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\"Indices de la présence de militaires romains à Angers\" avec page 38 manquante ! !

Date post: 29-Nov-2023
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1 - Je voudrais remercier ici tous ceux qui m’ont apporté leur concours ou leur encouragement à poursuivre dans ce domaine d’étude particulier quesont les militaria : Paul-André Besombes, Jean Brodeur, Pierre Chevet, François Comte, Michel Feugère, Frédéric Guérin, Yvan Maligorne, MatthieuPoux, Jean Siraudeau et j’en oublie certainement d’autres. Un grand merci également à tous ceux qui ont en charge l’étude et la conservation dupatrimoine : Bibliothèque Municipale d’Angers, Musées d’Angers, Service Régional de l’Archéologie, Service Départemental de l’Archéologie et biensûr l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives.

2 - Centre de Recherche en Archéologie Archéosciences Histoire.3 -Celeriter sibi Senones, Parisios, Pictones, Cadurcos, Turonos, Aulercos, Lemouices, Andos reliquosque omnes qui Oceanum adtingunt adiungit

(Vercingetorix) : « Rapidement (Vercingetorix) eut à ses côtés les Senones, les Parisii, les Pictones, les Cadurci, les Turoni, les Aulerci, les Lemouices,les Andi et tous les autres peuples qui touchent à l’océan », César, Bellum Gallicum, VII, 4, 6.

Maxime Mortreau1, Céramologue, Inrap Angers/UMR 6566 CReAAH2

INDICES DE LA PRÉSENCE DEMILITAIRES ROMAINS À ANGERS,IVLIOMAGVS (IER AV.-IIIE S. AP. J.-C.)

La présence militaire romaine à Angers se manifeste sous la forme de traces discrètes ou peufaciles à identifier. Les textes historiques nous fournissent la trame d’une histoire générale dont les détailsdemeurent néanmoins obscurs. Les découvertes archéologiques correctement interprétées permettenttoutefois de combler ces lacunes. Ainsi, l’étude de certains mobiliers classés dans ce que l’on nommel’instrumentum, alliée à une relecture des sources épigraphiques et à l’analyse des vestiges archéologiquesautorise à retrouver et à définir une présence militaire à Angers quasi continue pendant tout l’empireromain.

Nous examinerons tout d’abord les sources qui permettent de définir cette présence, les donnéesépigraphiques et nous les comparerons aux informations que nous livre l’archéologie depuis ces trentedernières années.

Puis nous nous interrogerons sur la signification de cette présence quasi constante de membresde l’armée romaine sur Angers.

LES SOURCES HISTORIQUES

La conquête césarienne

Le peuple des Andes est mentionnéplusieurs fois comme lieu d’hivernage de la VIIe

légion en -57/56, pour sa participation à la luttecontre l’envahisseur romain aux côtés deVercingétorix3 ainsi que pour la révolte de son chefDumnacos (fig. 1). La mention la plus ancienne duséjour de militaires romains dans le territoire desAndes est contenue dans deux livres du célèbretexte de César, Bellum Gallicum : « Il (César) mitses légions en quartier d'hiver chez les Carnutes,

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(fig. 1) Carte des opérations militaires en Gaule, d’après Christian Goudineau 2000

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

les Andes et les Turons, pays voisins de ceux où ilavait fait la guerre, et partit pour l'Italie » et « Lejeune P. Crassus hiverna chez les Andes avec la VIIe

légion près de l’océan atlantique4 » .Le séjour d’une légion dans une cité n’est

pas sans impact sur la vie économique locale. Onestime en effet à environ cinq mille hommes lacomposition d’une légion césarienne5. Les besoinsà satisfaire étaient énormes. Il fallait pourvoir àl’alimentation et à l’entretien de cette massed’hommes pendant au moins six mois6 : eau, vin,huile, sauce, farine de blé, viande, peau pour lestentes, bois pour la construction de fortifications,de baraquements ou de navires. Le blé manquantdans la région, Publius Crassus envoie alorsplusieurs de ses préfets et tribuns militaires dansles régions voisines pour y pourvoir. Cetteréquisition entraîne un soulèvement dont lesVénètes (habitants de la région vannetaise)prennent la tête. César ordonne alors que l’onconstruise une flotte de guerre sur la Loire et quel’on recrute des équipages. La localisation mêmede l’hivernage et du lieu de construction de cetteflotte n’est pas connue mais la tradition et desdécouvertes récentes permettent de supposer laprésence de soldats romains dans le voisinage etau sein même du promontoire de l’actuel châteaud’Angers où les traces d’un oppidum ont été misesau jour7.

Grâce à Polybe8, nous connaissons ladisposition théorique d’un camp de marche ou debataille pour deux légions (environ dix millehommes) hébergées sous des tentes en cuir. Ilsemble bien que, pour les hiberna, des bâtimentsen dur aient été plutôt la règle, quitte à rechercherces lieux dans une ville alliée ou conquise9. Un telcamp d’hiver qui pouvait occuper une superficie detrente-six hectares (dix-huit pour une seule légion)10,suppose pour son installation un endroitrelativement plat, assez vaste pour accueillir unelégion et ses auxiliaires. Actuellement, aucunouvrage ou fossé défensif pouvant appartenir à ce

type de camp n’a été mis en évidence à Angersmalgré les nombreuses fouilles pratiquées depuisplus de trente ans.

D’après Bernard-Marie Henry, les Andesauraient aussi participé à l’épopée tragiqued’Alésia, en envoyant un contingent de six millehommes destiné à l’armée de secours11.Malheureusement, le paragraphe cité nementionne absolument pas cette participation

4 - Ipse in Carnutes, Andes, Turonos quaeque ciuitates propinquae iis locis erant ubi bellum gesserat, legionibus in hiberna deductis, in Italiam profectusest (Bellum Gallicum, II, 35, 3) et P. Crassus adulescens cum legione septima proximus mare oceanum in Andibus hiemerat (Bellum Gallicum, III, 7, 2).

5 - Michel Reddé, Alésia - L’archéologie face à l’imaginaire, Paris, Errance, 2003, p. 26.6 - Christian Goudineau, César et la Gaule, Paris, Errance, 2000, p. 262.7 - Jean-Philippe Bouvet et alii, « Un oppidum au Château d’Angers (Maine-et-Loire), dans Revue Archéologique de l’Ouest, supplément 10, 2003,

p. 173-187.8 - Polybe, Histoire générale, 6, 27-42.9 - Christian Goudineau, op. cit., 2000, p. 263.10 - Siegmar von Schnurbein, « 2.14 Camps d’étape et camps d’entraînement », dans Reddé et alii dir., L'architecture de la Gaule romaine 1 :

Les fortifications militaires, Paris, MSH-Ausonius, 2006 (DAF ; 100), p. 137-138 Fig. 120.11 - Bernard-Marie Henry, L’Anjou dans les textes anciens, mille ans d’histoire celtique et gallo-romaine, Cholet, Éditions du Choletais, 1978, p. 66 et note 34.

(fig. 2) Statue du chef Andégave Dumnacus aux Ponts-de-Cé.Cliché Éric Jabol.

(Bellum Gallicum, VII, 75, 3) et l’ouvrage récent deStephan Fichtl n’en fait pas non plus état12.

Plus documenté est le soulèvement en-51 du chef des Andes, Dumnacos (fig. 2), qui suit ladéfaite d’Alésia. Le texte d’Hirtius 13 nous rapporteson expédition contre les Pictons et sondénouement tragique : « […] multis hominummilibus a Dumnaco, duce Andium, Duratium clausumLemoni oppugnari […] ».

Après leur échec devant Poitiers, lestroupes gauloises qui faisaient retraite sontécrasées par plusieurs légions en tentant defranchir la Loire par un pont en un lieu quidemeure encore inconnu14. Quelles ont été lesconséquences de cette révolte pour le peuple desAndes et pour son oppidum ? Sur ces faits, le texted’Hirtius reste muet.

Le Haut-Empire

L’historien latin Tacite nous renseigne surune révolte en 21 de notre ère (fig. 3),symptomatique des nombreuses qui sontsurvenues après la conquête, relativisant par làl’image d’une Gaule pacifiée : « Haud ferme ullacivitas intacta seminibus eius motus fuit ; sederupere primi Andecavi ac Turoni. Quorum AndecavosLucilius Aviola legatus excita cohorte quae Lugdunipraesidium agitabat coercuit. Turoni legionario militequem Visellius Varro inferioris Germaniae legatusmiserat opressi eodem Aviola duce et quibusdamGalliarum primoribus qui tulere auxilium quodissimularent defectionem magisque in temporeefferent15 ».

L’effectif de la cohorte mentionnée parTacite qui doit se situer aux alentours de cinq centshommes était composé d’auxiliaires16. Quels

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pouvaient être par contre les effectifs des troupesAndécaves ? A priori moindres que celles desTurons puisque une seule cohorte suffit à lesécraser et ce d’autant plus facilement que lesdeux révoltes conjointes (Andes et Turons) nefurent pas coordonnées. À titre comparatif, larépression contemporaine de la révolte du trévireIulius Florus et de l’éduen Iulius Sacrovir a étémenée par deux légions de Germanie17.

Les raisons de la révolte andécave et turonesont peut-être à rechercher dans le poids de lapression fiscale exercée sur les aristocrates invités

(fig. 3) Carte des cités révoltées en 21 ap. J.-C.,d’après Michel Reddé dir., 1996

12 - Stephan Fichtl, Les peuples gaulois IIIe-Ier siècles av. J.-C., Paris, Errance, 2004, 180 p.13 - « […] plusieurs milliers d’hommes conduits par Dumnacos, chef des Andes, assiégeaient Duratios dans Lemonum […] » (Bellum Gallicum, VIII, 26).14 - La localisation de cette bataille a donné lieu à une abondante littérature. Voir en dernier lieu Yves Cadou, « Enquête sur le fait d’armes entre Caius

Fabius et Dumnacus et sur la bataille de Louerre », Bulletin des Etudes Scientifiques de l’Anjou, t. XX, 2006, p. 35-54.15 - « Il n’y eut presque pas de cité où ne fussent semés les germes de cette révolte, mais ce furent les Andécaves et les Turons qui éclatèrent les

premiers. Les Andécaves furent réduits par le légat Lucilius Aviola qui fit marcher une cohorte tenant garnison à Lyon. Les Turons furent défaits parun corps de légionnaires que le même Aviola reçut de Visellius Varro, Gouverneur de Germanie Inférieure et auxquels se joignirent des nobles gaulois.»(Annales, III, 41).

16 - François Bérard, « La garnison de Lyon à l’époque julio-claudienne», dans Yann Le Bohec éd., Militaires romains en Gaule civile (Actes de la Table-Ronde de mai 1991 organisée au Centre d’Etudes Romaines et Gallo-romaines de l’Université Lyon III), Collection Centre d’Etudes Romaines et Gallo-romaines, n° 11, Lyon, De Boccard, 1993, p. 19.

17 - Tacite, Annales, III, 42 et 45.

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par ailleurs à participer à l’évergétisme local18. Même si elles n’ont pas laissé de traces

dans la littérature, il semble que les opérationsliées à la préparation de l’invasion de la Bretagnepar Claude en 43 aient dû occasionner desmouvements de troupes ayant conduit à desstationnements ponctuels. En témoigne laspectaculaire découverte du dépôt monétaire dugué de Saint-Léonard en Mayenne19.

Le même Tacite, dans les Histoires, nousrapporte la révolte de Iulius Vindex gouverneur deLyonnaise après la mort de Néron en 69, périodetrouble qui vit s’affronter plusieurs candidats autitre d’empereur. Même s’il ne signale pas uneparticipation des peuples de l’ouest à cesoulèvement, il indique toutefois que Vitellius, l’undes prétendants à l’Empire, congédie lesauxiliaires gaulois recrutés après la mortd’Othon20, ce qui signifie qu’un recrutementponctuel a bien eu lieu au sein des Gaules.L’archéologie a permis d’identifier un certainnombre des camps liés à ces événements. On peutciter notamment celui d’Eysses, à Villeneuve-sur-Lot occupé entre 60 et 7021 et celui de la VIIIe légionà Mirebeau-sur-Bèze créé à partir de 70 pourréprimer la révolte gauloise22.

Après ces événements, la Pax romanasemble dès lors bien installée et l’ouest gauloisconnaît une longue période d’accalmie ou, tout dumoins, ne connaît aucun autre épisode susceptibled’être rapporté par les historiens.

LES SOURCESÉPIGRAPHIQUES

Elles sont de natures diverses et couvrenttoute la plage chronologique du Haut-Empire. Ladocumentation existante est issue des trouvaillesanciennes du XIXe siècle et de fouilles récentes quiont été pratiquées sur le rempart du Bas-Empire23.Si le musée des Beaux-arts d’Angers conserveencore la majorité des pièces découvertes, on peuttoutefois déplorer la perte ancienne d’uneinscription connue seulement par deux dessins deJacques-André Berthe24, érudit angevin, auteur dedeux manuscrits sur l’histoire de l’Anjou. Leportrait peu flatteur qu’en dresse AlbertLemarchand25comme celui d’un « relieur peuinstruit et très inhabile en paléographie » doit êtretempéré. Malgré leurs lacunes, les dessins quiillustrent ces manuscrits constituent une sourcedocumentaire importante sur des monumentsaujourd’hui disparus.

Les données

Les quatre inscriptions qui concernentdirectement notre propos ont fait l’objet denombreuses études dès leur découverte pardifférents auteurs angevins26 et récemment parYvan Maligorne. Nous les citons à nouveau :

Inscription funéraire : D(iis) M(anibus) / Ae[l]iaeEpicarpiae / con[i]ug[- - -/ - - -] ben[e] de [se]meritae / Agathocles / Aug(usti) disp(ensator) : CILXIII, 3089.

