
Ces critiques, plus ou moins violentes, et plus ou moins fondées ne restent pas sans
suite, les éditeurs de l’Atlas qui se succèdent se font dans les différentes éditions un devoir de
leur répondre et de corriger les erreurs typographiques – nombreuses il est vrai pour la
première édition, ou plus rarement les erreurs de fond. Ces remarques n’ont pas empêché
l’Atlas de connaître une durée de vie hors du commun, étant distribué sans discontinuer de
1801 à 1853.
C. Rééditions et déclinaisons de l’Atlas
Une des plus grandes difficultés de notre recherche a été d’établir le catalogue le plus
exhaustif possible des différentes éditions de l’Atlas historique, généalogique, chronologique
et géographique. D’abord considéré comme point de départ de toute recherche, ce catalogue
n’a pu réellement être établi qu’en fin de parcours, après avoir croisé les sources de tous ceux
qui ont travaillé sur Las Cases-Lesage, consulté les ouvrages des bibliothèques parisiennes,
mais surtout interrogé les ressources en ligne de bibliothèques du monde entier. Il a permis de
déterminer le cycle de vie complet de l’Atlas – cinquante ans, d’étudier dans quelle mesure il
s’est répandu dans les autres pays du monde, et par là même de mesurer son impact sur la
production ultérieure.
205 Je paraphrase ici un auteur de l’Allgemeine geographische Ephemeriden, cité par Goffart. 206 Une nouvelle fois cité par W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit.
76
L’Atlas Lesage a connu des évolutions au sein de ses éditions, qui se sont enrichies au
fil du temps, bénéficiant de mises à jour régulières – qui finissent même par être effectuées
tout les ans à son apogée – permises par l’achat de feuillets additionnels. La demande est
restée forte pour cet ouvrage qui s’est rapidement décliné en éditions populaires, utilisant un
papier de moindre qualité et baissant son prix. Les années 1830 voient paraître des éditions
abrégées, au format plus compact, particulièrement destinées à la jeunesse. Celles-ci se
composent de planches extraites de ce que Lesage nomme dorénavant le Grand Atlas et qu’il
distingue de l’Atlas élémentaire que sont les dix cartes et tableaux jugés « classiques » de
l’Atlas ; et du Manuel composé de quatre de ses tables. L’objectif est alors d’élargir encore le
public par ces éditions accessibles et recommandées pour la jeunesse. Las Cases désire faire
de son atlas le compagnon de route de l’écolier, que chaque écolier ait son Lesage, à l’image
de l’expression du XVIIe « avoir son Duval »207. Ces éditions au succès pourtant important
sont aujourd’hui plus difficilement trouvables en bibliothèque que leurs cousins au format
grand in-folio. Leur petite taille, leur papier de basse qualité, et le fait qu’ils soient
entièrement extraits du Grand Atlas n’aidant probablement pas à leur conservation. Ainsi Las
Cases s’est une nouvelle fois comporté commercialement avec son Atlas comme Ortelius
l’avait fait en son temps. Sa publication régulière et ses mises à jour fréquentes en ont soutenu
l’intérêt du public. Des déclinaisons en formats plus maniables lui ont permis d’élargir sa
clientèle et de faire de son atlas une publication marquante du premier XIXe siècle.
Travaillant à l’exploitation commerciale de son œuvre, Las Cases collabore avec des
éditeurs de toute l’Europe qui lui permettent de distribuer son atlas dans toute l’Europe. Après
une première édition pirate florentine en 1806208, largement diffusée en Italie, des éditions
légales et traduites voient le jour :
- Une édition russe en 1809,
- Une nouvelle édition italienne en 1813 qui corrige la mauvaise traduction de
l’édition pirate de 1806.
- Une édition anglaise en 1813, mise à jour par Mme Coindé, dame de la noblesse
française, amie de Las Cases installée à Londres.
- Une édition espagnole en 1826, éditée à Paris.
- Une édition allemande de 1825 à 1831.
207 Je tiens cette expression de mon collègue Geoffrey Phelippot, en master 1 à Paris-IV. 208 Distribuée au prix de 135 paoli d’argent florentins, soit à peine la moitié du prix français.
77
Une fois déconnectées du flux français de parution des éditions, ces publications
acquièrent une existence propre, en marge de celle de l’ouvrage en France. Les éditeurs qui en
achètent les droits pour l’étranger sont nombreux à apporter des modifications à l’Atlas, à
l’enrichir en proposant des augmentations. Permettant de s’adapter au public du pays, les
augmentations sont quasi systématiques. L’édition espagnole de l’Atlas209 est ainsi annoncée
comme corrigée et augmentée par un hispano-américain. En plus d’une traduction intégrale de
l’Atlas et de ses cartes, sont ajoutées quatre planches uniquement composées de texte et qui
présentent un à un les pays d’Amérique du nord, puis du sud.
Ces éditions et traductions étrangères permettent de relayer l’ouvrage de Lesage dans de
nombreux pays, ce dernier donne naissance par là même à un courant de productions dans
lequel viennent se nicher de nombreuses œuvres.
D. Vers une diffusion de la « méthode Lesage » ?
« The Atlas Lesage fathered a numerous progeny in direct and collateral lines »210,
l’Atlas Lesage, novateur dans son plan et la physionomie de sa planche, a nécessairement
influencé les productions ultérieures. Passons donc en revue la foule de ceux qui se réclament
de Lesage et annoncent dans le titre de leur ouvrage « sur le plan de Lesage » ou « d’après la
méthode de Lesage ». Il est possible de classer ces héritiers en trois grands mouvements qui
représentent des degrés d’appropriation de Lesage par ces auteurs : ceux qui le reprennent tel
quel dans leurs travaux, ceux qui réalisent des atlas selon le même modèle, et ceux qui
mettent au point des tableaux synoptiques de même nature que lui211. Ces auteurs sont
largement
Tout d’abord donc, le succès de Lesage est exploité dans des publications variées qui
utilisent ses travaux. La plupart du temps des compilations ou rééditions, l’apport de l’auteur
en dehors du collage qu’il réalise est assez faible. Ainsi Lowth réalise un atlas, appuyé par la
trame historique du Lesage212. Simencourt compile plusieurs atlas (Malte-Brun, d’Anville,
209 E. LAS CASES, Atlas histórico, genealógico, cronológico, geográfico, etc., de Lesage. Escrito por el Conde de Las Casas, traducido, corregido y auméntado por un Espanol Americano, Paris, Libreria hispano-francesa de Bossange Padre, 1826.
210 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 307. 211 Se référer aux sources classées en bibliographie. 212 H. LOWTH et E. LAS CASES, A concise historical, biographical and genealogical school atlas : of the
principal events in the histories of England, France, Spain, Portugal, Germany, and Italy ; also, the celebrated European treaties, painters &c., Londres, Simpkin, Marshall, 1852.
78
Lesage…) pour aboutir à un atlas universel en quarante-sept cartes213. De même, Arthus-
Bertrand réédite l’histoire d’Angleterre de David Hume et choisit de l’ « éclaircir » par les
tableaux généalogiques de Lesage ainsi que par sa carte d’Angleterre214. Ces auteurs ou
éditeurs ne sont donc que compilateurs, mais d’autres sont descendants directs de Lesage.
Nombreux sont ceux qui ont été séduits par le plan de Lesage et sa manière de traiter
ensemble histoire, généalogie, chronologie et géographie. Le tout premier est Lavoisne qui
reprend à compte l’Atlas de Lesage dans une édition augmentée et modifiée mais non
autorisée215. Cet ouvrage a connu le succès, si bien qu’aujourd’hui certains chercheurs
étourdis confondent Lavoisne et Lesage216. Ce n’est donc pas directement l’Atlas Lesage mais
ce Lavoisne qui s’est exporté aux Etats-Unis pour être publié à Philadelphie en 1820217. De là,
il donne l’idée à Henry Charles Carey & Isaac Lea de compiler un atlas historique portant sur
les Etats-Unis à la manière de Lesage218, et qui devient un best-seller dans le pays. La boucle
se termine lorsque le français Buchon traduit l’ouvrage de Carey & Lea et le publie en
France219. Une autre œuvre de perpétuation des travaux de Las Cases est apparue en Espagne
avec un atlas historique, statistique et géographique créé par un certain Elias220. Enfin, un
213 A.-H. de SIMENCOURT, Atlas universel complet de géographie ancienne et moderne conformément à l’état physique, politique et historique actuel du globe... contenant 47 cartes... d’après d’Anville, Arrowsmith, Guthrie, Maltebrun, Lesage, Lapie, Brné..., Paris, H. Langlois fils, 1830.