Sur urne funéraire : ---] uxori / optimae / T(itus)

18 - Pour une discussion sur les causes de la révolte et ses rapports éventuels avec la suppression des immunités par Tibère, voir Jérôme France,Quadragesima Galliarum, L’organisation douanière des provinces alpestres, gauloises et germaniques de l’Empire romain (Ier siècle avant J.-C. – IIIe s.après J.-C.), Rome, 2001, p. 279-281, où sont rappelées et confrontées les positions de nombreux savants. Les historiens tendent désormais ànuancer la portée de l’épisode : Christian Goudineau, Regards sur la Gaule, Paris, Errance, 1999, p. 233-234

19 - Paul-André Besombes, « Le dépôt de 22 438 monnaies du gué de Saint-Léonard (Mayenne) », Trésors monétaires, 21, 2005, 200 p. et 41 pl.20 - Tacite, Histoires, II, 69. France 21 - Christophe Chabrié, Michel Daynès, Jean-François Garnier, « Villeneuve-sur-Lot/Eysses (Excisum), Lot-et-Garonne, France », dans Michel Reddé et

alii dir., op. cit., 2006, p. 407.22 - Michel Reddé, « Mirebeau-sur-Bèze, Côte-d’Or, France, Le camp de la VIIIe légion », dans Michel Reddé et alii dir., op. cit., 2006, p. 333.23 - Michel Provost, « Une tour de l’enceinte gallo-romaine d’Angers (Maine-et-Loire) », Gallia, 38, 1, 1980, p. 97-110.24 - Jacques-André Berthe, Recueil historique sur l’ancienne province d’Anjou, actuellement le département de Maine-et-Loire, 1829, ms 1029, fol. 43

et Jacques-André Berthe, Extraits historiques sur l’Anjou et le département de Maine-et-Loire, 1846, ms 1030, fol. 14.25 - Albert Lemarchant, « Rapport sur les mémoires présentés au concours de 1858 », Répertoire Archéologique de l’Anjou, 1859, p. 155-156.

Flavius / Aug(usti) lib(ertus) / Asiaticus. CIL XIII, 3090.Base de statue en pierre : Marti Louc(etio) /Aug(usto) / C(aius) Iul(ius) Lectri [fil(ius)] : CIL XIII, 3094

Inscription funéraire : D(iis) M(anibus) / etmemoria[e] / aeternae I/nvintaruser [ ?] / conjugispientissima[e] / Melius Gervinus m(iles) t(ribunus) /Nervinus centurio / leg(ionis) [I M(inerviae)] p(iae)[f(idelis)] / f(ecit) c : CIL XIII, 3088.

Leur interprétation

La première inscription nous renseigne surla présence d’un membre de l’administration fiscale,plus précisément un trésorier-payeur-receveur(dispensator Augusti) en résidence à Angers au Haut-Empire. Or, on sait par ailleurs que « le personnel desbureaux des gouverneurs et des procurateursprovinciaux était puisé dans l’armée et dirigé par uncenturion, de même que la garde personnelle dugouverneur »27.

La seconde témoigne de la présence àAngers d’un autre membre de cette mêmeadministration. Les dispensatores, de conditionservile, étaient systématiquement flanqués depréposés aux écritures, lesquels étaient toujours desaffranchis28. D’après Yvan Maligorne, « il ne sembledonc pas imprudent de reconnaître dans Titus FlaviusAsiaticus un tabularius, attaché comme Agathocles àl’administration du procurateur de Lyonnaise etd’Aquitaine »29.

La dédicace à Mars Loucetius (fig. 4), est

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probablement le fait d’un Andécave ayant servi 25années comme auxiliaire dans l’armée romaine dansla cité des Trévires où un lieu de culte à ce dieu estbien attesté à l’époque julio-claudienne30. On peutpenser que, revenu dans sa petite patrie avec lacitoyenneté romaine acquise à l’issue de son service,ce vétéran ait souhaité conserver le souvenir d’unedivinité qu’il avait adoptée lors de son séjour chez lesTrévires31. Ces vétérans de l’armée romaine, deretour dans leur cité d’origine, ont sans doute joué unrôle non négligeable dans le processus deromanisation de la Gaule de l’ouest.

Mais l’inscription la plus intéressante pournotre sujet est certainement la quatrième (fig. 5),aujourd’hui disparue, qui mentionne conjointementun tribun du nom de Melius Gervinus (pas de trianomina ?) et un centurion nommé Nervinus (mêmeremarque) appartenant tous deux à la Legio I MinerviaPia Fidelis32. La restitution du numéro de la légion estconjecturelle car la stèle offre une lacune après

(fig. 4) Base de statue avec dédicace à Mars Loucetios,© Pierre David musées d’Angers

26 - Bernard Marie Henry, op. cit, 1978, p. 66 et note 34 et Michel Provost, « Appendice Épigraphique », Carte Archéologique de la Gaule, Le Maine-et-Loire 49, Paris, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1988, p. 153.

27 - Hélène Chew, « La présence de l’armée romaine en Gaule au Ier s. ap. J.-C. », dans Masques de fer. Un officier romain du temps de Caligula, Paris,Réunions des Musées Nationaux, 1991, p. 156.

28 - Gérard Boulvert, Esclaves et affranchis impériaux sous le Haut-Empire romain. Rôle politique et administratif, Naples, 1970, pp. 419 sq. (pour lestatut d’affranchis des tabularii) et 431-432 (pour l’association dispensator-tabularius).

29 - Yvan Maligorne, Architecture et décor architectonique dans les cités de l’ouest de la Gaule, thèse sous la dir. de Patrick Le Roux, Université ParisXIII, 2004, vol. I, p. 312-313 (à propos d’un bureau de l’administration financière).

30 - C’est du moins l’hypothèse que défend Yvan Maligorne, op. cit., 2004, p. 294-295. La position de Michel Molin est tout autre puisqu’il considère ledédicant C. Ivlius Lectri (filius) comme un citoyen romain d’origine rhénane : Michel Molin, « Sur un mystérieux dévot de Mars Loucetious à Iuliomagus »,dans Philippe Haudrère dir., Pour une histoire sociale des villes, Mélanges offerts à Jacques Maillard, Rennes, PUR, 2006, p. 373-380.

31 - Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier, « Les cultores de Mars en Gaule Belgique », dans Véronique Brouquier-Reddé et alii éd., Mars en Occident,Actes du colloqueinternationnal « Autour d’Allonnes (Sarthe), les sanctuaires de Mars en Occident », Le Mans, Université du Maine 4-5-6 juin 2003, Rennes, PUR, 2006, p. 52.

32 - Yvan Maligorne me suggère amicalement une interprétation différente que je soumets ici : « Pour l’interprétation du texte, en revanche, je crois qu’iln’y a qu’un seul dédicant, Melius Gervinius, qui se dit Nervien (?) et centurion et dont la défunte est l’épouse ». La disparition de la stèle et lesdivergences de relevés de Jacques-André Berthe autorisent toutes les hypothèses.

33 - Cette lacune pourrait engendrer une autre lecture : on pourrait compléter le numéro manquant de la légion par XX. En effet, cette légion est surnomméeVV (Valeria Victrix). Ainsi, plutôt qu’un M renversé, il pourrait s’agir de deux V accolés. Pour le reste de la titulature PE il peut s’agir d’une faute de gravure.On aurait donc ainsi PE pour PF (Pia Fidelis). Ce cas s’est déjà rencontré pour une inscription sur le mur d’Hadrien. Le débat reste ouvert…

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LEG. Le texte reprend ensuite avec les lettres W P E33.Quels sont les indices pour dater cette

inscription ? Un texte débutant par l’invocation« Aux Dieux Mânes » ne saurait être antérieur à lafin du Ier siècle, et s’il commence par « Memoria deN… » il ne peut donc dater donc au plus tôt que dela fin du IIe siècle34. De même, les tria nominacaractérisent le citoyen romain du IIe siècle. Avantles Flaviens, le cognomen manque ; quand ontrouve en outre la filiation, la tribu et la patrie, c’estque le texte se place au Ier siècle35. Dans le casprésent, les personnages cités n’ont que le nom etle surnom.

Un autre détail de l’inscription nouséclaire sur la date de sa rédaction : les intéressésélèvent un monument à la mémoire de la femmede l’un d’entre eux. Or ce n’est qu’à partir de 197,après la défaite de son rival Clodius Albinus à Lyon,que Septime Sévère reconnaît à ses soldats le droitau mariage36. A cette même date, Septime Sévèredissout la VIIe cohorte urbaine et la remplace pardes hommes venus des légions des Germanies etnotamment la Ière Minervienne37.

Tous ces indices militent donc pour placerla rédaction de cette inscription à la fin du IIe ou audébut du IIIe siècle ap. J.-C.

LES SOURCESARCHÉOLOGIQUES

En plus du dossier épigraphique constituépar ces quatre inscriptions, les fouilles pratiquéesces dernières années à Angers ont livré plusieurséléments indiscutables de la présence demilitaires romains (fig. 6). Il s’agit principalementde pièces d’équipement du harnais de cavalerie(fig. 7), de fragments de ceinturon militaire romain(le cingulum et son tablier orné d’appliques et dependants) (fig. 8), d’armes offensives ou défensivesou d’autres objets liés à la sphère militaire au senslarge.

Le site du 14 rue Delaâge (n° 11)

La fouille de Jean Siraudeau (bénévole)entre 1974 et 1976 a mis au jour une successiond’occupation dont la plus ancienne remonte à laTène finale (four de potier). Le site dévolu àl’extraction des matériaux (fosses, puits) entre

34 - Yann Le Bohec, L’armée romaine, Paris, Picard, 1990, p. 12.35 - Yann Le Bohec, op. cit., p. 12.36 - Hérodien, Histoire des empereurs romains de Marc Aurèle à Gordien III, traduction de Denis Roques, Les Belles Lettres, Collection la Roue à livres,

Paris, 1990, 3.8.4-5.37 - Yann Le Bohec, « La garnison de Lyon sous le Principat », dans Michel Reddé dir., L’armée romaine en Gaule, Paris, Errance, 1996, p. 100.

(fig. 5) Stèle funéraire de INVENTARVSER, dessin manuscrit deJacques-André Berthe, cliché Fabrice Pedrono

Auguste et Claude est occupé à l’époque flaviennepar une construction en dur qui sera clairementidentifié dans la première moitié du IIe s. comme unédifice thermal.

D’une fosse-dépotoir (P4) a été extraiteune fibule Feugère 18a dont l’ardillon est brisé.Parmi le mobilier associé, on remarque une rareamphore Dressel 18/Mana C, un passe-guide enbronze non décoré et de la céramique sigillée dedatation claudienne38 (fig. 9).

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Mais la découverte la plus notable estcelle d’un puits funéraire qui a livré dans le fond deson comblement un fer de lance de cavalerie d’unedimension inhabituelle (environ 37 cm delongueur)39. La douille est très allongée et la formede la pointe est losangique (pl. 1 n° 1). Touteproportion gardée, on peut lui trouver un parallèleavec un objet issu des fouilles de la ville suissed’Avenches40. L’examen du reste du mobiliermétallique associé n’a pas permis d’identifierd’autres éléments de militaria mais on doit noterque le fond du puits n’a peut-être pas été atteintlors de la fouille. Une datation augustéenne estretenue pour cet objet unique. Dans la partiesupérieure du comblement du puits, on peut noterde nombreux fragments de céramiques portant lesmarques de propriété de deux personnages :AQVIILA et SECVNDA.

38 - Jean Siraudeau, Amphores romaines des sites angevins et leur contexte archéologique, Corpus des amphores découvertes dans l'Ouest de la Gaule,vol. 2, Angers, chez l’auteur, 1988, p. 44 (11.22) et p. 191.

39 - Jean Siraudeau, « Angers-14 rue Delaâge », Rapport de fouilles, 1973-1974, 46 p. 9 fig. 14 pl. dactyl. ; Gérard Aubin, « Informations archéologiques,Circonscriptions des Pays de la Loire, Maine-et-Loire, Angers », Gallia, 38, 1980, fasc. 2, p. 395-396 et étude en cours Maxime Mortreau.

40 - Annick Voirol, op. cit., 2000, p. 46 Pl. 4 n° 31.

(fig. 6) Carte de répartition des sites ayant livré des militaria et des objets relatifs aux militaires romains à Angers, réalisation Maxime Mortreau d’aprèsfond de plan Pithon, Comte, Chevet 2008.

(fig. 9) Fibule du type d’Aucissa, cliché Maxime Mortreau (échelle 2/3)

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(fig. 7) Restitution d’un harnais de cavalerie, d’après Michael C. Bishop 1988.

Auteur ______ Titre

Pour la période claudienne, nous sommesconfrontés également à des problèmesd’interprétation : que faire de ce petit dépôt d’objetsmétalliques relevé dans le comblement de latranchée de fondation d’un bâtiment fouillé auLogis Barrault ? On pourrait y reconnaître un dépôtde fondation avec des objets ayant appartenu à unefamille ? la bague en or (femme), le harnais(homme), le pendentif (enfant) ? Il pourrait s’agirdans ce cas précis des objets appartenant à unvétéran de l’armée romaine, ceci expliquant lestraces d’usure observées sur les objets.

Il faut également s’interroger sur les deuxboucles de cingula découvertes à Angers pour cettepériode.

Ces objets pourraient-ils être mis en rapportavec le passage de troupes liées à la préparation del’expédition de Claude en Bretagne en 43 ?

Angers est une ville stratégiquement bienplacée aux carrefours de la Bretagne et du Poitou,dans une confluence de rivières et reliée à lacapitale de la Gaule par une voie importante.D’autres axes antiques ayant fait l’objet de travauxrécents sont connus desservant Rennes ou Jublains.

Dans le dépôt monétaire du Gué de Saint-Léonard, en Mayenne, qui a fait l’objet d’unesynthèse récente, la présence massive demonnaies d’Auguste (près de 30% de l’ensemble) etde Claude Ier (près de 39 %) a conduit l’auteur150 àenvisager la constitution d’un dépôt au fil des ansdans un environnement militaire. « L’hypothèsed’une présence de l’armée à Jublains pourrait êtrerenforcée par la frappe ou le poinçonnage decentaines de contremarques diverses, dont le lienavec l’armée est établi depuis longtemps ».

Il est toutefois difficile de conclure sur cesujet précis sans mener une enquête élargie auniveau régional, qui dépasse le cadre de notreprésente étude.

Les différents fragments de harnais et lefer de lance de cavalerie découverts à l’imprimerieSiraudeau sont-ils également la manifestation detroubles ayant affecté cette partie de la Gaule à lamort de Néron ou bien le simple séjour ponctuelde cavaliers auxiliaires ? Actuellement, nous nepouvons non plus répondre à ces questions faute dedonnées claires.

On observe encore cette présence militairependant la deuxième moitié du IIe et le IIIe siècle surles sites du 14 de la rue Delaâge et du LogisBarrault. Il s’agit là encore de cavaliers comme

l’attestent les éléments décoratifs de harnais misau jour sur ces deux sites. Cependant aucune armen’a été découverte. Leur origine géographique nepeut être caractérisée.

Avec le Bas-Empire, les troubles queconnaît l’Empire vont affecter de manière directe laville d’Angers qui se renferme alors dans une vasteenceinte de près de dix hectares. La défense decelle-ci sera confiée à des auxiliaires barbaresvenus cette fois de régions extérieures à la Gaule.

Les militaires dans la ville :bilan d’une étude

Au cours de cet exposé, nous avons vu quela présence militaire romaine est attestée par lestextes, l’épigraphie et les découvertesarchéologiques depuis au moins la fin del’indépendance gauloise.

À n’en pas douter, des militaires romainsont séjourné sur le site même du promontoire duchâteau d’Angers. Cette présence apparaît durablesi l’on s’en réfère aux témoignages des clous decaligae. Le choix de cet ancien oppidum commecapitale de cité pourrait être expliqué par cetteprésence militaire. A l’hivernage de la VIIe légion apeut-être succédé un nouveau stationnementconsécutif à la révolte de -51 du chef Ande,Dumnacos. Ce séjour a certainement dû accentuerle développement de l’oppidum préexistant ce dontatteste l’importance accrue des échanges avec laMéditerranée. A la période augustéenne, Angers sesignale par l’existence d’une parure monumentalesans équivalent dans la Gaule de l’Ouest donttémoigne la découverte de blocs architecturauxdans les remblais de fondation de l’enceinte du Bas-Empire, la statuette du Logis Barrault, l’emploi denouveaux matériaux de couverture en terre cuite etla mise au jour d’un vaste ensemble monumental auchâteau dont la mise en œuvre est probablement lefait de l’armée romaine. La découverte de plusieursboîtes à sceau montre une correspondance active etrend compte des échanges directs entrel’administration locale et celle de Lyon.

L’Empire romain a choisi Angers pour yinstaller un centre administratif et/ou fiscal ce donttémoignent clairement la présence à Angers d’un

150 - Paul-André Besombes, op. cit., 2005, 200 p. et 41 pl.

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(fig. 8) Reconstitution de l’équipement d’un légionnaire du début du Haut-Empire, d’après Eckhard Dechler-Erb 1999.

pilum

galea/cassis

attache de cotte de maille

boucle de ceintureardillon de boucle

applique

lest

pendeloque

tablier de lanières

caliga

scutum

plaque de ceinture

gladius

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

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Planche 1 : Armes offensives. 1 et 2 : pointes de lances, 3 : poignée de glaive miniature, 4 à 9 : éléments de cingulum ( 2 d’après Frédéric Guérin, 1998, 3 d’après Jean-ClaudeBéal et Michel Feugère 1987).

L’emplacement du puits comblé fut, àpartir de l’époque flavienne, inclus dans une courdesservant un ensemble thermal. Dans cette cour,un riche niveau de passage (ou d’abandon) a livréde nombreux petits objets dont plusieurs ontretenu plus particulièrement notre attention.Jugeons-en plutôt.

Il s’agit d’abord d’un moraillon, élémentdécoratif disposé par paire de part et d’autre de laboucle et destiné à orner un ceinturon ou unharnais (pl. 3 n° 9). De forme particulière, il trouvede nombreux parallèles sur les camps du limes eten Grande-Bretagne41. Sa datation couvre lesannées 130/150 au début IIIe s.42. Des exemplairesproches ont été découverts à Avenches (S.)43, àFeurs44, aux Bolards45 ainsi qu’au Vieil Evreux46.

Le fragment d’ardillon brisé quil’accompagnait (pl. 1 n° 8) appartient sans conteste àune boucle de cingulum, le ceinturon portéindifféremment par les soldats romains auxiliaires oulégionnaires47. Des parallèles proches sont connus àAugst (S.) dans des contextes généralement datés duIer s.48. Ces deux éléments provenant peut-être dumême ceinturon font partie indubitablement de lapanoplie des militaires romains.

Plusieurs éléments de rivets émaillés ounon ont aussi été mis au jour, composant le décord’une pièce de harnais (pl. 3 n° 5 à 7 et pl. 2 n° 6 à 11).Un objet discoïdal avec plusieurs perforationspourrait être également interprété comme unephalère (pl. 2 n° 10). A cela, s’ajoute une agrafe desuspension de fourreau (pl. 3 n° 10). Cet objet peuhabituel trouve un parallèle sur le sanctuaire deBennecourt, dans les Yvelines49 et sur celui deVieille-Cour, à Mauves-sur-Loire en Loire-Atlantiqueoù des militaria ont également été identifiés50.

Une poignée d’épée miniature en os,apporte un complément d’information (pl. 1 n° 3).

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Même si on ne peut exclure une utilisationquotidienne comme canif par exemple ou bien unefonction votive51, la présence d’une arme miniatureau sein du dépôt est singulièrement troublante.

Ce dépôt particulièrement riche enmilitaria est daté de la fin du IIe à la première moitiédu IIIe siècle.

Pour finir, on doit signaler un médaillond’Hercule en or collé par une résine sur un supportde métal mis au jour dans l’égout d’une piscine desthermes de Delaâge. Cet artefact avait étéinterprété en son temps comme un fragment decuirasse anatomique (fig. 10).

Le site du 10-12 rue Delaâge (n° 11)

Cette fouille menée par Pierre Chevet(Inrap), entre 2002 et 200352 a permis de compléterle plan de l’édifice thermal fouillé en 1974/1976 et

41 - Lindsay Allason-Jones, « Notes, Nielloed studs», ARMA, vol. 1, n° 1, juin 1989, p. 10-11 Fig. 2.42 - Jürgen Oldenstein, op. cit., 1976 p. 189 et Taf. 58 n° 727-729.43 - Annick Voirol, « Etats d’armes. Les militaria d’Avenches/Aventicum », Bulletin de l’Association Pro Aventico, 42, 2000, p. 59, Pl. 17 n° 173.44 - Michel Feugère, op. cit., 1983 p. 50 Fig. 7 n° 6.45 - Marie-Chantal Sautot, « Une collection d’objets de bronze provenant des Bolards (Côte-d’Or) », Revue Archéologique du l’Est et du Centre-Est, 28,

fasc. 3-4, 1977, p. 334 Pl. XXX n° 5.46 - Isabelle Fauduet, « Musée d’Evreux, collections archéologiques, bronzes gallo-romains, instrumentum », Argenton-sur-Creuse, 1992, p. 107 n° 792.47 - Michael C. Bishop, Jonathan C. N. Coulston, Roman military equipment, from the Punic Wars to the fall of Rome, Exeter, Oxbow Books, 2006, Second

edition, p. 256.48 - Eckhard Deschler-Erb, « Ad Arma ! Römisches Militär des 1. Jahrunderts n. Chr. in Augusta Raurica », Forschungen in Augst, 28, 1999, Pl. 17 n° 298 à 302.49 - Luc Bourgeois dir., Le sanctuaire rural de Bennecourt (Yvelines), du temple celtique au temple gallo-romain, MSH, Paris, 1999 (DAF ; 77), p. 103,

Fig. 77 n° 495.50 - Maxime Mortreau, « 7.5.2. Les militaria du sanctuaire de Mauves-sur-Loire », dans Martial Monteil dir., « Le sanctuaire gallo-romain de Vieille-Cour

à Mauves-sur-Loire (Loire-Atlantique) : un état des connaissances », Revue Archéologique de l’Ouest, à paraître.51 - Jean-Claude Béal, Michel Feugère, « Epées miniatures à fourreau en os, d’époque romaine », Germania, 65, 1987, p. 9852 - Pierre Chevet, « Angers, 10-12 rue Delaâge (49 007 011 AH) », Document final de Synthèse de fouille de sauvetage programmée, 2005, Inrap Grand-

ouest, 68 p.

(fig. 10) Médaillon en or figurant Hercule, cliché Claude Lambert

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

de mettre au jour des structures antérieures(voierie, canal, habitat, fosses d’extraction).

Découvert gisant sur le sol d’un habitat deterre et bois augustéen, ce rare modèle précoce deboîte à sceau en forme de bourse n’était jusqu’à

présent attesté dans notre région que sur le sited’Andard53. Cette trouvaille qui est à rapprocher decelle effectuée au Logis Barrault confirme laprécocité d’une correspondance à Angers. Laprésence de tels objets dans des contextes précoces

53 - Xavier Delestre, Archéologie d’un bourg : Andard gallo-romain, Eléments chronologiques, plaquette ronéotypée, Angers, 1984, pl. 58 n° 9.

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Planche 2 : Éléments de harnachement. 1 à 3 : pendeloques, 4 à 11 : appliques de courroies, 12 et 13 : phalères (3 d’après Frédéric Guérin 1998).

est généralement mise en relation avec desmilitaires 54 comme à Lutèce 55, Arras 56 ou Alésia 57.Elle témoigne d’une administration en contactpermanent avec les autorités de Rome ou de Lyon.

Il faut signaler que d’autres boîtes àsceaux ont été recueillies par Jean Siraudeau au14 rue Delaâge, également associées à desmilitaria 58.

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Le site de la Maison départementaledu Tourisme (n° 13)

La fouille de Jean Siraudeau (bénévole)sur le site de la Maison départementale duTourisme entre 1979 et 1980 59 a été l’occasion de

54 - Michel Feugère, Pierre Abauzit, « Les boîtes à sceau circulaires à décor zoomorphe riveté d’époque romaine »,Revue Archéologique de l’Est, 46, 1995, p. 51.55 - Matthieu Poux, Sylvie Robin,op. cit., 2000, p. 209.56 - Alain Jacques et Gilles Prilaux, « La naissance de la ville », dans Alain Jacques et Gilles Prilaux, (dir.),Dans le sillage de César. Traces de romanisation

d’un territoire, les fouilles d’Actiparc à Arras, Catalogue d’exposition, Musée des Beaux-Arts (27 sep. 2003-4 janv. 2004), Arras, 2003, p. 41.57 - Michel Reddé,op. cit., 2003, p. 188.58 - Gérard Aubin et Christine Guérin, op. cit., 1980 n° 86 à 90.59 - Jean Siraudeau, « Angers Maison du Tourisme »,Rapport de fouilles 1979-1980, 34 p., 9 �g., 14 pl., 7 annexes.

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Planche 3 : Élements de harnachement. 1 : phalère, 2 à 9 : appliques de courroies, 10 : bouton de suspension (3 d’après Frédéric Guérin 1998).

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

relever une exceptionnelle coupe stratigraphique,véritable condensé de l’histoire d’Angers60.

A la base de celle ci61, le fouilleur recueillitla partie supérieure d’une des toutes premièresamphores à huile Dressel 20/Oberaden 83de Bétique importées en Gaule62 (fig. 11).Morphologiquement identique aux amphores àhuile d’Apulie dite de « Brindes », elle en remplitles mêmes fonctions. D’après André Tchernia, cesamphores étaient destinées à transporterl’approvisionnement en huile des personnagesimportants de l’armée ou de l’administrationromaine ou à de riches colons63.

Le site de l’Ilot 25 Delaâge/Talot (n° 25)

Cette intervention conduite par JeanSiraudeau (bénévole) en 1982 a permis de mettreau jour un groupe de puits et de fosses dontcertaines ont livré des indices de pratiquesrituelles64.

Dans la couche 5 de la fosse 5, une boucleà volutes de petite taille a été découverte (pl. 1 n° 5).

Cet objet ressemble, toutes proportions gardées, àun exemplaire découvert hors contexte à Paris, ruePierre-et-Marie-Curie, identifié comme uneboucle de cingulum et pour lequel une datationtibéro-claudienne a été avancée65, propositionchronologique validée par le contexte dedécouverte claudien d’Angers66. Elle étaitaccompagnée de nombreux fragments decéramiques dont neuf comportaient le graffitosuivant : VR (pour votum reddidit ?).

Le site de l’îlot Quatrebarbes (n° 29)

La fouille de Monique Le Nezet poursuiviepar François Comte (archéologues municipauxd’Angers) conduite entre 1984 et 1985 n’amalheureusement pas donné matière à uneexploitation scientifique67.