214 D. HUME, Histoire d’Angleterre, par David Hume, éclaircie par des tableaux généalogiques coloriés, et par une carte géographique, tirés de l’Atlas historique de Lesage., Paris : Impr. de Lebègue, chez Arthus-Bertrand, Pigoreau, Corbet, Roret, 1822.
215 C.V. LAVOISNE et C. GROS, A New Genealogical, Historical, and Chronological Atlas... complete in thirty-six maps, Londres, 1807.
216 V. LARCHER, Dalla mappa alla politica : l’atlante storico tedesco e italiano tra geopolitica e Zeitgeist. [Magistrali biennali], Padoue, Università degli Studi di Padova, 2014.
217 C.V. LAVOISNE, A complete genealogical, historical, chronological and geographical atlas being a general guide to history, both ancient and modern, exhibiting an accurate account of the origin, descent and marriages of all the royal families from the beginning of the world: together with the various possessions, foreign wars, battles of renown and remarkable events, to the battle of Waterloo and general peace of 1815, Philadelphie, M. Carey and Son, 1820, [En ligne].
<http://www.davidrumsey.com/luna/servlet/view/search?q=+Pub_List_No%3D%271642.000%27%22%20LIMIT:RUMSEY~8~1&sort=Pub_List_No_InitialSort,Pub_Date>. (Consulté le 7 avril 2015).
218 H.C. CAREY et I. LEA, A complete historical, chronological, and geographical American atlas, being a guide to the history of North and South America, and the West Indies: exhibiting an accurate account of the discovery, settlement, and progress of their various kingdoms, states, provinces, &c.; together with the wars, celebrated battles, and remarkable events, to the year 1822. According to the plan of Le Sage’s atlas and intended as a companion to Lavoisne’s improvement of the celebrated work., Philadelphia, Henry Charles Carey & Isaac Lea, 1822.
219 J.A.C. BUCHON, Atlas géographique, statistique, historique et chronologique des deux Amériques et des îles adjacentes : traduit de l’atlas exécuté en Amérique d’après Lesage, avec de nombreuses corrections et augmentations, Paris, A la librairie de J. Carez, e̓diteur, Rue Haute Feuille, No. 18. Chez Verière, Quai des Augustins, No. 25. Chez Bossange, père, Rue de Richelieu, No. 60, 1825, [En ligne]. <http://www.europeana.eu/portal/record/9200376/BibliographicResource_3000100297904.html>. .
220 J.A. ELIAS, Atlas Geográfico, Histórico y Estadístico de España y sus Posesiones de Ultramar, por Dn J.A. Elias, compuesto de 40 Mapas geográficos iluminados y 80 Cuadros sinopticos segun el metodo del Atlas
79
certain Elton s’est inspiré de la carte des invasions barbares de Lesage pour réaliser sa
Migration of the Barbarians en 1825221.
Les derniers héritiers de Lesage se sont inspirés de sa manière de classer les
informations en reprenant à leur compte les tableaux synoptiques, et les appliquant aux sujets
les plus variés. Il y eut Huber-Saladin, et son tableau chronologique de l’histoire de la
Confédération suisse, pensé comme un complément direct à l’Atlas de Lesage222. Recavin
applique quant à lui la méthode de classification de Lesage à l’histoire ancienne223. Plus
original dans les sujets qu’il traite, Adrien Jarry de Mancy est l’auteur de tableaux « à la
Lesage » le plus prolixe. Des années 1820 à la fin des années 1830, au moment où l’Atlas est
le plus populaire, il publie six tableaux qui revendiquent la démarche de Lesage. Ils traitent
tour à tour de littérature, de la monarchie représentative, de l’école Polytechnique, des
révolutions nationales de Pologne ou encore des concours généraux de l’université224.
Tracer la descendance nombreuse qu’a engendré l’Atlas de Lesage nous amène à
constater que l’ouvrage à bel et bien affecté la physionomie des productions qui l’ont suivi225.
Il faut néanmoins souligner que Las Cases a plus influencé la génération suivante par le
traitement graphique de ses tables ou le plan de son atlas que par ses cartes. Sa distribution à
de M. Lesage ... por D.J.L. de A. y los mapas en vista de los de Lopez, Antillon, Tofiño ... por D.B. de B., Barcelona, Antonio Teixido, 1848.