Signalons pour mémoire plusieurséléments de parure d’un type particulier dont nousne connaissons malheureusement pas le contextearchéologique. Il s’agit de deux fibules : l’une dutype Aucissa classique Feugère 22b2 (fig. 12) etl’autre en oméga Feugère 30c1a68 associées à unmobilier céramique tibérien (sigillées, amphores69)pourraient correspondre aux effets personnelsd’habillement de militaires romains (fig. 13).

Les fibules d’Aucissa sont traditionnellementattribuées aux militaires romains. Celles en omégasont par ailleurs attestées sur le camp tibériend’Aulnay de Saintonge70 ainsi que sur d’autres sitesallemands augustéens plus précoces comme lecamp de Dangstetten71 ou le site de la bataille deVarus, à Kalkriese72.

60 - Gérard Aubin, « Informations archéologiques, Circonscriptions des Pays de la Loire, Maine-et-Loire, Angers », Gallia, 41, 1983, fasc. 2, Fig. 15 p.310 et Jean Siraudeau, op. cit., 1988, Fig. 5 p. 67.

61 - Jean Siraudeau, op. cit., 1988, p. 69 (13.6) Pl. 41, Fig.7 et p. 170-171 ; Gérard Aubin, op. cit., 1983, p. 313.62 - Le récent congrès de la SFECAG tenu à Empuries (Esp.) au mois de mai dernier a permis d’écarter une origine italique pour cette amphore. Son

réexamen s’est fait conjointement avec Jean Siraudeau à qui nous exprimons nos plus vifs remerciements.63 - André Tchernia, « L’arrivée de Bétique sur le limes germanique : Wierschowski contre Remesal », dans Vivre, produire et échanger : reflets

méditerranéens, Mélanges offerts à Bernard Liou, textes rassemblés par Lucien Rivet et Martine Sciallano, Montagnac, Monique Mergoil, 2002, p. 319-324.64 - Jean Siraudeau, « Angers - Ilot 25 », Rapport de fouilles, 1982, 24 p., 8 pl., 14 fig., dactyl.65 - Matthieu Poux, Sylvie Robin, op. cit., 2000, Fig. 16 p. 205 n° 1.66 - Jean Siraudeau, op. cit., 1982, p. 24.67 - François Comte, « Fouilles de l’îlot Quatrebarbes-Pignerolles », dans Journée archéologiques régionale Nantes, 12 janvier 1986, Nantes, DRAH, 1986, dactyl.68 - Elisabeth Dreyfus, Catalogue des fibules des Pays de la Loire, Mémoire de Maîtrise d’Archéologie, Université de Paris I, 1979, 243 numéros, 90 pl., dactyl.69 - Remercions ici Jean Siraudeau pour avoir mis à notre disposition son travail de pré-inventaire du mobilier céramique.70 - Marie-Hélène et Jacques Santrot, op. cit., 1985, Pl. 8 n° 72 et 73.71 - Gerhard Fingerlin, op. cit., 1986, p. 481 Fig. 13 n° 545,7.72 - Wolfgang Schlütel, Römer im Osnabrücker Land, Die archäologischen Untersuchungen in der Kalkrieser-Niewedder Senke, Rasch Verlag Bramsche,

1991, p. 80 Fig. 9 n° 3.

(fig. 11) Amphore à huile de Bétique Oberaden 83 découverte à la Maisondépartementale du Tourisme, d’après Jean Siraudeau 1988.

Une boucle semi-ovalaire de sectionoctogonale de cingulum recueillie dans uncontexte tibéro-claudien illustre la grande variétéde forme des ceinturons militaires (pl. 1 n° 7). Cemodèle est à mettre en relation avec une sérieproche recueillie dans le sud de la Francenotamment à Villetelle-Hérault/Ambrussum73 etsur le camp romain de Villeneuve à Fréjus74. Leurcontexte de découverte n’apporte malheureusementpas de précision chronologique : entre le Ier av. et leIer ap. J.-C.

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Le site du Logis Barrault (n° 35)

Les fouilles récentes menées par PierreChevet75 (Afan) au Logis Barrault sur le site del’actuel Musée des Beaux-Arts d’Angers ont livréplusieurs pièces de harnachement de cavalerie oud’éléments décoratifs de ceinturons militairesromains.

La première tranche de fouille a fourniune pendeloque en bronze constituée d’une plaquepiriforme terminée par un bouton suspendue à unelanguette perforée d’un trou destinée à la fixer surune lanière de cuir (pl. 2 n° 2).

Le contexte de datation est sans contestetibérien soit les années 15 à 40/50 ap. J.-C.

Si l’on a pu évoquer l’hypothèse dependeloques décoratives appartenant au tablier ducingulum76 du légionnaire romain, ces objets sontmaintenant interprétés comme des pendants deharnais et datés communément du Haut Empire(Ier-IIIe siècle après J.-C.)77. Une pendeloquecomparable à celle d’Angers a été mise au jour àJublains en 2004 sur le chantier de fouilleprogrammée du site du Taillis des Boissières dansun contexte légèrement plus tardif daté desannées 60/80 ap. J.-C.78

Une boucle demi-circulaire en bronzedécouvert dans un contexte légèrementpostérieur, 40/50 à 70 ap. J.-C., pourrait égalementappartenir au domaine du harnachement (pl. 1 n° 6).

La même année fut mise au jour uneapplique de harnais en bronze en forme de pelte(pl. 2 n° 4). Destinées à orner les sangles placées à

73 - Michel Feugère, « Autres objets non céramiques », dans Jean-Luc Fiches, Les maisons gallo-romaines d’Ambrussum (Villetelle-Hérault). La fouilledu secteur IV, 1976-1980, Paris, MSH, 1986, (DAF ; 5), p. 105 n° 75.

74 - Michel Feugère, «Découvertes au quartier de Villeneuve, Fréjus, Var : le mobilier métallique et la parure », Documents d’Archéologie Méridionale, 4,1981, p. 145, Fig. 9 n° 21.

75 - Pierre Chevet, « Angers-Musée des Beaux-Arts (49.007.035.AH). Fouille du jardin et des galeries David d’Angers et Beaurepaire. Eléments d’analyseet d’étude architecturale du Logis Barrault », DFS de fouille de sauvetage programmée, 2000, 108 p. ; Pierre Chevet, « Angers-Musée des Beaux-Arts (49.007.035.AH), Fouille de la cour d’honneur, Synthèse avec les fouilles de 1999 et mises en perspectives », DFS de fouille de sauvetageprogrammée, 2001, 101 p. et Pierre Chevet et alii, Les fouilles du musée des Beaux-Arts d’Angers (ancien Logis Barrault), archéologie et histoire d’unquartier de la ville d’Angers, Rennes, PUR, coll. Documents d’Archéologie de l’Ouest, à paraître.

76 - Michel Feugère et Matthieu Poux, « Gaule pacifiée, Gaule libérée ? Enquête sur les militaria en Gaule civile », dans Eckard et Sabine Deschler-Erb(dir.), Deschler-Erb dir., Römisches Militär und Militaria im zivilen Umfeld = Roman Military Equipment in civil settlements : International RomanMilitary Equipment Conference (ROMEC) XIII, Vindonissa/Brugg, 2001, dans Jahresbericht der Gesellschaft Pro Vindonissa, 2001, p. 83 fig. 4 n° 15 et 16.

77 - Jeannot Metzler, Das Treverische Oppidum auf dem Titelberg (G.-H. Luxemburg). Zur Kontinuität zwischen der spätkeltischen und der frührömischenZeit in Nord-Gallien, Dossiers d’Archéologie du Musée National d’Histoire et d’Art, III, 1995, Abb. 192 n° 8 ; Michel Feugère, « Le mobilier militaireromain dans le département de l’Hérault (F). Militaria de Gaule méridionale, 19 », Gladius, XXII, 2002, fig. 87 n° 10, fig. 12 n° 58, fig. 14 n° 90 ;Bérangère Fort, Yannick Labaune, « Les militaria datés du début du Haut-Empire à Autun Augustodunum et dans les collections du musée Rolin »,dans Matthieu Poux dir., Militaria tardo-républicains en contexte gaulois, Actes de la table ronde du 17 octobre 2002 (Glux-en-Glenne – F.58), Glux-en-Glenne : BIBRACTE, Centre archéologique européen, 2008, à paraître, (Bibracte ; 14).

78 - Communication personnelle d’Anne Bocquet, archéologue départementale de la Mayenne, responsable de la fouille.

(fig. 13) Fibule en oméga, cliché Maxime Mortreau (échelle 2/3)

(fig. 12) Fibule du type d’Aucissa, cliché Maxime Mortreau (échelle 2/3)

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

l’avant et à l’arrière de la selle des cavaliers79, ellespeuvent avoir également eu pour fonction dedécorer les cingula du Bas-Empire80. Le contextede découverte livre une datation de la premièremoitié IIe à la fin du IIIe s. ap. J.-C.

Cette autre fine plaque circulaire, quicomporte une série de moulurationsconcentriques avec un trou central permettant lafixation, était associée à une tôle de bronze (pl. 1 n° 9).Recueillis en contexte militaire, ces objets sontinterprétés comme des pièces de harnachementou des appliques de ceinturon81. La datation estidentique à celle du précédent objet.

La deuxième tranche de fouille a fourniune plaque de cingulum en bronze niellé (pl. 1 n° 4).La plaque décorative, de forme rectangulaire,percée aux quatre extrémités mesure 5,35 cm sur3,2 cm. Les perforations indiquent que cetteplaque était fixée sur une ceinture de cuir aumoyen de quatre rivets. Le décor représente unesérie de six motifs naviformes, remplis de troisfeuilles de laurier dentelées disposées debout,emboîtés les uns dans les autres, le tout bordé pardeux séries de treize petits triangles.

Le contexte archéologique permetd’avancer une datation des années 15 au milieu Ier

s. ap. J.-C. qui est étayée par plusieurs autresexemples. Un ceinturon complet comprenantboucle et plaques décoratives ornées d’un décorproche a été découvert sur le camp d’Auerberg, enHaute Bavière, occupé entre 13/14 et 4082. Plusprès de nous, dans le sanctuaire des Vaux de laCelle à Genainville, en Val-d’Oise, une plaque audécor proche recueillie dans la région du Nymphéeest datée du Ier siècle sans plus de précision83. Un

motif naviforme similaire à notre décor se retrouvesur une attache-courroie découverte à Camerton(G.-B.) dans un dépôt d’objets métalliquescontemporain de la conquête de la Bretagneromaine84. Une remarque de J.-W. Brailsford, citéepar Michel Feugère appuie notre chronologie :« A partir de l’époque tibérienne, le décor desplaques de cingulum fait assez souvent appel à desincrustations de nielle, selon un schémagéométrique qui comporte en général un ouplusieurs motifs cruciformes au centre, cernés parune bordure de dents de loup ou de larmes »85. Ceschéma décoratif s’observe également sur uneplaque de cingulum découverte sur le camptibérien de Rocheroux à Aulnay de Saintongeoccupé de 21 à 28 après J.-C. qui présente parailleurs les mêmes dimensions86.

Une boîte à sceau en forme de bourse,d’un modèle précoce en Gaule87, attestant unecorrespondance active, est par ailleurs attestéedans le même horizon chronologique.

Parmi un petit lot de mobilier métalliquedécouvert dans le comblement de la tranchée defondation d’un bâtiment claudien, on remarqueoutre une bague en or, une phalère circulaire (pl. 3 n° 1)et une applique décorative de harnais (pl. 3 n° 2). Lecontexte chronologique est calé entre 50 et 70 ap.J.-C. Nous pouvons avoir une idée précise dupositionnement de cette applique dans le harnaisgrâce à un dessin de reconstitution88 d’un chevaléquipé qui montre un objet de forme et de taillesimilaire89. Le mobilier ayant servi à la restitution aété trouvé à Canterbury (Marlowe III) dans uncontexte daté du Ier s. après J.-C. La publication del’exceptionnel char de Saintes90 présente des

79 - Michel Feugère, « L’équipement militaire romain dans le département de la Loire », Cahiers Archéologiques de la Loire, 3, 1983, p. 54.80 - Joaquín Aurrecoechea Fernández, « Late roman Belts in Hispania », Journal of Roman Military Studies, 10, 1999, fig. 8 n° 1, p. 70.81 - Gaétan Le Cloirec, « Les bronzes antiques de Corseul (Côtes-d’Armor) », Monographies Instrumentum, 18, 2001, Monique Mergoil, Montagnac, p.

107 et Fig. 30 n° 233.82 - Günter Ulbert, Römische Waffen des I. Jahrhunderts n. Ch., Limes-Museum Aalen (Würtemberg), Stuttgart, 1968, Fig. 16 ; Peter Connolly, Greece

and Rome at War, London, Greenhill Books, 2006, p. 232 ; Marcus Junkelmann, Die Legionen des Augustus. Der römische Soldat im archäologischenExperiment, Mainz am Rhein, Verlag Philipp von Zabern, 1986,Taf. 57a p. 225.

83 - Pierre-Henri Mitard, Le sanctuaire gallo-romain des Vaux-de-la-celle à Genainville (Val-d’Oise), Centre de Recherches Archéologiques du VexinFrançais, Guiry-en-Vexin, 1993, p. 358 n° 4 et p. 360.

84 - Ralph Jackson, Camerton. The late iron age and early roman metal work, London, British Museum Publications, 1990, pl. 6 n° 66 et p. 24.85 - Michel Feugère, « L’équipement militaire romain dans le département de la Loire », op. cit., 1983, p. 50.86 - Marie-Hélène et Jacques Santrot, « Objets en bronze » dans Danielle et Francis Tassaux, « Aulnay de Saintonge. Un camp augusto-tibérien »,

Aquitania, I, 1983, p. 79 Pl. 4 n° 30.87 - Pierre Abauzit, Michel Feugère, « – Annexe 3. La correspondance au Ier s. av. J.-C. Les boîtes à sceau en forme de bourse », dans Martial Monteil

dir., « Les fouilles de la Z.A.C. des Halles à Nîmes (Gard) », dans Bulletin de l’Ecole Antique de Nîmes, Suppl. 1, 1993, p. 305-306 et Xavier Delestre,Archéologie d’un bourg : Andard gallo-romain, Eléments chronologiques, plaquette ronéotypée, Angers, 1984, pl. 58 n° 9.

88 - Ce dessin est reproduit d’après Laurie P. Sartin dans Current Archaeolog, 80, vol VII, n° 9, dec. 1981, p. 171.89 - Michel Feugère, « L’équipement militaire et l’armement romains, recherches et travaux récents en Grande-Bretagne », Cahiers Archéologiques de

la Loire, 2, 1982, p. 84 fig. 10.90 - Anne Bouchette et alii, Le char romain du musée archéologique de Saintes, Saintes, Musée de la ville de Saintes, DRAC Poitou-Charentes, 1998, p. 52.

éléments décoratifs de harnais proches dans laforme et la technique de fabrication de celuidécouvert à Angers.

Classé par certains auteurs dans lesmilitaria, les boutons rivets circulaires émailléspouvaient aussi servir à décorer des harnais ou deslanières de cuir91. L’exemplaire recueilli au LogisBarrault est daté des années 70 à la premièremoitié IIe s ap. J.-C. (pl. 3 n° 4).Un objet semblable est connu sur le site de la GareSaint-Laud (inédit, fouilles Jean Brodeur 2000),ainsi que sur celui du 14 rue Delaâge (fouilles JeanSiraudeau 1976)92.

Les deux appliques rivets découvertsparmi les décombres d’une maison incendiéeappartiennent aussi à un harnais de cavalerie93.Ces éléments décoratifs de forme circulaireétaient fixés sur le harnais au moyen d’un ou deplusieurs rivets. Leur utilisation simultanée sur lamême pièce de harnais est confirmée par leursdiamètres très proches.

L’applique circulaire à rivet simple (pl. 2 n° 5)est datée du milieu du IIe au milieu du IIIe siècle94

tandis que l’applique circulaire à bosse centrale àdeux rivets (pl. 2 n° 8) propose une datationsimilaire voire légèrement plus tardive (début duIIIe siècle)95.

Ils font écho à la découverte d’unependeloque de harnachement dans une coucheimmédiatement antérieure à cet incendie. (pl. 2 n° 3).L’objet était associé à une monnaie de SévèreAlexandre qui fournit ainsi un terminus post quemtrès sûr pour cet événement (denier fourréd’Alexandre Sévère émis entre 222 et 23596).

Cette trouvaille d’éléments de harnaisdans un contexte a priori « civil » pose une évidentequestion d’interprétation qui a été débattue parMichel Feugère97.

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Le site de la Gaumont/Saint-Martin (n° 43)

Ce site fouillé par Jean Brodeur (Afan) en1991 à la périphérie de la ville antique a connu uneoccupation antique ininterrompue depuis l’époqueaugustéenne. Sa vocation artisanale était tournéevers le travail du fer. Des traces indirectes deréduction du minerai ont été mises en évidence surle site (scories, fragments de parois de four)98.

L’élément qui a retenu notre attention estun fragment de terre cuite représentant une scènede trophée (fig. 14).

De forme trapézoïdale, brisée à ses deuxextrémités, elle représente deux personnagesdisposés face à face au pied d’un poteau avec unebarre transversale faisant office de bras. On peutdéceler dans la coiffure qui recouvre l’extrémité dupieu la figuration d’un casque muni de cornes etcouronné de feuilles (de laurier ?). Le mannequinest revêtu d’une sorte de longue tunique plissée oucuirasse se finissant par des lambrequins ou

91 - Annick Voirol, op. cit., 2000, p. 28.92 - Gérard Aubin et Christine Guérin, Vingt-cinq années d’archéologie gallo-romaine, Nantes, DRAH/Musées départementaux de Loire-Atlantique,1980, n° 101.93 - Annick Voirol, op. cit., 2000, p. 25.94 - Jürgen Oldenstein, « Zur Ausrüstung römischer Auxiliareinheiten. Studien zu Beschlägen und Zierat an der Ausrüstung der römischen

Auxiliareinheiten des obergermanische-raetischen Limesgebietes aus dem zweiten und dritten Jahrhundert n. Chr. », Bericht der Römisch-germanischen Kommission, 57, 1976, p. 171 n° 512-527 pl. 47-48.

95 - Jürgen Oldenstein, op. cit., 1976, p. 173 n° 542-557 pl. 49.96 - Identification Guy Collin, numismate.97 - Michel Feugère, op. cit., 1983, p. 65.98 - Michel Vaginay , « Angers Gaumont/Saint Martin n° 49 007 043AH, Sauvetage programmé, Jean Brodeur», Bilan Scientifique de la région Pays de

la Loire 1991, DRAC/SRA, 1991, p. 32-34.

(fig. 14) Scène de trophée sur plaquette de terre cuite, IIe siècle ap. J.-C.,cliché Jean Brodeur

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

pteruges, serrée à la taille par une ceinture. Deuxboucliers oblongs sans umbones visibles sontsuspendus aux extrémités de la barretransversale. La face externe de l’un comporte destraces de stries en diagonale évoquant un bouclierde planches de bois assemblées. L’étude ducostume et l’apparence des personnages nousrenseignent sur leur appartenance ethnique : lesdeux hommes, chevelus avec une barbesoigneusement taillée en pointe, coiffés d’uncouvre-chef rappelant le bonnet phrygien évoquentun type de barbare oriental : le pileatus.

Les parallèles stylistiques ne manquentpas : le Mausolée d’Adamklissi en Roumanie et lacolonne élevée à Rome entre 114 et 118 parl’empereur Trajan pour commémorer ses victoirescontre les Daces figurent des types de barbareségalement assez proches. Cependant, lestrophées qui ornent la base de ce monument necorrespondent pas exactement à notrereprésentation. La forme des boucliersreprésentés notamment diffère et s’y ajoutent enplus des haches et des étendards (dracones).

Des Barbares présentant les mêmestraits grimaçants sont reproduits sur une série desarcophages en marbre plus tardifs. On peut ainsiciter le célèbre sarcophage de Portonaccio,conservé au Musée des Thermes à Rome daté desenvirons de 19099 ainsi que le sarcophage de la villaTaverna à Frascati représentant la vie d’un officierromain, daté de 170/180 ca100.

Les revers de plusieurs émissionsmonétaires de Marc Aurèle célèbrent les bataillesde cet empereur contre les Quades et Marcomans.Les boucliers figurés sont très proches de ceuxd’Angers101.

Ainsi, deux possibilités s’offrent à nous :les campagnes de Trajan contre les Daces ou biencelles de Marc Aurèle contre les Quades et lesMarcomans.

Si la figure du barbare vaincu est un

thème de propagande largement illustré sur lesmonnaies ou la statuaire, il est moins courant,voire unique de le voir réalisé en terre cuite. Cefragment faisait sans doute partie d’uneréalisation plus importante dont on ne connaîtaucun autre exemple à l’heure actuelle. Quoi qu’ilen soit, on peut penser que ce sujet particulierd’une bonne exécution plastique correspond à unecommande spécifique.

Le contexte de la trouvaille a été perturbépar l’installation d’un habitat du Haut moyen âgemais une datation IIe siècle paraît raisonnable.

Le site du château d’Angers (n° 58)

Les fouilles menées entre 1993 et 1996sous les directions de Jean Brodeur et de PierreChevet (Afan)102 sur le site de l’actuel châteaud’Angers ont permis de mettre en évidence unpotentiel archéologique extrêmement riche à cetendroit. Occupé dès les temps les plus anciens, lepromontoire est le siège d’un oppidum, puis de lacapitale de cité des Andégaves.

Si la localisation précise de l’hivernage dulieutenant de César reste encore matière à débat,ces fouilles récentes ont livré un certain nombred’artefacts se rapportant au domaine militaire.

La découverte d’un fragment de piquet detente en fer103 dans un contexte augustéen précoceconstitue la preuve la plus tangible de la présenced’un cantonnement de militaires romains.

Si l’on examine de plus près le faciès desfibules rencontré au château, on constate une grandesimilitude avec celui du camp de Dangstetten104 oubien de l’oppidum du Titelberg (Luxembourg), oùest attestée une présence militaire romaine à lapériode augustéenne précoce105.

99 - Robert Turcan, L’art romain dans l’Histoire, six siècles d’expression de la romanité, Paris, Flammarion, 1995, p. 230 Fig. 296.100 - Robert Turcan, op. cit., 1995, p. 225 Fig. 289.101 - Quelques exemples figurés dans Peter Wilcox et Rafael Trevino, Barbarians against Rome’s celtic, germanic, spanish and gallic enemies, Osprey

History, 2000, p. 20.102 - Pierre Chevet et alii, « Château d'Angers n° 49. 007. 058 AH. Fouilles des jardins du quadrilatère et de la terrasse du Logis Royal, Etude des

élévations de la Grande Salle, D.F.S. de fouille préventive 1993-1996, Autorisations n° 93. 832, 95. 112, 96. 004. Titulaire J. Brodeur, Septembre1997, Afan/SRA Pays de la Loire, 1997, 5 volumes et Pierre Chevet et alii, Les fouilles du château d’Angers, DAF, à paraître.

103 - Nous sommes redevable à Jean-Paul Guillaumet de l’identification de cet objet au cours d’une expertise du mobilier ferreux et non ferreux desfouilles menées au château d’Angers au laboratoire Arc’Antique en 1999. Cet objet, non visible actuellement est en cours de consolidation en attented’une restauration prochaine.

104 - Gerhard Fingerlin, « Dangstetten I Katalog der Funde (Fundstellen 1 bis 603) », Forschungen und Berichte zur Vor-und Frühgeschichte in Baden-Württemberg, 22, 1986, 508 p., 40 pl.

105 - Jeannot Metzler, op. cit., 1995, p. 249.

Le même constat prévaut pour lacéramique qui présente de fortes analogies aveccelle d’autres sites de Gaule interne précocementromanisés ou des camps du limes rhénan .

La composition du vaisselier associe despièces de vaisselle à utilisation individuelle(tasses, assiettes en sigillée) et d’autres àutilisation plus collective (plats à engobe interne

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rouge pompéien, cruches, mortiers, lampes) (fig. 15).L’origine de l’approvisionnement de la

vaisselle céramique consommée au châteaumontre une préférence pour les productions de lavallée du Rhône (parois fines, bols peints, crucheHaltern 45) et de l’Italie (sigillées, mortiers,amphores). Une telle présence de vaisselled’importation à cette période ne trouve pas

106 - Maxime Mortreau, « Les ensembles céramiques précoces d'Angers : le site du jardin du Château. », dans S F E C A G, Actes du congrès du Mans,1997, p. 37-66.

(fig. 15) Mobilier céramique d’importation méditerranéenne appartenant à l’horizon des camps romains augustérns, d’après Maxime Mortreau 1997

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

d’équivalent dans l’ouest de la Gaule107.L’analyse de la composition du vaisselier

traduit l’adoption de pratiques culinaires liéesdirectement à l’arrivée de nouveaux venus. Ainsiles grandes cruches à engobe blanc (fig. 15 n° 17 à 20)qui imitent des prototypes méditerranéens en pâteclaire calcaire servent à conserver ou à servir l’eauou le vin. Les coupes tripodes (tripes) à engobe

micacé d’inspiration italique utilisées avec descouvercles servent à faire mijoter les plats, lespieds élevés évitant un contact direct avec lesflammes du foyer. Des plats à cuire munis decouvercle sont recouverts d’un engobe internedestiné à éviter aux mets d’adhérer aux parois(fig. 15 n° 15 et 16 et fig. 16 n° 14 et 15).

107 - On consultera avec profit les Actes du congrès de la SFECAG tenu au Mans en 1997. Les récentes communications portant sur la ville de Rezé,nos travaux sur la ville de Jublains, ou le diplôme de Master en cours sur la ville du Mans par Christian Leboulaire (Inrap) ne sont pas venus contredirecette image de Iuliomagus, ville en pointe de la romanisation dans l’ouest de la Gaule.

(fig. 16) Mobilier céramique d’importation méditerranéenne appartenant à l’horizon des camps romains augustéens, d’après Maxime Mortreau 1997

La fréquence anormalement élevée sur lesite de mortiers italiques utilisés pour laconfection des sauces suscite l’intérêt. Laproportion de ces derniers est équivalente à celleenregistrée sur l’ensemble du site de la domus PC1au Mont-Beuvray108. (fIG 16 n° 2)

La consommation de vin va de pair avec undéveloppement de la gobeleterie importée ou non.On trouve ainsi associés des gobelets à parois fineslyonnais (fig. 15 n° 4 et 7) et d’autres décorés demotifs estampés à la roulette « type Beuvray »(fig. 15 n° 11 et 14).

La cuisine ou l’éclairage individuel avecdes lampes importées d’Italie ou de Lyon se faitavec l’huile d’olive importée de Bétique(Andalousie actuelle) dans les amphores Dressel20 (fig. 17 n° 8).