221 C.A. ELTON, « The Migration of the Barbarians who invaded the Roman Empire, showing the place of their departure, and that of their establishment, or of their destruction », 1825.
222 J. HUBER-SALADIN, Tableau chronologique de l’histoire de la Confédération suisse: feuille pouvant servir de complément à l’Atlas historique, généalogique, chronologique et géographique de A. Lesage, comte de Las Cases, Genève ; Paris, J. Barbezat, 1830.
223 J.-M. RECAVIN, Tableau de l’histoire ancienne, refait entièrement d’après la méthode de Lesage, Blois, Dezairs, 1839.
224 A. JARRY DE MANCY et L. CHODZKO, Littérature polonaise. Extrait de l’« Atlas historique des littératures, complément de l’atlas historique de A. Lesage, comte de Las Cases ». Esquisse chronologique de l’histoire de la littérature polonaise, par A. Jarry de Mancy,... et par Léonard Chdźko,..., Paris, J. Renouard, s.d. ; A. JARRY DE MANCY, F. DENIS et E. HEREAU, Atlas historique et chronologique des littératures anciennes et modernes, des sciences et des beaux-arts, d’après la méthode et sur le plan de l’atlas de A. Lesage (comte de Las Cases), et propre à former le complément de cet ouvrage, par A. Jarry de Mancy,... [avec la collaboration de F. Denis et E. Héreau., Paris, J. Renouard, 1831 ; A. JARRY DE MANCY, Atlas constitutionnel, ou tableaux chronologiques, généalogiques et biographiques de la monarchie représentative en France depuis le retour des Bourbons, sur le plan de l’atlas de Lesage (comte de Las Cases) , par A.-J. de Mancy, auteur de l’« Atlas des littératures, des sciences, etc. », Paris, Mme de Bréville, etc, 1826 ; A. JARRY DE MANCY, Tableau historique et chronologique de l’École polytechnique, depuis sa fondation Cours réguliers 21 Mars 1795 jusqu’au 21 Mars 1827, s.l., Sautelet, 1827 ; A. JARRY DE MANCY, Tableau historique des révolutions nationales de Pologne : (méthode de Le Sage, C.te de Las Cases), A Paris, Rue de Beaux-Arts, Nʿ6 ; (Paris, Passage du Caire, Nʿ 54), 1831, [En ligne]. <http://www.europeana.eu/portal/record/09404/id_oai_rcin_org_pl_4060.html>. (Consulté le 24 mars 2015) ; A. JARRY DE MANCY, Tableau historique, chronologique des concours généraux de l’Université, ancienne et nouvelle, depuis la fondation des concours jusqu’en 1825 inclusivement: suivi du tableau de la distribution des prix du concoursgénéral, et des distributions des prix des huit collèges de Paris et de Versailles en 1826, Paris, L. Hachette, s.d.
225 W. GOFFART, Historical Atlases, op. cit., p. 308.
80
l’étranger en plus de son immense succès français en ont fait un représentant majeur du genre
des atlas historiques au XIXe siècle : « A number of other important french historical atlases
appeared in this period, but none had the impact of Las Cases »226.
226 J. BLACK, Maps and History: Constructing Images of the Past, New Haven, Yale University Press, 1997, p. 39.
81
Conclusion
Notre étude de l'Atlas de Lesage et de ses nombreuses éditions a permis de mettre au
jour certains points qu'il est nécessaire de rappeler. D'abord et avant tout, elle a été l'occasion
de dresser un inventaire précis – le plus exhaustif à ce jour – de toutes les éditions françaises
(comprenant les déclinaisons de l'Atlas) et étrangères qui répondent du nom de Lesage. Leur
plan a été relevé et comparé pour proposer un panorama des planches qui l'ont composé. De
plus a été établie la liste des ouvrages réalisés selon le plan de Lesage, et qui figure en fin de
bibliographie de ce mémoire.
La part d'innovation de l'Atlas a été longuement discutée, en détaillant ses nombreuses
influences théoriques, en retrouvant ses maîtres historiens-géographes de l'Ecole militaire de
Paris, en somme en le replaçant au sein de la production d'une époque et de sa manière de
concevoir la pédagogie de l'histoire.