On relèvera également l’emploi derécipients destinés au soin du corps comme lesbalsamaires/unguentaria, fréquemment attestéssur les camps romains (fig. 15 n° 10).

Un autre témoignage indirect de cetteprésence de militaires romains sur le site dupromontoire est la découverte, dans les niveauxdatés de 40/30 avant notre ère, de clous de caligae

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qui à cette période ne pouvaient être portées quepar des légionnaires ou des auxiliaires gaulois del’armée romaine109. D’après Matthieu Poux, il s’agitd’une « production spécifique à l’armée romaine,rarement attestée sur les sites civilscontemporains ». Ces clous de caligae figurentégalement dans les niveaux liés au fonctionnementd’un lieu d’abattage (boucherie) datée de la périodeaugustéenne précoce (20/10 avant notre ère).

Une empreinte de caliga (fig. 18) relevéesur une tuile recueillie dans le même contextepermet d’attester une présence militaire sur le lieude fabrication de ces terres cuites architecturales.Ces ateliers sont dans certains cas contrôlés parl’armée elle-même dans le cas de la réalisation debâtiments publics110. L’emploi, ici, de terres cuitesarchitecturales pour la couverture de bâtimentsdemeure un cas sans équivalent pour cette périodeen Gaule de l’Ouest.

Le mobilier métallique associé à cedépotoir de boucherie comprend outre denombreux clous de charpente, des clous de grandetaille, des bandes métalliques (éléments depenture), des éléments d’huisserie, des chaînes etchaînettes mais aussi des boucles circulaires avec

108 - Thierry Luginbühl, « Typo-chronologie des céramiques de Bibracte : cruches, mortiers et plats à engobe interne des fouilles de la domus PC 1. »,dans SFECAG, Actes du congrès de Dijon, 1996, p. 204.

109 - Matthieu Poux, op. cit., 1999 p. 90.110 - Henri Broise, « Les estampilles anépigraphes sur bessales de la Rome impériale », dans La brique antique et médiévale, production et

commercialisation d’un matériau (Actes du colloque internationnal, Saint-Cloud 16-18 novembre 1995), collection de l’Ecole Française de Rome,272, Rome, E. F. R., 2000, p. 123.

(fig. 17) Mobilier céramique d’importation méditerranéenne appartenant à l’horizon des camps romains augustéens, d’après Maxime Mortreau 1997

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

ardillon qui pourraient être interprétées commedes éléments de harnachement111.

Le fond perforé d’une passoire en bronzea par ailleurs été recueilli lors d’un sondage dediagnostic dans un niveau postérieur aucomblement de la fosse 1606. La vaissellemétallique importée d’Italie participe égalementde ce changement de mode de vie112.

Tous ces différents éléments corroborentune présence militaire romaine sur le promontoiredu château entre 40 et 10/0.

Le site de l’Imprimerie Siraudeau (n° 70)

Ce site, fouillé en 1996 par FrédéricGuérin (Afan), dans des conditions difficiles, a toutd’abord été identifié comme celui d’une domus

installée dans un îlot en périphérie de la villeantique113. A la relecture des opérations de fouillesrécemment conduites, il semble maintenant plutôtqu’il faille y voir les parties annexes du vasteensemble thermal évoqué plus haut au 10-12 et 14rue Delaâge114.

Trois objets ont retenu notre attention carfigurant dans le même horizon chronologique desannées 70/80 à la première moitié du IIe siècle.La premier correspond à une pendeloque115

piriforme de harnachement (Lunar pendant) detype Bishop 5a (pl. 2 n° 1). Le contexte chronologiqueest en accord avec les propositions de datationexterne116.

Le second est une garniture de lanière117

non décorée présentant de fortes similitudes avecles productions de l’atelier bourguignon d’Alésiaqui a fonctionné dans les années 50/60118 pourapprovisionner en équipement de cavalerie lescamps du limes rhénan (pl. 3 n° 3). La datation descontextes de pertes sur les sites fréquentés parl’armée romaine montre une grande fréquenceautour des années 60/80.

Le dernier est figuré par un petit fer delance à douille119. La taille de l’objet permet de poserl’hypothèse d’une arme de jet (pl. 1 n° 2). Encore unefois, le contexte chronologique est identique.

La densité importante des témoignagescompte tenu de la superficie explorée interroge. Laproximité immédiate avec les sites déjà décrits del’îlot 25 et de la rue Delaâge est à soulignerégalement. La contemporanéité de tous cesmilitaria est troublante.

La perte de ces objets est antérieure à laconstitution du niveau d’abandon de la cour desthermes au 14 rue Delaâge.

Elle atteste la présence sur le site decavaliers auxiliaires romains.

111 - Ces objets étant actuellement en cours de consolidation au laboratoire nantais Arc’Antique, leur étude véritable ne pourra intervenir que dans undélai de six mois. Nous avons travaillé à partir des radiographies existantes.

112 - Matthieu Poux, Sylvie Robin, « Les origines de Lutèce : acquis chronologiques. Nouveaux indices d’une présence militaire à Paris, rive gauche »,Gallia, 57, 2000, p. 199.

113 - Frédéric Guérin, Angers, Imprimerie Siraudeau, Rapport de fouille, AFAN/SRA Pays de Loire, 1998, 2 volumes, dactyl.114 - Nous sommes redevable de cette hypothèse à notre collègue Martin Pithon, Inrap Angers.115 - Frédéric Guérin, op. cit., 1998, Pl. 32 us 1039.116 - Michael C. Bishop, « Cavalry equipment of the Roman army in the first century AD, dans Jon C. N. Coulston dir., Military equipment and the Identity

of the Roman Soldiers, Proceedings of the Fourth Military Equipment Conference (BAR S-394), Oxford 1988, p. 67-196.117 - Frédéric Guérin, op. cit., 1998, pl. 32 us 1065.118 - Elisabeth Rabeisen, « La production d’équipement de cavalerie au 1er siècle après J.-C. à Alésia (Alise-Sainte-Reine, Côte-d’Or, France)», Journal

of Roman Military Equipment Studies, I, 1990, fig. 11 n° 5, 6 et 8.119 - Frédéric Guérin, op. cit., 1998, pl. 33 us 2032.

(fig. 18) Empreinte de semelle cloutée de caliga sur tuile, dessin Maxime Mortreau

Le site de la rue Hanneloup (n° 80)

La fouille de Jean Brodeur (Afan) en 1999,a mis en évidence un fossé très large et profondqui entourait l’amphithéâtre d’Angers dit de « Grohan » et a confirmé le tracé de son murpéribole. Les traces d’une réoccupation au hautMoyen Age ont également été perçues.

Un rare pommeau de glaive en os a étérecueilli en position secondaire dans une fossedépotoir du VIIe-VIIIe s.120. Ce pommeau est romaincar on ne connaît aucun exemple de ce type defabrication au haut Moyen Age.

À ces fouilles menées dans un cadrearchéologique bien précis, l’archéologie desauvetage, il faut ajouter des découvertesanciennes entrées par le biais d’achats ou de donsdans les collections du musée des Beaux-Artsd’Angers.

Le site de la Place du Ralliement (n° 6)

Le musée des Beaux-Arts conserve ainsiun objet étiqueté « Angers M et L Fouilles Placeralliement 1886 collect Godron (sic) »121. La dateportée sur l’étiquette pourrait se rapporter à unedécouverte fortuite lors de la construction del’Hôtel des Postes, Place du Ralliement la mêmeannée.

Cet objet est un médaillon de phalèrecirculaire (pl. 2 n° 13) conservant encore une partiede son système de suspension. Si le contexte exactde découverte de cette pièce de harnachementdemeure inconnu, les références typologiques ennotre possession indiquent une fourchette dedatation dans les années 60/80122.

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BILAN SUR LA RÉPARTITIONSPATIALE ETCHRONOLOGIQUE

Les traces d’une présence militaireromaine à Angers sont donc indéniables (fig. 19 et 20).

Elles se répartissent sur l’ensemble de laville antique avec une forte concentration sur lessites du château, du Logis Barrault et la rueDelaâge/Imprimerie Siraudeau. Le lien avec aumoins un bâtiment à caractère public rue Delaâgeest à noter. Le site du Logis Barrault est interprétécomme celui d’un habitat alliant des caractèresrésidentiels et artisanaux situé idéalement aucarrefour de deux rues importantes. Au château,les militaria sont associés à des dépôts liés à uneactivité de boucherie pratiquée sur le lieu mêmede l’abattage.

Les découvertes se partagent entre deuxcatégories : les marqueurs primaires que sont lesarmes offensives ou défensives et les marqueurssecondaires que constituent les éléments deharnachement, les objets de parure, les outils dela correspondance et les céramiques importées.

Une remarque s’impose : les armes,marqueurs primaires, sont assez rares.

Pour les armes offensives, on dénombredeux fers de lance de cavalerie et un pommeau deglaive en os. Si une de ces lances est clairementune arme d’estoc, l’autre, de dimensions plusmodestes, est à rattacher aux traits destinés à êtrelancés lors de combats d’escarmouche ou depoursuite. Un pommeau de glaive complète cettepanoplie.

Les armes défensives sont absentes. Onne trouve aucune trace de cuirasses segmentéesou de cottes de maille comme sur les villes deLyon123, Corseul124, Arras125ou Lutèce126 ni decasques ou de boucliers.

À ces militaria sont associés des

120 - Jean Brodeur, « Angers. L’Amphithéâtre », Bilan Scientifique de la région Pays de la Loire 1999, DRAC/SRA, 2001, p. 40. L’objet n’estmalheureusement plus visible actuellement.

121 - Le rédacteur de l’étiquette a orthographié « Godron » pour Gaudron. Je remercie Jean Siraudeau pour ces précisions.122 - Annick Voirol, op. cit., 2000, Pl. 22 n° 260 et Eckhard Deschler-Erb, op. cit., 1999, Pl. 33 n° 646.123 - Armand Desbat, Les fouilles de la rue des Farges à Lyon, Lyon, GLRAG, 1984, p. 88-89.124 - Gaétan Le Cloirec, « Objets et éléments métalliques », dans Hervé Kérebel, Corseul (Côtes-d’Armor), un quartier de la ville antique. Les fouilles de

Monterfil II, Paris, MSH, 2001 (DAF ; 88), p. 202 et p. 213 n° 154.125 - Alain Jacques et Gilles Prilaux, « La naissance de la ville », dans Alain Jacques et Gilles Prilaux, (dir.), op. cit., Catalogue d’exposition, Musée des

Beaux-Arts (27 sep. 2003-4 janv. 2004), Arras, 2003, p. 41.126 - Matthieu Poux, Sylvie Robin, op. cit., 2000, p. 204.

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et le probable piquet de tente découverts auchâteau. On peut également y ajouter desmobiliers céramiques particuliers comme lesamphores italiques, les gobelets républicains (àdécor d’épines) et les lampes à vernis noirs etrouges Dressel 2 qui attestent la présence d’unepopulation très romanisée sur le site dupromontoire du château et ses alentours128.

Le piquet de tente a été recueilli dans unecouche dépotoir contenant de très nombreuxrestes fauniques. L’hypothèse d’une réutilisationde ce piquet pour attacher les bêtes destinées àl’abattage sur place n’est pas à exclure. Laprésence de cet objet indique en tout cas laproximité immédiate d’un campement militaireprovisoire qui ne peut dater au plus tard que de lapériode augustéenne précoce.

Le fer de lance et la boîte à sceau des sitesde la rue Delaâge, la semelle de caliga découvertedans une fosse dépotoir au Logis Barraultproviennent de contextes datés du règne d’Auguste.

127 - Le port de caligae, d’un cingulum et d’une tunique relevée plus haut distingue dans la vie courante le militaire du civil à cette période.128 - Maxime Mortreau, « Les céramiques à parois fines », dans Marie Tuffreau-Libre dir., Céramiques antiques en Val de Loire, Saint-Laurent Blangy,

Inrap/Drac Centre, 2005, p. 24-25.

témoignages de second ordre comme le port dechaussures cloutées de type caligae (clous etempreinte sur tuile)127, la présence de nombreuxfragments de cingula (ardillon, plaque décorative,boucles) ou de harnachement de cavalerie(appliques, pendentifs, garniture, phalères, rivets),des effets d’habillement (fibules type Aucissa, enoméga), l’existence d’une correspondance active etprécoce (boîtes à sceau), l’utilisation d’unvaisselier céramique méditerranéen et enfinl’importation de denrées issues de la même région(huile, vin, sauce de poisson).

Si on examine les contextes dans lesquelsles militaria ont été découverts, on remarquequ’une grande partie est issue de contextes duHaut-Empire (Ier-IIIe siècle), période sur laquellenous sommes le mieux documentés.

Les militaria attribuables à la périoderépublicaine ou césaro-augustéenne sont peuabondantes : on mentionnera les clous de caligae

(fig. 19) Carte de localisation des militaria romains par catégories à Angers au Haut-Empire, réalisation Maxime Mortreau, d’après fond de plan, Pithon, Comte, Chevet 2008.

À l’époque tibéro-néronienne, appartient la plaquedécorée de cingulum, le pendant de harnais,l’applique de harnais, la phalère, les boucles decingulum.

La fin du Ier siècle jusqu’au milieu IIe siècleest documentée par plusieurs éléments deharnachement (garniture de harnais, pendant) etun fer de javeline issus du site de l’ImprimerieSiraudeau. Une phalère provient également placedu Ralliement ainsi qu’un rivet émaillé au LogisBarrault.

La fouille de la couche d’abandon,déposée sur la cour des thermes 14 rue Delaâge, afourni de nombreux éléments de militaria biendatés des années 150/200 ap. J.-C. Ils serattachent au domaine de l’infanterie : moraillon,rivets émaillés, boutons rivets, ardillon decingulum. Au Logis Barrault, c’est une couched’incendie du milieu du IIIe siècle qui a livréplusieurs éléments décoratifs d’un harnais decavalerie. Une pendeloque de harnais a étérecueillie dans un niveau immédiatementantérieur à cet incendie.

En conclusion, la répartition chronologiquefait apparaître une présence quasi continue entrel’époque césaro-augustéenne et la fin du Haut-Empire.

Si on examine à présent la ventilation desmilitaria par catégories et sites, la très fortereprésentation des éléments liés à la cavalerie

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nous frappe tout d’abord.Ceci peut s’expliquer par le nombre

important d’objets décoratifs et de piècesconstituant le harnais de cavalerie. Ces pendantssont souvent brisés au niveau de leur attache, là oùelle est le plus fragile. Malgré tout, on observeraqu’au Logis Barrault le système de rivetage à lacourroie du pendant est encore en place, fait qui nepeut s’expliquer que par une découpe de la lanièreen cuir où se fixe le pendant.

Les éléments de ceinturons ne sont pasmieux conservés : on ne recense qu’un ardillon etune plaque décorative de cingulum. La plaquedécorative a semble t-il été arrachée de sonsupport en cuir comme l’attestent lesdéformations constatées aux angles de celle-ci.L’ardillon est, lui, incomplet, son bris étant la causedu rejet. Deux boucles seulement nous sontparvenues mais sans leur ardillon129. La petitetaille de celle découverte sur l’îlot 25 (2 x 2 cm)militerait plutôt pour une boucle de ceinturon decavalier ? La seconde provenant de l’îlotQuatrebarbes est attestée sur le site du camp deFréjus. Ces équipements sont réservés auxfantassins qu’ils soient auxiliaires ou légionnaires.

Les armes ne sont pas non plus bienreprésentées au sein de notre catalogue. Les deuximportants fragments qui nous sont parvenus nesont pas complets : l’extrémité de la pointe de la

129 - Le musée des Beaux-Arts d’Angers conserve toutefois sous le numéro d’inventaire 2203 une boucle de cingulum acquise le 7 juin 1904 de Paulde Farcy (MBA registre 5, déc. 1893-nov. 1904, p. 277) mais la provenance locale de cet objet n’est pas bien assurée.

(fig. 20) Tableau d’inventaire et de datation des militaria découverts à Angers, réalisation Maxime Mortreau

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lance découverte rue Delaâge est brisée et nepossède plus son talon indispensable pour laficher en terre. La même observation peut êtreformulée pour la lance découverte à l’imprimerieSiraudeau. Ces armes hors d’usage n’ont pas étéou, pu être réparées. L’usage de ces lances estplutôt le fait des auxiliaires et même surtout descavaliers.

Un glaive serait attesté a silentio par lepommeau en os mis au jour sur le site de la rueHanneloup. Il est difficile de se prononcer plus enamont car l’objet est actuellement non accessible.De même, est-il impossible de trancher sur sonappartenance à un gladius (épée courte defantassin) ou une spatha (épée de cavalier).

Interprétation des militaria : auxiliaireou légionnaire, cavalier ou fantassin,militaire d’active ou vétéran ?

Les découvertes dont il a été fait état danscet article touchent à la fois les domaines del’infanterie et de la cavalerie.

Il reste qu’il est difficile de trancher enfaveur de légionnaires ou d’auxiliaires en l’absenced’éléments discriminants (charnière de loricasegmenta, éléments de cuirasse à écailles ou àanneau, pilum). Toutefois la présence de deux fersde lance ainsi que de nombreux fragments dependants de harnachement fournit un élément deréponse convaincant pour l’hypothèse de cavaliersauxiliaires.

Le fer de lance de cavalerie découvertdans le puits 1 du 14 de la rue Delaâge documentecette présence d’auxiliaires de cavalerie depuis aumoins la période augustéenne.

De quelle région pouvaient provenir cesauxiliaires de cavalerie ? « Dans ce contexte desguerres civiles, (…), c’est essentiellement lacavalerie qui est recrutée dans la Gaulenouvellement soumise, et sa réputation,solidement établie grâce à la Guerre des Gaules,

est maintenue pendant un siècle et demi : elle estdésormais considérée comme la meilleure,devançant même la cavalerie africaine »130.

Il s’agit donc bien d’auxiliaires gauloismais l’examen du simple mobilier archéologiquene permet pas de conclure sur leur originegéographique. La découverte récente de la tombed’un cavalier auxiliaire gaulois à Rennes pose lamême question : s’agit-il d’un vétéran ayant gardéses armes ou d’un de ces soldats mort en serviceen Armorique131 ?

En récompense de leurs services rendus,les aristocrates gaulois se voient accorder lacitoyenneté romaine et en même temps le nom etle prénom de celui qui la leur donnait, Caius Iulius(César ou Auguste). Ainsi, le dédicant angevinCaius Iulius Lectrus doit être identifié comme unauxiliaire qui a servi loin de chez lui, sur les terresdes Trévires. Il ne s’y est pas installé commed’autres et est revenu dans sa patrie d’origine. Levide existant pour l’Ouest gaulois dans les cartesde répartition du recrutement des soldats en Gauleromaine n’est en fait que le reflet de ladocumentation épigraphique existante ousubsistante.

Même s’il semble logique qu’unrecrutement préférentiel se soit effectué àproximité des zones de conflit ou de stationnementdes troupes132, on ne peut toutefois pascomplètement exclure un recrutement pluséloigné pour ces auxiliaires de cavalerie.

Des témoignages discrets font état d’unrecrutement dans la cité voisine des Turons. Untravail de thèse récent133 est venu compléter fort àpropos la carte initiale de Michael Gechter (fig. 21).Aux deux Turons attestés sur le limes sont venuss’adjoindre un Picton et un Namnète. Un articlerécent fait le point sur l’exceptionnelle stèle ducavalier Argiotalus, (Namnis), mort sur la frontièredu Rhin à Worms entre 31 et 43, et qui livre lapremière mention « archéologique » du nom connudes Namnètes134 (fig. 22).

Pour confirmer ce fait, le réexamen dumobilier de la tombe de Ronchin, dans le Nord,permet d’attribuer une origine de la vallée de laLoire à un auxiliaire décédé sur place135. Elle

130 - Danielle Tassaux, Francis Tassaux, « Les soldats gaulois dans l’armée romaine », dans Michel Reddé dir., L’armée romaine en Gaule, Paris,Errance,1996, p. 149.

131 - Rome face aux barbares, 1000 ans pour un empire, Centre culturel Abbaye de Daoulas, 1993, p. 59, notice 33. 01.132 - Comme le montre la carte de l’origine du recrutement des troupes installées au début de notre ère dans la région du Rhin inférieur dans Michael

Gechter, « Die Anfänge des Niedergermanischen Limes », Bonner Jahrbücher, 1979, p. 1-138.133 - Danielle Tassaux, Francis Tassaux, op. cit., 1996, carte p. 155.

témoigne de l’installation d’auxiliaires étrangerssur des terres prises aux Ménapes (fig. 23).

L’examen des trouvailles monétaires surles camps du limes ou les camps d’auxiliairesapporterait sans doute des informations nouvellespouvant compléter les données épigraphiqueslacunaires.

Cette présence d’auxiliaires semblecontinue jusqu’au IIIe siècle si l’on en croit lestémoignages archéologiques.

De fait, la seule attestation claire delégionnaires romains à Angers nous est fournieencore une fois par l’épigraphie. Le texte de lastèle funéraire d’Invintaruser mentionneclairement l’appartenance du ou des dédicants àune légion (Legio I) au surnom évocateur de WPF(Minerva Pia Fidelis). Citoyens romains, ce sontprobablement des soldats détachés de la garnisonde Lyon où une vexillation de la légion I Minervia

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est stationnée depuis 197. Leur présence à Angerspourrait être expliquée par des missions deprotection ou de service auprès des membres del’administration provinciale.

Discussion/Croisement des sources

Un des apports majeurs des opérationsd’archéologie préventive menées ces dernièresannées à Angers a été la mise en évidence d’unoppidum, qui précède la mise en place de lacapitale de cité des Andes, Iuliomagus.

Si des traces d’une occupation anciennegauloise des années -120/-100 et -80/-70 ont bienété mises en évidence sur le site du promontoire duchâteau d’Angers136, il semble que la densificationet que la structuration des vestiges ne s’acquièrentque pendant ou immédiatement après la conquêtecésarienne137. La datation même du rempartreconnu de l’oppidum n’est guère assurée, tout au

134 - Jacques Santrot, « Au temps d’Argiotalus, Nantes, Rezé et le port des Namnètes », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 115, n° 1,2008, fig. 2 et 3 p. 62.

135 - Xavier Deru, « A propos de la tombe de Ronchin. Un auxiliaire gaulois en terre étrangère », Revue du Nord, t. LXXXI, 1999, n° 333, p. 186.136 - Jean-Philippe Bouvet et alii, op. cit., 2003, p. 179.137 - Jean-Philippe Bouvet et alii, op. cit., 2003, p. 175.

(fig. 21) Carte du recrutement des soldats en Gaule interne,d’après Danielle et Francis Tassaux 1996

(fig. 22) Stèle funéraire du cavalier auxiliaire namnète Argiotalus,cliché © H. Neveu-Dérotrie, musée départemental Dobrée, Conseil Général deLoire-Atlantique, Nantes

Maxime Mortreau ______ INDICES DE LA PRÉSENCE DE MILITAIRES ROMAINS À ANGERS IVLIOMAGVS (Ier av.-IIIe s. ap. J.-C.)

plus est-elle antérieure à la période tibérienned’après le mobilier céramique recueilli138.

Les témoignages archéologiques pour lapériode républicaine sont peu nombreux parrapport aux textes. En l’absence de reconnaissancedu lieu même de l’hivernage, on ne peut invoquerpour saisir cette présence militaire que desdécouvertes ponctuelles.

Celle d’un piquet de tente au château peut-elle être mise en relation avec le stationnement destroupes connu par le texte de César ? A priori non sil’on considère le séjour hivernal prolongé deslégions de P. Crassus sous un climat gaulois peupropice à un hébergement sous tente. De plus, lecontexte de découverte de l’objet en question est

clairement augustéen et se trouve associé à desrejets de faune liés à des activités de boucherie surle site. Concernant l’hivernage de troupes, nousavons vu qu’un logement dans les tentes n’étaitguère envisageable, ce type d’hébergementconvenant mieux à un camp de marche ou d’ététemporaire. La fabrication et la réparation destentes en cuir impliquaient de grands besoins enpeaux. Cette réquisition imposée aux Frisons est lacause principale de leur révolte en 28 ap. J.-C.139.

Par contre, les clous de caligae présentsdans les niveaux post-conquête et augustéens auchâteau posent une autre question. À cette époque,seuls les membres de l’armée romaine ou leursauxiliaires possédaient ce type d’équipement140. Eneffet, le développement de la tannerie qui aaccompagné la conquête a permis la réalisation engrande quantité d’objets courants comme leschaussures. Le port des chaussures cloutées,d’abord apanage des seuls militaires, a été très viteadopté dans les provinces du Nord par les civils141.Ces clous qui apparaissent en même temps que lesautres objets d’importation méditerranéenne(lampes, céramiques) sont également attestésdans les niveaux postérieurs.

Ainsi la perte de ces clous qui se répartitsur environ trente années (entre 40 et 10 av. n. è.)correspond à un stationnement permanent, uneoccupation durable qui s’oppose au piquet de tentelié à une présence temporaire.

On doit remarquer qu’à cette période, laville d’Angers bénéficie d’un approvisionnement encéramique privilégié avec l’Italie et la capitale de laGaule Lyonnaise, via la Loire et le Rhône.

A l’horizon pré-augustéen du château, ondoit rattacher le fragment de Dressel 20/Oberaden83 découvert sous la Maison du Tourisme, lesimitations de gobelets républicains et de plats àengobe rouge interne et les assiettes à enduit lie devin recueillis sur le site du Logis Barrault142.

Le fer de lance de cavalerie découvert surle site de Delaâge appartient à un horizonclairement augustéen. Elle est issuestratigraphiquement d’une couche antérieure à un

138 - Identification du mobilier céramique Maxime Mortreau, Inrap Angers.139 - Tacite, Annales, IV, 72.140 - Matthieu Poux, Puits funéraire d’époque gauloise à Paris (Sénat). Une tombe d’auxiliaire républicain dans le sous-sol de Lutèce, Protohistoire

européenne, 4, 1999, Montagnac, Mergoil, 171 p.141 - Carol van Driel-Murray, « Technology transfer : The introduction and loss of tanning technology during the Roman period », dans Michel Polfer dir.,

L’artisanat romain: évolutions, continuités et ruptures (Italie et provinces occidentales), Actes du 2e colloque d’Erpeldange 26-28 octobre 2001(= Monographies Instrumentum 20), Montagnac, Mergoil, 2001, p. 58.

142 - Maxime Mortreau, «L’horizon céramique de la fin de l’Age de Fer et du début de la période augustienne (-50 -40 à -20 -10 av. J.-C.)», dans PierreChevet et alii, Les fouilles du Musée des Beaux-Arts d’Angers (ancien Logis Barrault), archéologie et histoire d’un quartier de la ville d’Angers,Documents d’Archéologie de l’Ouest, à paraître.