Las Cases a été rapproché d'une conception traditionnelle de l'histoire, mais le
traitement peu conventionnel qu'il fait dans sa planche de cette science afin de la rendre
accessible à tous a été souligné. Une édition spécifique de l'Atlas nous a permis d'en déduire
les usages qui pouvaient en être faits grâce traces qui y avaient été laissées.
Enfin, le plan de l'atlas, et l'étude de ses cartes a permis de démontrer par la planche une
vision du monde centrée sur la France et l'Europe, qui se fait parfois chantre d'une domination
européenne sur les continents, et d'une inégalité des races.
Les cartes et tableaux de Lesage mériteraient cependant une analyse plus poussée basée
sur la sémiologie graphique. De même, cette forme bien spécifique d'atlas à l'usage de
l'histoire que recouvre l'Atlas Lesage pourrait être interrogée dans son architextualité
(Genette), c'est à dire la relation qu'elle entretient avec cette forme générale qu'est l'atlas.
Cette étude, malgré son large corpus de sources, n'a proposé que l'analyse d'un atlas
(comprenant différentes éditions). Les atlas historiques sont nombreux à mériter une étude
détaillée, ils peuvent avec profit être utilisés comme objet de recherche. Ils sont une source
majeure pour comprendre le passé et la vision qu'en avaient les générations précédentes.
82
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85
Bibliographie thématique sélective autour de l'Atlas Lesage
Figurent ici toutes les articles, ouvrages et sites web consultés mais non nécessairement cités
qui m'ont été utiles pour mener à bien cette étude, ils sont classés par thème.
Eléments biographiques sur Las Cases
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GAUBERT, J.-P., Las Cases: l’abeille de Napoléon, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 2003.
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92
Evolution du plan de l'ouvrage entre les éditions de 1802 de la Bibliothèque de la Sorbonne et 1842 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève
95
Table des figures
Figure 1 : Le feuillet des fastes napoléens. ..................................................................... 18
Figure 2 : Le processus de perception des images d'après Lesage ................................. 26
Figure 3 : Modèle d'apprentissage selon la méthode de Lesage. .................................... 30
Figure 4 : La carte d'Afrique par Mentelle. .................................................................... 33
Figure 5 : Le territoire de la monarchie espagnole ......................................................... 36
Figure 6 : Un ajout manuscrit sur la carte de l'Empire romain ....................................... 42
Figure 7 : Un onglet de réserve. ...................................................................................... 43
Figure 8 : Un renvoi à même la carte d'Asie ................................................................... 46
Figure 9 : La carte d'Allemagne et ses renvois de couleur ............................................. 49
Figure 10 : Une planche de Châtelain ............................................................................. 52
Figure 11 : La succession des espaces dans l'Atlas ........................................................ 58
Figure 12 : Le tracé de Madagascar en 1801 et en 1842 ................................................ 61
97
Résumé
L’ouvrage de Las Cases s’inscrit dans la longue tradition des livres à carte. Proposant
d’étudier l’histoire de manière globale, il lie étroitement généalogie, chronologie et
géographie dans un même projet pédagogique. Il est considéré comme étant, au tournant du
XIXe siècle, le principal acteur d’un renouveau dans le genre des atlas historiques. Sa planche
riche en informations et son utilisation combinée de différents médias en font le précurseur
des atlas modernes. D’une durée de vie d’un demi-siècle, grand succès de son temps, l’Atlas
essaime dans toute l’Europe et aux Etats-Unis, influençant directement la production
ultérieure à l’échelle mondiale. L’étude comparative de ses éditions et déclinaisons permet de
retracer l'usage et l’évolution de cet ouvrage, d’en évaluer la portée, et d’établir la vision du
monde qu’y transmet l’auteur.
Mots-clés : cartographie – histoire – atlas – cartes – XIXe siècle
Abstract
The work of Las Cases is part of the long tradition of books with maps. It offers the
study of history by tightly binding together genealogy, chronology and geography in one
pedagogic project. In the early nineteenth century, this atlas is seen as the main actor of a
revival in the genre of historical atlases. In a multi-media learning approach, its pages full of
information makes it the forerunner of modern atlases. Its publication until the middle of
century as well as its international standing have directly incluenced the production of later
works. The comparative study of its editions and versions allow us to trace the evolution of
this work, it also permits us to assess it’s author’s vision of the world, and evaluate its use and
impact.
Keywords : cartography – history – atlases – maps – 19th century