(fig. 23) Ronchin dans le Nord, une tombe d’auxiliaire originaire de la vallée dela Loire, d’après Ludovic Notte 1997

Auteur ______ Titre

Pour la période claudienne, nous sommesconfrontés également à des problèmesd’interprétation : que faire de ce petit dépôt d’objetsmétalliques relevé dans le comblement de latranchée de fondation d’un bâtiment fouillé auLogis Barrault ? On pourrait y reconnaître un dépôtde fondation avec des objets ayant appartenu à unefamille ? la bague en or (femme), le harnais(homme), le pendentif (enfant) ? Il pourrait s’agirdans ce cas précis des objets appartenant à unvétéran de l’armée romaine, ceci expliquant lestraces d’usure observées sur les objets.

Il faut également s’interroger sur les deuxboucles de cingula découvertes à Angers pour cettepériode.

Ces objets pourraient-ils être mis en rapportavec le passage de troupes liées à la préparation del’expédition de Claude en Bretagne en 43 ?

Angers est une ville stratégiquement bienplacée aux carrefours de la Bretagne et du Poitou,dans une confluence de rivières et reliée à lacapitale de la Gaule par une voie importante.D’autres axes antiques ayant fait l’objet de travauxrécents sont connus desservant Rennes ou Jublains.

Dans le dépôt monétaire du Gué de Saint-Léonard, en Mayenne, qui a fait l’objet d’unesynthèse récente, la présence massive demonnaies d’Auguste (près de 30% de l’ensemble) etde Claude Ier (près de 39 %) a conduit l’auteur150 àenvisager la constitution d’un dépôt au fil des ansdans un environnement militaire. « L’hypothèsed’une présence de l’armée à Jublains pourrait êtrerenforcée par la frappe ou le poinçonnage decentaines de contremarques diverses, dont le lienavec l’armée est établi depuis longtemps ».

Il est toutefois difficile de conclure sur cesujet précis sans mener une enquête élargie auniveau régional, qui dépasse le cadre de notreprésente étude.

Les différents fragments de harnais et lefer de lance de cavalerie découverts à l’imprimerieSiraudeau sont-ils également la manifestation detroubles ayant affecté cette partie de la Gaule à lamort de Néron ou bien le simple séjour ponctuelde cavaliers auxiliaires ? Actuellement, nous nepouvons non plus répondre à ces questions faute dedonnées claires.

On observe encore cette présence militairependant la deuxième moitié du IIe et le IIIe siècle surles sites du 14 de la rue Delaâge et du LogisBarrault. Il s’agit là encore de cavaliers comme

l’attestent les éléments décoratifs de harnais misau jour sur ces deux sites. Cependant aucune armen’a été découverte. Leur origine géographique nepeut être caractérisée.

Avec le Bas-Empire, les troubles queconnaît l’Empire vont affecter de manière directe laville d’Angers qui se renferme alors dans une vasteenceinte de près de dix hectares. La défense decelle-ci sera confiée à des auxiliaires barbaresvenus cette fois de régions extérieures à la Gaule.

Les militaires dans la ville :bilan d’une étude

Au cours de cet exposé, nous avons vu quela présence militaire romaine est attestée par lestextes, l’épigraphie et les découvertesarchéologiques depuis au moins la fin del’indépendance gauloise.

À n’en pas douter, des militaires romainsont séjourné sur le site même du promontoire duchâteau d’Angers. Cette présence apparaît durablesi l’on s’en réfère aux témoignages des clous decaligae. Le choix de cet ancien oppidum commecapitale de cité pourrait être expliqué par cetteprésence militaire. A l’hivernage de la VIIe légion apeut-être succédé un nouveau stationnementconsécutif à la révolte de -51 du chef Ande,Dumnacos. Ce séjour a certainement dû accentuerle développement de l’oppidum préexistant ce dontatteste l’importance accrue des échanges avec laMéditerranée. A la période augustéenne, Angers sesignale par l’existence d’une parure monumentalesans équivalent dans la Gaule de l’Ouest donttémoigne la découverte de blocs architecturauxdans les remblais de fondation de l’enceinte du Bas-Empire, la statuette du Logis Barrault, l’emploi denouveaux matériaux de couverture en terre cuite etla mise au jour d’un vaste ensemble monumental auchâteau dont la mise en œuvre est probablement lefait de l’armée romaine. La découverte de plusieursboîtes à sceau montre une correspondance active etrend compte des échanges directs entrel’administration locale et celle de Lyon.

L’Empire romain a choisi Angers pour yinstaller un centre administratif et/ou fiscal ce donttémoignent clairement la présence à Angers d’un

150 - Paul-André Besombes, op. cit., 2005, 200 p. et 41 pl.

niveau qui a livré une monnaie de l’atelier de Lyonfrappée entre les années 10 à 7 av. J.-C.143.

La découverte de cette arme poseproblème. Le fer de lance est complet si l’onexcepte un petit fragment de la pointe. Sommes-nous en présence d’une manifestation funéraireparticulière comme un cénotaphe (sépulture sanscorps) - dans ce cas où seraient les autres dépôtsd’accompagnement ? - ou bien s’agit-il d’unenfouissement volontaire comme une cache, d’uneperte accidentelle ou encore de la trace d’unépisode guerrier ayant touché Angers ?

Les découvertes du Logis Barraultpermettent de d’aborder le problème délicat de laconfrontation des sources historiques précises etdes données de fouilles qui le sont moins.

Ainsi une première série d’objets serattache aux unités d’infanterie comme la plaquedécorative et la pendeloque de tablier de cingulum,une deuxième série permet d’identifier des unitésauxiliaires de cavalerie comme les éléments deharnachement, la lance et les pendeloques.

Cette présence militaire est-elle liée à larévolte de 21 ?

Nous avons vu que cette révolte, connue parles textes, n’a laissé que fort peu de tracesarchéologiques. Encore faut-il nuancer ce propos, car siles chronologies basées essentiellement sur l’étude dumobilier céramique ont bien avancé depuis quelquesannées à Angers et dans l’Ouest de la Gaule, il restecependant bien difficile de dater à une année près.

Si plusieurs sites fouillés sur Angersmontrent des traces d’incendie comme àGaumont/Saint-Martin ou 10-12 rue Delaâge144,seul celui du Logis Barrault pourrait correspondreà ces événements dramatiques145. Mais tous cesincendies sont-ils vraiment liés à cette révolte et àson écrasement par une force armée ou bien sont-ils le résultat d’un urbanisme forcé ?

D’autres manifestations plus brutalesrelevées sur le site du Logis Barrault comme lamutilation et l’enfouissement rapide dans une fossed’une statue de citoyenne romaine (stolata) (fig. 24) ,recouverte ensuite par les débris d’un incendie,

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l’enfouissement à une date imprécise du petittrésor monétaire de la Gaumont-Saint-Martin146 (fig. 25)ne seraient-ils pas le reflet d’un climat d’insécuritéet les manifestations tangibles de cette révolte de 21 ?

Il semble bien que l’établissement d’uncamp à Aulnay de Saintonge, en Charente-Maritimesoit directement lié à ces événements147. Troisinscriptions mentionnent deux légions, la legio IIAugusta et la legio XIIII Gemina, cantonnées dans larégion rhénane entre l’époque augustéenne et 43,avant de participer à la conquête de la Bretagnesous Claude où elles restèrent en garnison.

Plusieurs découvertes récentes rendentcompte de ce maillage de camps semi-permanentsdestinés à contrôler cette Gaule du Centre-Ouest : onpourra citer Niort, dans les Deux-Sèvres (fouilles LeCornec, Inrap), Les Vordeaux, à Cholet en Maine-et-Loire148 et même Saintes en Charente-Maritime149.

143 - Communication orale de Paul-André Besombes, numismate, conservateur du patrimoine au SRA Bretagne, à qui nous adressons nos plus vifs remerciements144 - Pierre Chevet, op.cit., 2005, Inrap Grand-ouest, p. 22.145 - Pierre Chevet, « Angers, Le Logis Barrault, musée des Beaux-Arts », Bulletin Scientifique et Régional, Nantes, SRA Pays de Loire, 1999, p. 34.146 - Michel Amandry, Gérard Aubin, « Le trésor d’aurei augustéens de la Gaumont/Saint-Martin, Angers (Maine-et-Loire) 1991 », Trésors Monétaires,

t. XX, 2002, p. 46.147 - Pierre Tronche, « Aulnay/Rocherou, Aunedonnacum, Charente-Maritime, France », dans Michel Reddé et alii dir., op. cit., 2006, Paris, MSH, (DAF ; 100), p. 207.148 - Jacques Santrot, « Au temps d’Argiotalus, Nantes, Rezé et le port des Namnètes », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, tome 115, n° 1,

2008, fig. 2 et 3 p. 62.149 - Information inédite, Guilhem Landreau, archéologue Inrap, 2007.

(fig. 24) Statuette en calcaire d’une citoyenne romaine découverte au LogisBarrault, cliché © Pierre David musées d’Angers

représentant du procurateur fiscal et le siège d’uneadministration, l’armée étant mise à contributionpour fournir le personnel compétent dans lesbureaux, assurer la protection et la levée des impôtset les taxes de tous ordres.

Les Romains ont très tôt exploité lepotentiel guerrier des peuples gaulois dont celuides Andes pour leurs guerres de conquête et la lutteinterne pour le pouvoir. Ces cavaliers gaulois,membres d’une aristocratie foncière dont oncommence seulement à percevoir les traces dansnotre région151, ont servi comme auxiliaires dansl’armée romaine et ont pris part aux guerres civilesromaines. Après leurs 25 années de service dans lalégion, les survivants sont rentrés chez eux avec lacitoyenneté romaine qui leur ouvrait des droitsnouveaux et leur offrait un rôle essentiel dans lagestion municipale de leur cité. Ce dont pourraittémoigner la fameuse inscription de C. Iulius à MarsLoucetios. Cette activité édilitaire ou évergète a-t-elleprovoqué la ruine de ces hommes puis la révolte de 21 ?

Quoiqu’il en soit, il faut remarquer quec’est sous le règne de Tibère, à une date qu’il faudradans l’avenir affiner152 que se met en place unréseau viaire qui quadrille littéralement la villed’Angers. Est-ce cet urbanisme qui a provoquéégalement la révolte ou est-il une conséquencedirecte de cette révolte ?

Les traces de la présence militaire romaine(fantassin et cavalier) à cette époque sontclairement documentées au Logis Barrault, sur unsite interprété comme celui d’une domus.

Cette présence paraît durable si l’on encroit le petit dépôt mis au jour dans une tranchée defondation sur le site du Logis Barrault. Au sein d’unmême ensemble sont associés une bague en or, unfragment de phalère et un élément deharnachement. Une monnaie de Caligula datée desannées 37/38 ap. J.-C réutilisée comme médaillonvient fournir un terminus post quem de la fin desannées 30 pour ce dépôt.

Les événements qui suivent la mort deNéron ont probablement dû affecter la cité desAndes. Le gouverneur de la Lyonnaise, Iulius Vindex,a-t-il pu entraîner dans son aventure des Angevins ?Ce qui est certain c’est que des fragmentsd’équipement de cavalerie et des armes ont été

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découverts sur le site de l’imprimerie Siraudeauprouvant la présence d’auxiliaires de cavalerie àcette période. L’un des artefacts a été fabriqué dansl’atelier bourguignon d’Alésia qui a fourni enéquipement de cavalerie les troupes basées sur lescamps du limes. La répression de la révolte de 69,documentée en Gaule par plusieurs camps, a-t-elleégalement touché Angers ?

Cette présence militaire perdure car durantla seconde moitié du IIe et le début du IIIe siècle undépotoir contenant de nombreux militaria est attestésur le site d’un bâtiment thermal public rue Delaâgen° 14 et 10-12 dont la fréquentation sur une longuepériode indique peut-être un stationnementpermanent. Cette explication conviendrait à ladécouverte d’un harnais et de pendant de cavalerieau Logis Barrault pour la première moitié du IIIe

siècle. Le témoignage le plus parlant cependant estcelui d’une inscription funéraire dédiée à unefemme de militaire romain appartenant à undétachement lyonnais d’une légion basée à cettepériode en Pannonie inférieure. L’hypothèse debénéficiaires remplissant des fonctionsadministratives auprès d’un bureau pourrait alorsêtre avancée.

Ces rapports et ces déplacements plusfréquents qu’il n’y paraît dans le vaste espacegéographique que constitue l’Empire romain à cettepériode, seront documentés d’une façon éclatanteun siècle et demi plus tard par l’inhumation d’ungroupe ethnique originaire de la région de la MerNoire dans la nécropole gallo-romaine de la GareSaint-Laud153.

151 - On peut citer comme exemple la ferme gauloise du Grand Aunay à Yvré l’Evêque, dans une boucle de l’Huisne au nord du Mans, où l’on a découvertla panoplie guerrière d’un de ces cavaliers : éperon, fer de lance (Stéphane Vacher et Vincent Bernard, « Un site inondable : Le Grand-Aunay à Yvré-L’Evêque », dans Revue Archéologique de l’Ouest, 2003, suppl. 10, p. 189-212).

152 - Martin Pitton, François Comte, Pierre Chevet, «Les voies urbaines de Iuliomagus (Angers)», dans Pascale Ballet, Nadine Dieudonné - Glad, CatherineSaliou, dir. La rue dans l’Antiquité. Définition, aménagement, devenir, Rennes. Presses Universitaires de Rennes, 2008, p 311-318.

153 - Jean Brodeur et Isabelle Souquer-Leroy, «Les fouilles archéologiques de la gare Saint-Laud à Angers», Revue Archéologique, 2003, 1, p. 199.

(fig. 25) Trésor d’aurei de la Gaumont-Saint-Martin, cliché © Pierre David muséesd’Angers


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